Droit de réponse de Luc Foubert

Les documents en notre possession présentent une version toute différente de celle de M. Luc Foubert. Les époux Gilles le désignent bel et bien comme un  » intermédiaire  » pour les opérations en question dans l’article du 17 octobre 2008. Comme nous l’indiquions, Luc Foubert a été inculpé dans plusieurs dossiers de type  » cash companies « . Il a été placé en détention préventive à la jonction des années 2001 et 2002.

Sous le titre Fraude fiscale, la grande hypocrisie, le journal LE VIF du 17 octobre 2008 a publié, sous la signature de Philipe ENGELS un article portant atteinte, tant à la vérité qu’à ma réputation. Dans cet article, qui met également en cause des hommes politiques, un haut magistrat, une fonctionnaire de l’administration fiscale, plusieurs avocats et une revue juridique prestigieuse, il est notamment soutenu que j’aurais participé à une série d’opérations, jugées illégales et frauduleuses, portant sur la cession par mes clients, de  » sociétés de liquidités « à des tiers, et que je ferais l’objet de poursuites judiciaires de ce chef. Cité nommément à trois reprises et une quatrième fois de manière indirecte, comme participant à une espèce de  » complot contre l’Etat « , je me dois d’utiliser le droit de réponse qui m’est octroyé par la loi pour rétablir la vérité des faits.

Ce que j’ai fait

Licencié en sciences commerciales et financières HEC Liège, licencié en fiscalité HEC Liège, j’ai effectivement, dans le cadre de mon activité professionnelle, mis en contact certains actionnaires de petites et moyennes entreprises avec des acquéreurs potentiels. L’opération qu’ils ont réalisée à mon intervention, présentée comme complexe et artificielle, est au contraire simple et connue depuis des décennies des fiscalistes et de l’administration. Lorsqu’une société, en général, en fin d’activité, cède son fonds de commerce, elle réalise, si elle est rentable, une plus-value égale à la différence entre le prix qu’elle en obtient et sa valeur résiduelle au bilan. Cette plus-value est taxable, soit immédiatement, soit de façon différée dans l’hypothèse où l’ensemble du prix de réalisation de l’actif corporel ou incorporel que la société détenait depuis plus de 5 ans fait l’objet d’un réinvestissement, en principe dans un délai de trois ans (dans certains cas, de 5 ans). Ce n’est pas là une invention de fiscaliste, mais l’application pure et simple de la loi, visant à promouvoir les investissements en Belgique de manière intelligente. Toutefois, lorsque les dirigeants de la société s’apprêtent à partir à la retraite, ils ont rarement l’intention de procéder à un réinvestissement. Mon rôle a consisté à les mettre en contact avec des personnes qui ont manifesté l’intention de réaliser effectivement de tels investissements. Ainsi que la loi le permet, les actionnaires initiaux cèdent alors les titres de la société à des acheteurs, qui s’engagent à ce que la société procède effectivement aux investissements voulus par la loi dans les délais requis. La société évite ainsi d’être taxée immédiatement sur une plus-value, et ce en vertu de la loi fiscale. Un impôt des sociétés important étant reporté, l’acheteur paye en général un prix inférieur aux liquidités qui se trouvent dans la société – c’est là qu’il y trouve son intérêt en accroissant les moyens financiers dont il dispose pour réaliser ses investissements – mais supérieur à celui qui s’y trouverait encore si l’impôt des sociétés avait été payé.

J’ai réalisé un grand nombre d’opérations de ce type pour des clients qui m’ont consulté afin de les mettre en rapport avec de tels acheteurs. J’ai pris la précaution de demander au préalable des avis de professeurs d’université, d’avocats et de consultants tous hautement spécialisés en droit fiscal, et qui m’ont confirmé que la plus-value sur actions réalisée par mes clients n’était pas imposable et que les opérations proposées étaient parfaitement légales. J’ai également pris la précaution de ne travailler qu’avec des acheteurs qui m’étaient présentés par des grandes banques (contre paiement de commissions), mieux à même que moi de trier les acheteurs dont elles prétendaient connaître les projets d’investissement et dont elles finançaient les opérations.

