L’année des tuiles au CDH

Après dix-huit ans de pouvoir, le président d’arrondissement du CDH de Liège, Dominique Drion, a passé le flambeau à Vinciane Pirmolin. Une transition empoisonnée ? Les tuiles s’accumulent pour les humanistes : départ d’Anne Delvaux, résultats électoraux en baisse, plus de ministre dans aucun gouvernement…

Ces trente-six dernières années, la passation de pouvoir n’a guère été fréquente au CDH liégeois. Plus d’un tiers de siècle et seulement deux présidents d’arrondissement. Le hasard de l’histoire veut qu’Hector Magotte puis Dominique Drion aient assumé pendant pile dix-huit ans leur fonction. Si elle suit la  » tradition  » instaurée par ses prédécesseurs, Vinciane Pirmolin, 48 ans, pourrait tenir jusqu’à la pension… Elle précise toutefois en souriant :  » Je n’ai pas signé pour dix-huit ans !  »

Dans ces circonstances, sa nomination ne pouvait pas passer inaperçue chez les humanistes liégeois. Plus de 90 % d’entre eux avaient d’ailleurs soutenu sa candidature, en juin 2013. Pour respecter ses statuts internes, le parti devait renouveler ses composantes d’abord au niveau des sections locales, puis de l’arrondissement dans les six mois après les élections communales de 2012. Dominique Drion estimait qu’il avait fait son temps, Vinciane Pirmolin était la seule à se présenter pour le poste.

Mais un autre rendez-vous avec les urnes se profilant, une dérogation avait été votée pour permettre au premier de rester en place, le temps que le verdict électoral tombe. Ce n’est donc qu’après un an d’écolage, en septembre dernier, que sa remplaçante a officiellement pris ses fonctions.

Treize mandats, six rémunérés

Plutôt femme de l’ombre, elle n’est toutefois pas étrangère au sérail. Fille de l’ancien député permanent PSC Jacques Pirmolin, elle officie comme conseillère communale dans sa commune d’origine, Grâce-Hollogne, depuis 1994, et siège comme conseillère provinciale depuis 2011. Directrice administrative du GRE (Groupe de redéploiement économique de Liège), elle comptabilise également dix autres mandats (six rémunérés au total), notamment chez Tecteo, Immo Coronmeuse, l’Action sociale chrétienne de l’arrondissement, les habitations sociales de Saint-Nicolas…

Sa mission ?  » Préparer les élections communales de 2018 « , répond pour elle Dominique Drion.  » Ça, c’est l’objectif à long terme, ajoute-t-elle. Depuis un an, je fais le tour des sections locales et je vais continuer. Il est important que les messages de la présidence du parti puissent être relayés vers la base et vice versa. Je vais aussi travailler avec les parlementaires et rencontrer les décideurs dans différents secteurs.  »

La présidence de Vinciane Pirmolin se présente à un moment charnière du parti. Lors des dernières élections communales, le CDH a réussi à s’imposer dans douze majorités sur les vingt-quatre que compte l’arrondissement, bien que son score ait baissé dans huit d’entre elles. Ses résultats ont également fléchi dans la moitié des douze communes restantes, et ne peuvent pas être comparés dans cinq autres car la liste se présentait seule pour la première fois ou ne se présentait tout simplement pas. Finalement, la seule progression dans l’opposition est enregistrée à… Grâce-Hollogne.

Un même constat de recul s’est imposé lors des élections provinciales de 2012, ainsi que pour les régionales, les fédérales et les européennes de mai dernier dans la circonscription de Liège… Bref, la nouvelle présidente aura du pain sur la planche pour tenter de renverser cette lente érosion.

Machines à voix ?

Pour l’instant, elle semble peu aidée par les circonstances. Le départ retentissant d’Anne Delvaux, qui a claqué la porte du parti et de la politique après n’avoir pas obtenu la tête de liste à l’Europe, a fait couler beaucoup d’encre. Or, en revenant s’installer à Liège, l’ex-présentatrice du JT de la RTBF avait précisément pour mission de booster la liste humaniste aux élections communales.

