« Je suis Baseggio, simplement Baseggio »

Les Diables Rouges ont égaré trois points précieux avant quatre déplacements consécutifs.

La Bulgarie, ce n’était pas du petit yaourt. On le savait, Aimé Anthuenis avait souligné la qualité de leur match amical face à l’Allemagne mais, sur la lancée de la Coupe du Monde,tout le monde espérait un bon départ sur la route de l’EURO 2004.

Ce ne fut pas le cas et le succès des visiteurs slaves fut finalement logique. Techniquement, physiquement et surtout tactiquement, ils posèrent des problèmes à une équipe belge manquant de lien dans le jeu et de percussion en zone de vérité. Profitant de leur premier contre, et d’une erreur de la défense ( Stijn Vreven n’a pas pu empêcher Martin Petrov de centrer, Timmy Simons et surtout Daniel VanBuyten n’ont pas contrôlé Zoran Jankovic), les Bulgares ont ouvert la marque. C’était le scénario idéal pour eux.

Ils massèrent encore plus de monde dans leur rectangle, aiguisèrent de plus en plus leurs contres, tirèrent sur la barre, doublèrent la marque suite à un coup franc de Stilyan Petrov détourné par le mur et bombardèrent régulièrement Geert De Vlieger. Par rapport à cela, les Diables Rouges peuvent faire état d’une occasion d’ EmileMpenza et d’une tête que Wesley Sonck aurait dû expédier dans les filets de ZdravkoZdravkov. De Vlieger fut finalement le meilleur Diable, c’est tout dire…

Le jeu des comparaisons met en évidence la meilleure gestion du match des Bulgares. Les Diables Rouges n’ont jamais dirigé la régie du match et on mesure que l’après -MarcWilmots ne sera pas facile. L’équipe nationale vit forcément une transition. Permettra-t-elle à Walter Baseggio de devenir le nouveau maître de musique des Diables Rouges? Avant le match contre la Bulgarie, le médian mauve a été soumis au feu des médias à sensation. S’appuyant sur sa deuxième mi-temps assez moyenne contre Gand, ils en déduirent que Walter n’avait pas les diplômes nécessaires pour revendiquer l’emploi de meneur de jeu.

Ils ont retourné leur veste

Les remarques furent parfois assez déplaisantes, du genre « C’est Baseggio, faute de mieux. Dépassera-t-il cette fois le rond central en équipe nationale? » Mais Walter-le-Mauve a-t-il envie d’être le nouveau dépositaire du jeu des Belges? « Je ne crois pas qu’un seul joueur puisse résoudre un tel problème », dit-il sagement. « La réponse sera collective comme elle l’avait été à l’occasion de la Coupe du Monde. Marc Wilmots a été géant face au Brésil, entre autres, mais l’équipe entière joua remarquablement. De toute façon, je m’attendais à être critiqué. J’ai une double réponse: je ne prête pas oreille à cette presse-là, je ne la lis pas, je ne l’écoute pas et, secundo, je joue. Je le fais sans tricher, comme je le peux, en fonction de mes moyens, qui ne peuvent pas plaire à tout le monde, et en tenant compte de la vie d’un match. D’autres ont aussi été canardés avant que les spectateurs reconnaissent leurs mérites: une certaine presse a alors dû changer son fusil d’épaule. Ceux qui ont critiqué Marc Wilmots ont fini par retourner leur veste pour l’encenser comme il le méritait. J’espère qu’il en sera de même pour moi mais, dans le fond, je me fous de leur avis…. »

