Nouvelle crise bancaire ?

Après le soldat Dexia, d’autres tomberont-ils sur le front de la crise de la zone euro ? C’est possible. D’autant que les leçons de 2008 n’ont pas porté tous leurs fruits.

A qui le tour après Dexia ? Même si la banque des collectivités est un ovni dans l’univers bancaire, cela ne signifie pas que les autres établissements soient à l’abri. Au-delà de probables responsabilités individuelles, le risque systémique est bien présent. Dexia pourrait ne pas être le seul domino… Preuve en est : reconnaissant implicitement que la crise de la dette souveraine se transforme en nouvelle crise bancaire, le couple franco-allemand Sarkozy-Merkel vient d’annoncer une recapitalisation des banques. Le montant et la manière ne sont pas encore connus. Mais la voie dessinée par Christine Lagarde est désormais reconnue, alors qu’il y a quinze jours, la directrice du FMI semblait prêcher dans le désert en prônant de recapitaliser les banques européennes à hauteur de 200 milliards d’euros.

Trois ans à peine après le désastre des subprimes et un premier sauvetage des banques, cette perspective n’enchante personne. Ni les Etats qui doivent encore mettre la main à la poche, risquant, pour certains, de voir la cotation de leur dette dégradée par les agences de notation. Ni les contribuables qui, derrière les Etats, se disent qu’ils vont une nouvelle fois participer au renflouage d’un système financier où l’on a joué avec le feu pendant de longues années. Et qui se demandent si les leçons tirées de 2008 n’ont pas été aussi vite gommées que proclamées. Qu’en est-il ?

En décembre 2010, les régulateurs bancaires réunis à Bâle avaient annoncé une série de mesures visant à renforcer le niveau et la qualité des fonds propres bancaires. La mise en £uvre de ces nouveaux ratios de solvabilité entre les fonds propres et les prises de risque des banques sur les marchés devrait coûter 450 milliards d’euros aux 8 200 établissements européens concernés. Ceux-ci ont tout de même jusqu’à 2019 pour réunir ce joli capital.

 » Selon une étude du Crédit Suisse, les banques européennes ont déjà renforcé leurs fonds propres à hauteur de 225 milliards d’euros, fait remarquer Michel Vermaerke, administrateur délégué de la fédération des banques belges Febelfin. C’est davantage que les 185 milliards que leur a coûté la crise des subprimes.  » Quant aux banques belges, fort exposées à la crise de 2008, elles ont renforcé leurs fonds propres d’un peu plus de 8 milliards depuis trois ans, toujours selon la Febelfin. Elles ont, par ailleurs, réduit leur exposition aux marchés internationaux de plus de 25 %, allégeant ainsi leur bilan de 400 milliards d’euros, ce qui joue positivement sur le ratio actifs-fonds propres.

Cela dit, l’annonce de Merkel-Sarkozy a tendance à démontrer que la réforme de Bâle 3, bien que considérée comme coûteuse par les banques, est sans doute insuffisante pour affronter une nouvelle crise systémique. Surtout en Europe :  » Le ratio entre l’actif total et les fonds propres a complètement échappé à tout contrôle, en particulier dans les banques européennes. Il y a vingt ans, ce ratio était en moyenne de 20 sur 1. Il a presque doublé aujourd’hui… « , souligne Ivan Van de Cloot, chef économiste à l’Institut Itinera. En outre, la période de transition accordée aux banques est fort longue. D’ici à 2019, d’autres faillites peuvent se déclarer, d’autre crises éclater.

On reparle de scinder les banques

Après la catastrophe des subprimes, de nombreuses voix s’étaient également élevées pour réclamer la scission entre banque de dépôt et banque d’investissement, pointant le risque de confusion entre les deux activités : en effet, les dépôts à court terme des particuliers et des entreprises sont placés à plus long terme dans des investissements à risque. Comme un serpent de mer émergeant à chaque tempête, la scission des banques est à nouveau évoquée, depuis qu’une nouvelle crise bancaire menace. On parle de ressusciter le Banking Act, adopté par le Congrès américain en juin 1933, en pleine tourmente boursière.

Ce texte fondateur, aussi appelé le Glass-Steagall Act du nom de ses auteurs, interdisait à la banque de dépôt de se transformer en industriel des marchés. Mais la loi a été détricotée à partir du milieu des années 1970 pour être définitivement sacrifiée en 1999, sous le président démocrate Bill Clinton. Bien que, l’an dernier, plusieurs dirigeants de la banque centrale américaine (FED) se soient prononcés pour la segmentation des deux types d’activités, l’idée ne semble guère avancer.

En Grande-Bretagne, la commission Vickers, mandatée par le gouvernement, a tout de même proposé, le 12 septembre, une solution médiane : isoler, et non scinder, les activités de détail de celles des banques d’affaires, d’ici à 2019. Autrement dit, en cas de catastrophe, les activités à risque ne pourraient compter sur les dépôts.  » Plus généralement, ce débat doit avoir lieu au niveau européen. Or, au mois de mars, le Parlement européen n’a pas retenu la scission des activités bancaires dans ses recommandations « , remarque Michel Vermaerke.

Une séparation risque de faire gonfler le coût des services bancaires, avertissent certains experts, en particulier les prêts aux PME, car la rentabilité des banques de dépôt sera moindre, si elles sont isolées. D’autres considèrent, au contraire, que cela aurait l’avantage de rassurer les clients des banques. Or c’est surtout de capital confiance qu’ont besoin les établissements bancaires aujourd’hui.

THIERRY DENOËL

Comme un serpent de mer émergeant à chaque tempête, la scission des banques est évoquée

 » Le ratio entre l’actif total et les fonds propres a complètement échappé à tout contrôle, en particulier dans les banques européennes  » Ivan Van de Cloot

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