Terrorisme : info ou intox ?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Réelle ou pas, la menace terroriste qui plane depuis près de quinze jours sur la Belgique, et sur Bruxelles en particulier, a déjà atteint son but : semer la peur et gâcher les fêtes de fin d’année.

Pas question de jouer avec le feu. Quitte à décevoir des cohortes de fêtards, Bruxelles a dû se passer de son grand feu d’artifice pour saluer le passage à l’an neuf, sur le conseil du centre de crise de l’Intérieur, qui ne baisse pas sa garde face à une menace terroriste.  » Diable, l’affaire serait-elle donc sérieuse ?  » se surprend à penser le commun des mortels. L’homme de la rue finissait par douter de la crédibilité du message préoccupant asséné depuis quinze jours par les autorités policières et judiciaires. Le vendredi 21 décembre, celles-ci avaient particulièrement soigné leur com’ en annonçant les ingrédients d’un cocktail explosif en gestation : un projet d’évasion à l’arme lourde du terroriste Nizar Trabelsi (condamné à dix ans de prison pour avoir projeté un attentat contre la base militaire de Kleine Brogel), doublé de rumeurs de la préparation d’un attentat à Bruxelles. Volée de perquisitions, interpellations de 14 proches du terroriste détenu : la lutte antiterroriste sortait le grand jeu pour clore 2007 en beauté. Même le gouvernement intérimaire, mis sur les rails ce jour-là, était associé, par la voix de son Premier ministre Guy Verhofstadt, à ce grand exercice de communication. Pour une entrée en matière, l’occasion était trop belle de souligner que notre pays, même au sortir d’une interminable crise politique, est bien gouverné. Grand-Place, métro, gares : les lieux publics les plus fréquentés de Bruxelles sont placés sous haute surveillance policière, de même que l’aéroport de Bruxelles-National, et ce jusqu’à nouvel ordre.

On l’aurait donc échappé belle. Et pour sa première véritable épreuve du feu, l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam), mis en place voici un an, aurait eu du flair. Si ce n’est que le coup de filet policier s’apparente à un coup d’épée dans l’eau… Ni explosifs ni armes n’ont été découverts chez les suspects, tous relaxés dès le lendemain de leur interpellation ; des fouilles infructueuses ont été effectuées à la prison d’Arlon, où avait été incarcéré Trabelsi ; aucune cible n’a été identifiée. Du fond de sa cellule à Nivelles, le terroriste Trabelsi a beau jeu de se gausser de ce branle-bas de combat alimenté par des esprits  » paranos « .

Beaucoup de bruit pour rien ? D’emblée, les experts avaient relativisé : la tentative d’évasion de Trabelsi cristallisait un climat d’inquiétude générale, alimentée par les messages menaçants délivrés par Al-Qaeda à l’intention de l’Europe. Le groupe terroriste exigerait en effet que les pays européens retirent leurs troupes d’Afghanistan pour la fin de l’année.  » Rien de plus précis « , commentait un responsable de l’Ocam.

Services de sécurité instrumentalisés ?

Il n’en fallait pas plus pour que la sénatrice PS Anne-Marie Lizin et le député populiste Jean-Marie Dedecker (LDD), rejoints par le sénateur Ecolo Josy Dubié, mettent leur grain de sel parlementaire, en demandant au Comité R, chargé du contrôle des services de renseignement, de tirer l’affaire au clair. Le soupçon d’une  » surévaluation  » de la menace agace le ministre de l’Intérieur, Patrick Dewael (Open VLD), jugeant  » déplacé et offensant  » le doute ainsi jeté sur la crédibilité de l’état d’alerte. Services de sécurité instrumentalisés à des fins politiques ? Excès de zèle de l’Ocam destiné à prouver son utilité ? Volonté d’affoler les esprits pour remettre au goût du jour la lutte antiterroriste, alors que doivent être fixées les priorités policières au sein d’un nouveau plan national de sécurité ? On peut tout imaginer. Y compris le caractère bien réel du danger… Dans les milieux de l’enquête, on apprécie peu tout ce raffut :  » Cela ne facilite pas nos investigations, même si les mesures prises témoignent d’une volonté compréhensible de ne prendre aucun risque. Si les responsables politiques ne l’avaient pas fait et si un attentat avait lieu, on aurait une nouvelle affaire Dutroux sur les bras ! On passe pour des c… pour l’instant, mais rira bien qui rira le dernier. Le coup de pied donné à la fourmilière a eu son effet : le réseau est déstabilisé. « 

Pierre Havaux

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