Si le retrait de la vie politique du Verviétois Melchior Wathelet (qui était tête de liste pour la circonscription de Liège à la Chambre lors des dernières élections) devait se confirmer, le CDH liégeois perdrait une autre grande machine à voix.

 » Il n’est pas malsain de se dire qu’on peut faire autre chose que de la politique, a récemment commenté l’ancienne ministre wallonne Marie- Dominique Simonet. Mais nous pensons que Melchior est quelqu’un de talentueux, qui a tout à fait sa place en politique.  »

 » A part lui, le CDH liégeois ne comporte pas de personnalités populaires d’exception, analyse le politologue Pierre Verjans (ULg). On a affaire à des gens de bonne volonté plutôt qu’à des ambitieux politiques. Dans les autres partis, dès que quelqu’un se fait élire, il regarde vite ce qu’il peut obtenir à un échelon supérieur. Ici, je n’ai pas l’impression que les mandataires se positionnent par rapport à la direction du parti pour dire : « Je veux tel poste ». Il est rare de s’asseoir sur sa base politique à un niveau donné.  »

Cela expliquerait-il en partie l’absence de ministre humaniste liégeois dans les nouveaux gouvernements de la Région et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, alors qu’auparavant Marie-Dominique Simonet puis Marie-Martine Schyns étaient en charge de l’Enseignement obligatoire, un portefeuille phare ?  » Si je n’avais pas eu un cancer il y a un an, les choses auraient sans doute été différentes, confie Marie-Dominique Simonet. Il est vrai aussi qu’on avait été gâté par le passé et que d’autres provinces n’avaient pas eu cette chance. Cela ne me pose pas de problème de m’effacer momentanément pour quelqu’un de jeune et talentueux comme Maxime Prévot, qui n’est pas une demi-andouille !  »

 » Il faut accepter que Namur, le Luxembourg et le Hainaut aient aussi leur part, complète Dominique Drion. Puis le gouvernement est collégial, nous rencontrons souvent les ministres et nous avons, dans chaque cabinet, un « correspondant qualifié » pour les dossiers liégeois.  »

Un parti en transition

Ce déficit ministériel risque toutefois d’engendrer un déficit de visibilité. Et donc un nouvel inconvénient qui pèsera dans la balance en vue des prochaines échéances électorales… Le parti est  » en transition « , rassurent tant Vinciane Pirmolin que Dominique Drion. Et de miser sur l’émergence d’une nouvelle génération. Représentée notamment par Laurence Cuipers, 30 ans, conseillère au conseil d’action sociale (CPAS) devenue remplaçante d’Anne Delvaux au conseil communal de Liège ; ou celle qui lui a succédé au CPAS, Carine Clotuche, 45 ans, responsable juridique à la CSC.

 » Ce sont des jeunes femmes brillantes et compétentes, présentant un beau potentiel. Je suis assez confiante, mais c’est maintenant qu’il faut travailler « , estime la nouvelle présidente.  » Leurs capacités électorales sont déjà intéressantes « , poursuit son prédécesseur.

En 2012, Laurence Cuipers avait récolté 841 voix de préférence puis 1 770 aux régionales de 2014, tandis que Carine Clotuche comptabilisait 624 votes puis 1 644 deux ans plus tard. On est encore loin des 3 361 voix d’Anne Delvaux aux communales ou des 17 564 de Marie-Dominique Simonet aux régionales. Tout vient à point à qui sait attendre ?

Dossier coordonné par Philippe Berkenbaum, avec Mélanie Geelkens, Julie Luong et Frédérique Masquelier – Mélanie Geelkens

 » A part Melchior Wathelet, le CDH liégeois ne comporte pas de personnalités populaires d’exception  »

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