La déception explicable du fisc

Dans un certain nombre de cas, et à mon insu, l’acheteur n’a pas tenu les engagements pris et n’a pas recouru aux investissements qu’il s’était engagé à effectuer. C’est assurément regrettable envers toutes les parties et envers l’Etat, qui n’a pas perçu l’impôt qui lui était dû. Ni mes clients, ni moi-même, n’avions évidemment la possibilité de l’y contraindre. Tout comme mes clients, je n’étais pas en situation de vérifier si les investissements allaient être réalisés. En effet, par définition, ceux-ci devaient se faire a posteriori et dans un certain nombre de cas, dans un délai de 5 ans après la vente ; c’est aux fonctionnaires du fisc qu’il appartient de faire respecter la loi fiscale, et non à des particuliers, qui ne disposent pas des pouvoirs d’investigation requis.

A de nombreuses reprises, l’administration fiscale a dû constater que les acquéreurs avaient vidé, sans la moindre collaboration de ma part ni des vendeurs, la société de sa substance et s’est trouvée dans l’impossibilité de réclamer l’impôt dû par celle-ci.

La réaction injustifiée de certains fonctionnaires

L’administration fiscale, à un très haut degré de hiérarchie, a alors pris une décision  » politique  » sans tenir le moins du monde compte des règles de droit et de la réalité des affaires et des faits. Elle n’a alors rien trouvé de mieux que de s’en prendreà aux vendeurs et à quelques conseillers ou intermédiaires, dont moi-même, pour les considérer comme responsables d’agissements de tiers. Une loi de 2006 lui aurait permis d’agir en ce sens, mais elle n’est évidemment pas rétroactive à des opérations qui, pour la plupart, se sont réalisées au milieu des années 1990.

Les opérations que mes clients ont réalisées avec mon aide étaient licites. Cela est ressorti, non seulement des consultations que j’avais obtenues, mais aussi de la position que le ministère des Finances avait, avant ces affaires, toujours adoptée, et notamment d’un article qui faisait autorité, publié par un inspecteur des finances dans le très officiel  » Bulletin decontributions « .

Un petit groupe, heureusement minoritaire, mais très actif, de fonctionnaires du fisc, dont il semble qu’aucun ne détienne une licence de droit, a lancé une véritable fatwa contre ces opérations, que le législateur, plus avisé, n’a toujours pas interdites. Tels des inquisiteurs en croisade ( » Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens « ), ces activistes ont décidé que tout le monde était coupable et que quelqu’un devait de toute manière payer. Je peux très bien concevoir qu’à leur estime, les plus-values sur vente d’actions leur paraissent peu sympathiques, mais non qu’ils détournent leur fonction au sein de l’Etat et abusent de leurs pouvoirs pour soulager leurs frustrations et mener une opération haineuse et destructrice au détriment d’un grand nombre de personnes qui n’ont fait que respecter la loi, dont moi-même. Ces terroristes de la fiscalité ont non seulement enrôlé des montants souvent disproportionnés et fréquemment injustifiés, mais ont également cherchéà et trouvé une oreille concupiscente auprès de quelques relais médiatiques à la recherche de titres (et de chiffres) à sensation. Avec l’aide d’une certaine presse avide de scandales politico-financiers, ils ont pu monter une politique de communication et d’intoxication particulièrement efficace. On retiendra que suite à cette communication, les banques ont cessé de financer les achats suspects, souvent par des résidents étrangers, des sociétés dites  » de liquidités  » aux alentours de 2001-2002. Or, sans l’intervention des banques, aucune opération n’est possible. En d’autres termes, il semble bien que la fraude à grande échelle ait cessé à cette époque. On peut admettre qu’à ce moment, la communication avait atteint son but et qu’elle pouvait cesser. Bien au contraire, surfant sur la vague du scandale, elle s’est amplifiée pour conduire aux dérapages commis par Monsieur Engels. Ainsi, influencé par celle-ci, le législateur confiant dans l’importance de sa mission, a voté une loi en 2006 sur le sujet, comme je l’ai déjà écrit. On notera que celle-ci est intervenue 4 à 5 ans après que les acheteurs frauduleux aient cessé de nuire. Quelle en est encore l’utilité ? Mieux encore, dans chacune des déclarations gouvernementales annuelles, le ministère des Finances et singulièrement le secrétaire d’Etat à la Lutte contre la grande fraude fiscale précise qu’il accroîtra son action contre la grande fraude des sociétés de liquidités. Quand on sait que ces opérations ont cessé depuis maintenant plus de sept années, on peut se poser beaucoup de questions ! Tel n’est pas mon propos.

Les tribunaux rendent justice

Il s’est avéré que la prétention de ces fonctionnaires de réclamer des impôts sur la plus-value réalisée sur les actions vendues pas mes clients, n’était, ainsi que je l’ai toujours estimé, pas conforme à la loi. Un arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 1996, puis, un arrêt de la cour d’appel de Mons, conforme à cet arrêt, ont consacré au contraire que cette plus-value résultait pour l’essentiel de la gestion normale d’un patrimoine privé.

A nouveau, je puis comprendre que l’on critique les jugements comme toute autre décision. En revanche, le ton de l’article, qui fait allusion du triomphe d’un  » lobby anti-fiscal  » et parle d’un véritable complot à l’intérieur de l’Etat, relève du dérapage ou, plus vraisemblablement, de la manipulation journalistique. Il est d’ailleurs remarquable de noter que c’est relativement à cet arrêt que mon nom est cité dans l’article incriminé alors que je n’ai en rien participé à cette opération conseillée, financée et réalisée de bout en bout par les services spécialisés de Fortis.

Que des fonctionnaires regrettent que l’Etat ait perdu un procès peut se concevoir. Qu’ils considèrent que tous ceux qui n’ont pas partagé leurs vues de non-juristes sur une question juridique, à savoir la Cour de cassation, la cour d’appel de Mons, d’éminents avocats, la plus importante revue de droit fiscal en Belgique et, modestement, moi-même et qu’ils aient trouvé en Philippe ENGELS un journaliste pour les croire et se faire leur porte-plume pour diffuser leurs idées paranoïaques, dépasse l’entendement. Que ces mêmes fonctionnaires prétendent qu’il y a eu un lobby fiscal faisant pression sur le ministre des Finances ou sur la Justice pour obtenir une décision favorable aux thèses que les hommes de droit défendent me paraît totalement hors de propos. Pour ce qui me concerne, la seule protection dont je bénéficie est celle de mon honnêteté, jamais prise en défaut malgré toutes les attaques que j’ai dû subir.

La séparation des pouvoirs

Heureusement, le pouvoir judiciaire est indépendant de l’administration fiscale, dont les fonctionnaires sont subordonnés au ministre des Finances, qui répond de leurs actions devant le Parlement. L’article de Monsieur ENGELS qui me met en cause contribue aussi à la remise en question, malheureusement à la mode actuellement, de la séparation des pouvoirs, en proférant des accusations aussi graves qu’injustifiées sur des juges et des justiciables, au nom d’agents travaillant pour l’exécutif.

Pour ma part, je puis préciser qu’aucune des nombreuses opérations dites de  » ventes de sociétés de liquidités  » que j’ai réalisée n’a donné lieu, ni à un jugement de condamnation pénale envers moi, ni à un jugement déclarant justifiés les impôts enrôlés, à mon sens erronément, par l’administration fiscale.

En me mettant nommément en cause de surcroît dans des dossiers dont je suis totalement étranger (je ne suis pas intervenu dans le dossier du Sieur Robert Gilles, je n’ai jamais traité avec Monsieur de Bellefroid), sans jamais avoir cherché à connaître mon point de vue et la vérité des faits avant la publication de l’article, Monsieur Philippe ENGELS a, de plus, ignoré délibérément la présomption d’innocence, renforcée pourtant par les décisions judiciaires qu’il critique. La liberté de la presse est une bien belle chose, consacrée notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, mais  » LE VIF «  devrait apprendre à mieux respecter les droits de la décence que consacre le même texte. Quant au respect minimal des règles déontologiques, je laisserai à la direction du Vif ou à la profession journalistique dans son ensemble, le soin d’en juger. Je rappellerai enfin que le droit de ne payer que les impôts que la loi prévoit trouve sa consécration dans l’article 170 de la Constitution belge, et son illustration dans une jurisprudence constante qui, depuis près de cinquante ans, rappelle que chacun a le  » droit de choisir la voie fiscale la moins imposée « .

Luc Foubert

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