Radiohead ne surprend plus

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Contrairement aux rumeurs, le nouveau Hail to the Thief ne signe pas le retour du quintette d’Oxford aux chansons plus accrocheuses mais répète davantage la formule  » expérimentale  » des deux précédents albums

Le CD Hail to the Thief sort le 9 juin chez EMI. Radiohead est en concert à Werchter le 26 juin. Infos : 0900 260 60 (0,45 euro la minute) ; www.rockwerchter.be

En pénétrant dans la luxueuse chambre d’hôtel où se trouve Colin Greenwood, le bassiste de Radiohead, on a l’idée ferme que Hail to the Thief est beaucoup plus un prolongement aux deux derniers opus expérimentaux Kid A (2000) et Amnesiac (2001) que le splendide retour attendu aux pop-songs envoûtantes de OK Computer, leur classique de 1997 qui a définitivement (?) mis le groupe anglais sur la carte mondiale du rock. Mais, avant de débattre des quatorze plages de Hail to the Thief, il est difficile de ne pas entretenir Colin de l’actuelle paranoïa qui, en cette mi-avril, semble toucher l’univers de Radiohead. Ainsi, les exemplaires du disque confiés à la presse comprennent non seulement le nom de l’heureux  » nouveau propriétaire  » très visiblement gravé, mais également un numéro de code qui, en cas de copie ou diffusion sur le Net, permettrait de repérer l’indélicat et de prendre, le cas échéant, des mesures judiciaires. Procédé digne d’un mauvais trip orwellien. Colin :  » Vous savez comme moi que l’on trouve déjà sur le Net des traces de l’album ; le problème, c’est que ce sont des chansons non définitivement mixées qui nous ont été dérobées, peut-être lors de notre enregistrement à Los Angeles, et divulguées comme telles. On a à la fois le sentiment d’être  » violé  » dans notre intimité créative, d’être exposé comme si on n’était pas tout à fait habillé ( sourire). Cependant, je suis d’accord que le fait de graver votre nom sur le disque ( sourire), d’y mettre un numéro, etc. , est un procédé absurde, qui n’est d’ailleurs pas de notre fait mais de celui de la firme de disques.  » Au-delà du marketing typique d’une industrie en position contradictoire – géant aux bases fissurées par le Net, MP3, etc. – c’est l’intérêt même de Hail to the Thief qui est en question. A son écoute, on se rend vite compte qu’il s’agit d’un disque plus intéressant que séduisant, et qu’il ressemble trop aux dérives de Kid A ou Amnesiac, ces morceaux alanguis et préoccupés qui évoquent parfois bizarrement le prog-rock anglais seventies ou des planeries électro sans véritable enjeu. Bien sûr, on y trouve toujours les qualités prépondérantes de Radiohead, comme la voix de Thom Yorke en point de fuite absolu et cette douceur très particulière qui précède l’orage. Radiohead est toujours le plus beau phénomène électrostatique du rock mais les éclairs de Hail… ne foudroient pas aussi bien que ceux de OK Computer ou The Bends. Autrement dit, Hail n’a pas l’impact émotionnel du grand disque de pop-songs tant attendu. Colin ne partage pas notre opinion.  » Quelles sont les chansons que vous ne trouvez pas ôcatchy », donnez-moi des exemples ! Je pense, au contraire, que notre approche exprime encore une liberté maximale mais dans un espace rigoureusement circonscrit !  »

Quant au domaine politique, il semble que, là aussi, les divergences de perception existent. Interrogé sur la guerre en Irak, Colin affirme que le titre de l’album n’est pas une allusion aux  » votes volés par Bush lors de sa campagne  » et se montre plutôt pour l’intervention en Irak. Alors que Thom Yorke s’est plusieurs fois prononcé contre le blairisme ambiant et a formellement pris part à plusieurs marches anti-guerre. Groupe sous pression mondiale, Radiohead montre son talent dans une demi-douzaine de morceaux, soit une petite moitié d’album. On aime Radiohead dans Sail to the Moon ou I Will, jolie lenteur qui tisse un lien avec Scatterbrain qui, lui aussi, convole en justes noces avec les mirifiques tonalités de la voix de Yorke. La conclusion du disque, A Wolf at the Door, nous emmène de l’autre côté du miroir. Son débit d’abord baladeur s’enflamme, prend de la tension, devient réellement attachant. Et rappelle que Radiohead est un groupe unique. Ce que l’on ne dira certainement pas de ce Hail… qui nous laisse quelque peu en appétit.

Philippe Cornet

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