« Mais je suis Baseggio, simplement Baseggio, pas Wilmots ou Scifo« , continue-t-il. « Je n’ai pas cette prétention. J’ai mon style, chacun a le sien. Scifo n’est pas devenu Paul Van Himst ou quelqu’un d’autre. Je n’ai que 24 ans, Marc Wilmots a émergé aux yeux de tous alors qu’il avait largement dépassé le cap des 30 ans. Enzo Scifo a aussi été descendu en flammes. Willy n’était pas assez technique, Enzo l’était trop alors que le monde entier parlait avec admiration de son coup de patte. Qu’est-ce qu’on veut à la fin? La perfection? Elle n’existe pas. On trouve toujours un bâton quand on veut frapper son chien. J’ai encore un peu de temps devant moi mais, je le répète, la vérité sera d’abord collective puis il y a aura des phares. Quelques gars seront les points de repère d’une équipe nationale formant un bloc. C’est l’affaire de deux ou trois matches. Les greffes doivent encore prendre. Il ne faut pas oublier qu’Aimé Anthuenis met une nouvelle équipe sur pied. Or, le temps presse et il n’y a eu que le voyage en Pologne pour préparer cette campagne de qualification, c’est peu. Après la Coupe du Monde 98, la Belgique a eu deux ans de matches amicaux afin d’être prête pour l’EURO 2000. Ce fut même la base pour la Coupe du Monde. La différence est importante. Je suis et je reste confiant car il est temps pour moi de disputer une grande phase finale: l’EURO ou le Mondial. Je suis toujours passé à côté. J’ai dû faire une croix sur le Japon à cause d’une opération au genou. En l’ouvrant, les chirurgiens ont découvert un chapelet de kystes… ».

Walter Baseggio s’ébroue, revient sur Belgique-Bulgarie. Il a conscience de la mauvaise prestation des Belges. Il tempère: « L’adversaire était de qualité mais on peut parfaitement lui rendre la monnaie de sa pièce au retour, à Sofia, en juin 2003. La pression sera alors sur les épaules bulgares. Ce n’était pas bon mais rien n’est fait, le chemin est encore long, nous devons effacer notre handicap actuel en réussissant des trucs lors de nos prochains matches, des voyages à: Andorre, en Estonie, en Croatie et en Bulgarie. Il faudra tirer les leçons de notre défaite et ce groupe est parfaitement capable de réagir. C’est mal barre mais rien n’est perdu, loin de là. Il y aura une réaction car l’envie d’aller loin est très forte. Nous ne sommes pas parvenus à aérer le jeu pour faire sauter la défense bulgare. Même la montée au jeu de Bob Peeters n’a pas perturbé les Bulgares. A 0-2, ils manoeuvraient dans un fauteuil. Durant des plages du matches, on a eu la maîtrise jusqu’au grand rectangle où tout se compliquait face à l’organisation bulgare. Ainsi, je n’ai pas pu placer souvent mes tirs à distance. Je sais que je suis critiqué mais cela ne fait ni chaud ni froid ».

La polémique autour d’Aimé

Yves Vanderhaeghe s’est retrouvé souvent à la construction. Dommage car c’est avant tout le rôle de Baseggio. Vanderhaeghe aurait pu se contenter de sa spécialité (la récupération) et de ramasser les ballons dans la ligne médiane, derrière les attaquants et devant la défense. Si Walter Baseggio n’a pas été transcendant, c’est peut-être dû, aussi, à l’obligation qui était la sienne de jouer à côté d’Yves Vanderhaeghen. Qui aide qui dans cette affaire? Autrement dit, Walt’ doit faire la même chose, ou presque que son équipier en équipe nationale, calquer son jeu sur le sien. Il y a des nuances importantes par rapport à la vision tactique de Hugo Broos à Anderlecht. Là, Walter Baseggio joue plus haut, presque devant VDH, en contact plus proche avec l’attaque. Même s’il décroche parfois trop, Gilles De Bilde lui propose des solutions. Or, en équipe nationale, Walter Baseggio a parfois semblé perdu sur le terrain car les attaquants n’étaient pas assez collectifs, bloqués par la défense bulgare.

« Il est évident que je préfère jouer un peu plus haut. », dit-il. « Malheureusement, ce n’est pas toujours possible. Nous avons besoin d’un peu de temps ».

Walter Baseggio n’a pas été seul au centre de la tourmente. On suppose qu’Aimé Anthuenis aurait préféré entamer cette campagne de qualification par un succès. Après de beaux succès, sa dernière campagne anderlechtoise ne fut pas extraordinaire. Son ancien club ne put résister au forcing de Genk et de Bruges. Son style, souvent à tendance défensive, fut vertement critiqué. Là, on reste dans le domaine du sport. Par contre, comme nous l’écrivions la semaine passée, le nouveau coach fédéral s’est retrouvé au centre d’une polémique plus désagréable.

La presse populaire du nord l’a accusé, sans preuves, et en utilisant le conditionnel, d’avoir palpé quelques billets de banque lors de transferts effectués par ses derniers clubs. Si le coach de la fédération est cité, même erronément, dans un tel trafic, c’est finalement la réputation de tout le football belge qui en prend un coup. Dans ce contexte, le silence de la Maison de Verre était tout de même un peu étonnant. Elle aurait pu s’élever contre certains propos assez diffamatoires. L’attaché de presse de l’Union Belge, Nicolas Cornu, a tout simplement affirmé que c’était une affaire personnelle.

Karel Vertongen, le président de la Commission Technique, qui chapeaute l’équipe nationale, abondait dans le même sens: « Cela ne concerne que le coach fédéral. Nous avons désormais l’habitude d’être mis sur la sellette sans preuves. Pas mal d’affaires se sont vite dégonflées comme de vulgaires baudruches. Notre confiance à l’égard d’Aimé Anthuenis demeure tout à fait intacte ».

Jan Peeters, président de l’Union Belge, exprima le même avis : « Pas de preuves, rien: c’est faire du bruit pour rien. Il n’était pas utile de répondre à cela et je ne crois pas qu’Aimé Anthuenis souhaitait que nous prenions sa défense ». N’empêche: une réaction, même un simple communiqué, aurait été un signal fort. Cela dit, il reste quelques détails administratifs à régler dans le staff technique de l’équipe nationale. Eddy Snelders et Jacky Munaron n’ont pas encore signé leur contrat.

Il sera encore beaucoup question du voyage à Andorre (le 12 octobre) et en Estonie (quatre jours plus tard). L’Union Belge n’était pas opposée à l’idée d’un stage à Andorre (après le match) afin d’y préparer le voyage de Tallin. Aimé Anthuenis préfère revenir au pays entre les deux voyages. II ne faut pas être grand clerc pour deviner que ces deux déplacements dicteront la suite des événements. Aimé Anthuenis restera-t-il fidèle au 4-4-2 actuel? Etoffera-t-il sa défense pour jouer en contres avec le seul Emile Mpenza en pointe? Timmy Simons retrouvera-t-il sa place dans un entrejeu manquant de volume de jeu et de présence? Aucun médian n’a laissé sa marque. C’est quand même assez négatif. Qui deviendra petit à petit le patron (le vrai capitaine, le leader) du groupe? Si Baseggio ne s’affirme pas en tant que meneur de jeu, devra-t-on attendre l’avènement de Jonathan Blondel et Thomas Buffel si brillants avec les Espoirs contre la Bulgarie?

L’ombre de Wilmots

En cas de moisson intéressante à l’extérieur, le moral sera à la hausse avant d’aller en Croatie (29 mars) et en Bulgarie (7 juin). Les Belges sont au pied du mur. Ils aiment cela, c’est assez évident, et ils devront être autrement efficaces afin de négocier ensuite trois matches à domicile contre Andorre (11 juin), la Croatie (10 septembre) et l’Estonie le 11 octobre 2003. Aimé a du pain sur la planche. Il y a finalement plus de questions que d’affirmations. Anthuenis regrettait l’absence d’un patron qui transcende ses hommes. Thème connu. Wesley Sonck peut-il être ce gueulard, pour reprendre des propos de Robert Waseige? Gle n De Boeck n’a-t-il pas des ambitions de patron? Même s’il prête parfois à discussion, De Boeck a un avis (pas vrai Aimé?) et n’hésite pas à l’exprimer. Utile dans un groupe qui a de la qualité mais semble trop gentil. Par rapport à un De Boeck, le capitaine Bart Goor a plus de classe en tant que joueur mais moins de charisme. A ce niveau il faut des tripes, de la hargne, de la rage de vaincre.

L’ombre de Marc Wilmots plane sur ce groupe. Plamen Markov, le coach national bulgare, gentleman s’exprimant dans un excellent français, souvenir de sa carrière en France, estimait que la Belgique restait un des favoris du groupe: « La lutte sera serrée jusqu’au bout. Les Diables Rouges ont une grande équipe. Je l’ai suivie lors de sa campagne au Japon. Elle m’a épaté. C’est vrai, des joueurs importants ont tourné la page: Gert Verheyen, Johan Walem et surtout Marc Wilmots. Sans lui, c’est plus facile pour l’adversaire mais, en tant que sportif, on regrette toujours le départ d’un grand joueur. »

Pierre Bilic

« Je me fous de l’avis de ceux qui m’attaquent » (Baseggio)

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