» Ce n’était pas une famille, mais un clan « 

Gian Piero Bona a écrit un livre sur l’histoire des Bruni Tedeschi, riches industriels du nord de l’Italie (1). L’Express l’a rencontré.

Quand avez-vous connu Alberto Bruni Tedeschi ?

E J’ai d’abord connu sa femme, Marisa. Nous avions une vingtaine d’années et étudiions ensemble au Conservatoire de Turin. Elle dansait, jouait du pianoà Je peux vous l’avouer, nous avons failli nous marier ! Après qu’elle a épousé Alberto Bruni Tedeschi, nous n’avons pas perdu le contact. J’ai même écrit des livrets pour Alberto, qui a été un grand compositeur : Diagramma circolare, joué à la Fenice de Venise à la fin des années 1950, ou encore Secondatto. Après sa mort, c’est Marisa qui m’a demandé de raconter l’histoire de son mari, afin qu’il reste une trace de cette vie exceptionnelle.

Quelles sont les origines de cette famille ?

E C’est une famille d’industriels piémontais, dans le nord de l’Italie. Les câbles électriques et les pneumatiques ont fait leur fortune ! Le père d’Alberto, juif converti au catholicisme, était un homme très dur, très sévère. Pensez donc, il a déshérité sa fille pour un bol de soupe aux haricots ! Lors du déjeuner qui a suivi l’enterrement de sa seconde femme, en effet, il a jugé inopportun que sa fille mange avec gourmandise, quand le deuil et les convenances commandaient la frugalitéà Lorsqu’il a vendu l’entreprise familiale, la Ceat, Alberto est devenu l’une des premières fortunes d’Italie. Il était moins riche qu’Agnelli, le patron de Fiat, mais Agnelli disait toujours, en plaisantant :  » Je ne suis que la deuxième fortune italienne, après Alberto ! « 

Quel regard portez-vous sur la famille d’Alberto Bruni Tedeschi ?

E Ce n’était pas une famille, c’était un clan, au vrai sens du mot ! Lié par l’amour des arts, mais aussi par la même façon de mener grand train. Quand son mari est mort, Marisa m’a confié qu’il lui avait laissé de  » très gros moyens « … Je me souviens d’Alberto sous le grand châtaignier, dans la propriété de Castagneto Po, un cigare à la bouche et un verre de whisky à la main. Un jour, il a perdu un manuscrit, très important pour lui. Désespéré, il s’est mis à implorer l’aide divine, promettant un don à la Vierge de plusieurs millions de lires. Il a retrouvé son texte et honoré sa dette envers l’Eglise. Mais en plusieurs fois ! Car, malgré son immense fortune, Alberto Bruni Tedeschi a toujours rechigné à payer comptant. l

(1) L’industriale dodecafonico. Editions Marsilio. Bientôt traduit en français.

Propos recueillis par E. K.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire