Gaffeurs, gare à Twitter

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

C’est le café du commerce le plus couru du moment. Les uns pépient, les autres épient. Et les maladresses ne pardonnent guère. Voici quatre échantillons de  » twittgaffeurs  » parmi les plus répandus.

C’est le dernier lieu où l’on cause. Les journalistes y grouillent, les politiques aussi. En six ans, le réseau social Twitter a pris l’allure d’une agora virtuelle. La moindre phrase s’y démultiplie. Cent quarante caractères peuvent déclencher une affaire d’Etat. Nous avons épinglé les  » twittgaffeurs « .

L’étourdi. Il est du genre à casser du sucre dans un courriel, puis à l’envoyer par mégarde à la personne concernée. Twitter a ouvert devant lui un potentiel eldorado de bévues, méprises, impairs et fausses manoeuvres. Il faut dire, à sa décharge, que rien ne ressemble plus à un message confidentiel qu’un message public. Aussi les confond-il dès qu’il peut. L’exemple le plus connu en Belgique : Yves Leterme. Sa constance dans l’erreur force l’admiration. A au moins trois reprises, l’ancien Premier ministre a nourri les gorges chaudes en publiant des tweets sibyllins manifestement d’ordre privé.

L’imprudent. Souvent très populaire sur le réseau social, il finit par se laisser griser et perd toute retenue, confondant sphères publique et privée. @Bip_Ed et @Proc_Gascogne appartenaient à cette catégorie. L’un était juge assesseur dans les Landes, l’autre vice-procureur (substitut) dans le même département français. Fin novembre, un journaliste du quotidien Sud Ouest les a surpris en train de s’échanger une centaine de messages potaches sur Twitter… alors qu’ils siégeaient tous deux en cours d’assises, dans une affaire de tentative de meurtre. Leurs comptes, ouverts au public, fédéraient chacun des milliers d’abonnés. Les deux profils ont disparu après la publication de l’article, qui révélait leurs identités réelles…

Au rayon des imprudents, on relève aussi ceux qui n’hésitent pas à critiquer leur employeur… Comme ce journaliste pigiste de Bel-RTL et rtl.be, écarté du site Web en octobre dernier pour avoir rendu ce verdict définitif sur l’émission maison Belgium Got Talent :  » 592.000 (+ 90.000). Ou comment inciter nos chaînes de télévision à continuer de produire de la merde.  »

Le blagueur. Le répertoire de ce joyeux luron fourmille de plaisanteries sur les sujets les plus variés, surtout les Juifs, les Arabes, les Noirs, les homosexuels, les femmes et le Standard de Liège (variante : Anderlecht). Sur Twitter, pour peu que l’auteur soit un peu connu, sa spiritualité ravageuse tarde rarement à faire fureur. Comme celle de Pierre Salviac, 65 ans, commentateur français de rugby. En mai dernier, une saillie sexiste à l’endroit de la journaliste Valérie Trierweiler, compagne du nouveau président François Hollande et elle-même adepte du tweet au napalm, lui a coûté sa collaboration avec RTL.  » A toutes mes consoeurs je dis : « Baisez utile, vous avez une chance de vous retrouver première dame de France » 😉 « . Moralité : un smiley à la fin ne suffit pas toujours…

L’incompris. On sent que Twitter n’est pas son biotope naturel. En 140 caractères, ce grand bavard peut à peine dire bonjour. Il se soigne. Mais à force de viser la concision, il en devient obscur. Chacune de ses interventions lapidaires soulève perplexité, quiproquos et malentendus. En politique, l’exemple le plus récent est celui de Fadila Laanan, pourtant twitteuse assidue. Interpellée à la mi-novembre par des artistes qui dénonçaient des coupes budgétaires, la ministre communautaire de la Culture a répliqué de manière dense et sobre :  » En période de crise, c’est normal : combat de pauvres ! » Succès immédiat. Le reste de sa journée s’est passé à contester qu’elle ait dit ce que l’on a dit qu’elle a voulu dire et à expliquer ce qu’elle a vraiment voulu dire et qu’elle a dit autrement. Si vous voyez ce qu’on veut dire.

ETTORE RIZZA

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire