» Ailleurs, on poserait des bombes « 

Le  » divorce belge  » inspire la presse française. Qui s’étonne : les Belges auraient-ils oublié qu’ils constituent un pilier de l’Europe ?

Du sang basque dans les veines, l’eau bleue de la Bretagne dans les yeux et des racines bruxelloises qui la cramponnent chez nous pour une durée indéterminée, Kattalin Landaburu, 31 ans, est née à Saint-Josse de père espagnol et de mère française. Les questions d’identité et de nationalisme, elle les ressent au niveau des tripes.  » Vous êtes bizarres, vous ! Vous restez incroyablement sereins en parlant de choses si graves. Ailleurs, on aurait posé des bombes. Les murs seraient repeints à l’encre des slogans.  » Katallin Landaburu parle de Belgique (un peu) et d’Europe (beaucoup) sur l’antenne de France 24, chaîne d’information internationale lancée à Paris en décembre dernier. Elle a roulé sa bosse en Suisse, au Kenya, en France, avant de revenir s’installer à Bruxelles, qu’elle aime. Pour le  » CNN français  » (1), cette licenciée en sciences politiques assure une couverture nuancée et prudente de la crise.  » La fin de la Belgique ? L’Etat fédéral s’émiette, c’est sûr. La Flandre est en marche. La Wallonie fait mine d’ignorer que son partenaire flamand la souhaiterait plus dynamique, plus travailleuse. Quant à Bruxelles, personne ne semble en vouloir… Mais tout est encore possible. On consulte les Belges de l’étranger : pour leur sens du compromis !  »

A lire la presse française, l’heure est grave au pays du surréalisme. Libération, Le Nouvel Observateur ou encore Marianne ont mis en scène le divorce belge, jugé inéluctable. Des envoyés spéciaux ont donné dans le pathos, un peu vite, sans doute. Quelques journalistes européens – qui avaient négligé de faire connaissance avec leur pays d’adoption – sont sortis de leur tour d’ivoire. Mais, dans l’ensemble, nos  » amis  » Français ont tapé juste en pointant le grand écart entre Flamands et francophones. Ceux qui nous connaissent, en tout cas.  » Les Belges oublient que leurs petits problèmes et leur vaudeville de plus de 90 jours inquiètent l’Europe. L’examen clinique des journalistes étrangers le rappelle crûment aux négociateurs politiques, ces jours-ci « , observe Jean-Pierre Stroobants, correspondant permanent du quotidien Le Monde à Bruxelles. Ce journaliste respecté connaît ses gammes. Il a été rédacteur en chef du Vif/ L’Express et grande plume du Soir. Il donne le ton. Son credo transpire de chacune de ses interventions, fréquentes depuis quelques semaines. 1. L’Etat fonctionne mal en Belgique. 2. Des partis flamands – mais pas tous – tentent d’y répondre avec la solution finale du séparatisme. 3. Le  » non  » des francophones, terrorisés, renforce les tentations séparatistes flamandes. 4. Il est temps de réaliser que les querelles belges peuvent être un dangereux facteur d’instabilité au c£ur de l’Europe.

Ce mardi 11 septembre, dans son QG situé entre le Matonge aux mille couleurs et l’aseptisé quartier européen, Kattalin Landaburu croise ses amis cafetiers, des profs, qui s’offrent une pause en refaisant le monde plutôt que la Belgique, et un peloton de crânes rasés venus du Nord , se rendant à la manif interdite  » anti-islam « .  » J’apprends tous les jours, sourit-elle. Les institutions complexes. Le cordon sanitaire qui, partout, maintient l’extrême droite dans l’opposition, contrairement à ce qui se passe en France. Les nuances entre Flamands de Flandre et ceux de Bruxelles, ouverts au monde. J’essaie de comprendre ce pays coupé en deux. Situé à la frontière entre les mangeurs d’ail (les Latins) et les autres, il pourrait être un modèle de cohabitation pour tous les Européens. Mais je sens que l’inquiétude de la population est palpable. Il y a cinq ans, les gens estimaient que le séparatisme était la marotte des politiciens. Aujourd’hui, j’en entends dire : « Je fais quoi, moi ? Je suis wallon, ma femme est flamande et mes enfants vivent à Bruxelles… «  »

(1) www.france24.com

Philippe Engels

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