© Belga

De Decker et l’Ordre de Malte lobbyaient aussi pour Georges Forrest

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Décidément, beaucoup de monde est intervenu, fin 2013, en faveur de l’anoblissement de Georges Forrest. Outre Etienne des Rosaies, le fameux chargé de mission élyséen du Kazakhgate, Armand De Decker et Jean-Pierre Mazery, grand chancelier de l’Ordre de Malte, ont fait du lobbying plutôt appuyé pour l’industriel belge présent au Congo. Comment en attestent les lettres que nous publions…

Le dossier de l’anoblissement de Georges Forrest, le roi des mines africaines proche du MR, devient de plus en plus intrigant. Le 23 novembre dernier, Le Vif révélait que Jean-Claude Fontinoy, collaborateur de longue date de Didier Reynders, aurait été en contact, fin octobre 2013, avec Jean-François Etienne des Rosaies, alors que celui-ci tentait d’obtenir l’anoblissement, au titre de baron, de son vieil ami Georges Forrest. Les deux hommes se connaissent depuis les années 1970. Des Rosaies ? Cet ancien conseiller de l’ombre de Nicolas Sarkozy a joué un rôle prédominant dans le Kazakhgate, avec Armand De Decker qu’il a intégré dans l’équipe de défense de Patokh Chodiev, le milliardaire ouzbeko-belge.

Interrogé par nos soins, Jean-Claude Fontinoy a nié tout contact avec Jean-François Etienne des Rosaies. La RTBF a pourtant publié, peu après, d’étranges mails adressés, en novembre 2013 et janvier 2014, par des Rosaies à Jean-Pierre Mazery, le grand chancelier de l’Ordre de Malte. Le premier, qui était « conseiller spécial » du grand chancelier, y parle de l’anoblissement de Forrest et rappelle au second « l’estime et les liens » qui le lient « tout particulièrement » à Jean-Claude Fontinoy. JFEDR évoque aussi ses « amis du ministère des Affaires étrangères ». Interrogé par la RTBF, Fontinoy a de nouveau nié tout lien avec JFEDR. Et l’Ordre de Malte a déclaré que si des Rosaies a pris des contacts en Belgique, il s’agissait d’une initiative personnelle, sans aucune relation avec l’Ordre.

Dans les deux lettres que nous publions ci-dessous, on découvre que deux autres personnages bien en vue sont également intervenus pour recommander chaudement Georges Forrest au Conseil de la Noblesse et à Didier Reynders (le ministère des Affaires étrangères chapeautant le Conseil de la Noblesse) : il s’agit d’Armand De Decker et de Jean-Pierre Mazery.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Dans la première lettre, datant du 4 novembre 2013 et adressée au président du Conseil de la Noblesse, Armand De Decker y fait un éloge impressionnant de Forrest, sur trois longues pages, soulignant ses qualités de mécène et ses dons pour l’enseignement et les infrastructures de santé au Congo. « Monsieur Georges Forrest honore la Belgique dans son ancienne colonie avec hauteur de vue, vision stratégique à long terme, humanisme, encouragement à la bonne gouvernance en RDC… », écrit le président honoraire MR du Sénat, avant d’encourager le président Paul Janssens à élever l’industriel généreux « à la dignité de Baron ». Soulignons que cette missive de De Decker est également envoyée en copie au ministre Reynders.

La seconde lettre est rédigée, depuis Rome, par le grand chancelier de l’Ordre de Malte à l’adresse de Didier Reynders lui-même, le 20 novembre 2013. Nous sommes toujours dans la période de lobbying intense pro-Forrest. Dans son courrier à entête de l’Ordre, Jean-Pierre Mazery dresse à son tour, à l’intention du ministre des Affaires étrangères, un portrait fort louangeur de Georges Forrest. Plus court mais du même acabit que l’écrit de De Decker. « Il me paraît que Monsieur Forrest mérite pleinement la reconnaissance aussi bien de l’Ordre que de la Belgique et du Congo », conclut le grand chancelier.

Que révèlent ces deux lettres, au-delà de leur contenu ? D’abord que l’Ordre de Malte était pleinement impliqué dans la campagne d’anoblissement de Forrest, contrairement à ce qu’il a déclaré, la semaine dernière, à la RTBF. Il paraît, dès lors, peu crédible que les contacts pris en Belgique par le « conseiller spécial » Etienne des Rosaies n’aient été qu’une initiative personnelle, en dehors de l’Ordre. Il paraît également improbable, vu toutes ces démarches conjointes, que des Rosaies n’aient eu aucun contact avec le cabinet Reynders, fin octobre, début novembre 2013, comme Le Vif l’a entendu de plusieurs sources. Enfin, il apparaît qu’Armand De Decker et Etienne des Rosaies ont travaillé, une fois de plus, de concert, ici pour permettre à leur ami Forrest de devenir baron. Dans ses mails à Mazery, des Rosaies évoque d’ailleurs De Decker à plusieurs reprises. Et tout cela, de nouveau, avec l’obscure complicité de l’Ordre de Malte. Comme dans le Kazakhgate.

Thierry Denoel, enquête réalisée avec De Standaard.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire