Gandhi voit la scission de l'Inde et les violences qui la secouent comme un drame personnel. Il s'efforce de limiter les confrontations entre les hindous et les musulmans par une grève de la faim. Peu après, il sera assassiné. © ASSOCIATED PRESS

LE SOUS-CONTINENT INDIEN S’EMBRASE

Il y a près d’un siècle, les Indiens s’interrogeaient sur la meilleure politique à suivre dans le combat pour leur autonomie. A l’époque, Gandhi était presque seul à prôner le respect absolu de la non-violence. Après le départ du Raj britannique, les déchaînements violents feront longtemps partie du quotidien dans les  » nouveaux  » Etats de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka et du Bangladesh.

L’AVÈNEMENT DU NATIONALISME INDIEN

Quatorze ans après la rébellion indienne de 1857, les Britanniques subissent un nouveau choc, quoique de moindre envergure, avec l’assassinat du vice-roi et grand réformateur Lord Mayo, tué le dernier jour d’une tournée aux îles Andaman, alors qu’il inspectait une colonie pénitentiaire. L’auteur, Sher Ali Afridi, était un Pachtoune condamné à perpétuité pour un meurtre commis lors d’une dispute familiale. Son mobile n’avait néanmoins aucune motivation politique. Sher Ali Afridi voulait juste se venger parce qu’il jugeait sa peine beaucoup trop lourde.

Le nationalisme indien ne réapparaîtra pas avant 1885, avec la première réunion du Congrès national indien, parti ouvert à toutes les communautés, y compris les Britanniques. Les partisans du Congrès entendent rappeler à la reine Victoria, impératrice des Indes depuis 1876, son engagement d’impliquer les Indiens dans l’administration du pays. Mais il faudra encore un bon moment avant que cette promesse ne s’accomplisse. En 1928, une commission est enfin créée dans ce but sous la présidence de Lord Simon, aucun Indien ne figurant parmi ses sept membres. A leur arrivée à Lahore, le 30 octobre, les commissaires sont attendus par des milliers de manifestants. Leur meneur, Lala Lajpat Rai, est brutalement neutralisé à coups de bâton par les forces de l’ordre, ainsi que de nombreux contestataires. Rai succombe un mois plus tard à une crise cardiaque mais les Indiens sont persuadés que son décès est dû aux séquelles de la bastonnade.

Lorsque les membres de la Commission Simon arrivent le 30 octobre à Lahore, ils sont attendus de pied ferme par des milliers de manifestants.
Lorsque les membres de la Commission Simon arrivent le 30 octobre à Lahore, ils sont attendus de pied ferme par des milliers de manifestants.

Une fatale erreur ne suffit pas à entamer la détermination de Bhagat Singh, le fondateur du HSRA. Préparant un nouvel attentat, il s’inspire de celui perpétré un demi-siècle plus tôt par l’anarchiste français Vaillant. En avril 1929, il s’introduit avec un complice au Parlement indien pour lancer deux bombes dans l’hémicycle depuis la tribune du public. Bien que Singh ait veillé à limiter les charges d’explosif de façon à attirer l’attention sans faire de victimes, deux députés sont légèrement blessés. En conséquence, lui-même et quelques-uns de ses partisans ont écopé de la perpétuité. Tandis que que Bhagat Singh purge sa peine, les enquêteurs découvrent sa participation au meurtre du commissaire Saunders. A l’issue d’un second procès, il sera condamné à mort et exécuté par pendaison.

De sa prison, Bhagat Singh s'efforce d'obtenir l'égalité des droits entre Indiens et Britanniques en faisant la grève de la faim. Reconnu responsable de la mort du commissaire Saunders, il est finalement condamné à la pendaison.
De sa prison, Bhagat Singh s’efforce d’obtenir l’égalité des droits entre Indiens et Britanniques en faisant la grève de la faim. Reconnu responsable de la mort du commissaire Saunders, il est finalement condamné à la pendaison.

UNE NAISSANCE TRÈS DOULOUREUSE

C’est dans la province sud-africaine du Natal, alors qu’il défendait la cause de la communauté indienne locale, que l’avocat Mohandas Karamchand Gandhi expérimente pour la première fois les vertus politiques du satyagraha comme stratégie de résistance par la non-violence. Ayant perdu toute foi dans la bonne volonté des Britanniques dès les premières années de son retour en Inde, il persiste néanmoins à abjurer tout recours à la violence. Mais ses campagnes de désobéissance civile et ses multiples grèves de la faim pousseront finalement le colonisateur à bout de patience. C’est à cette époque que ses compatriotes lui ont donné le surnom de  » Mahatma « , ou  » grande âme « .

Après la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques finissent par se rendre compte qu'ils doivent affranchir le peuple indien. Deux nations naissent alors, le Pakistan pour les musulmans (drapeau de droite) et l'Inde pour les hindous.
Après la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques finissent par se rendre compte qu’ils doivent affranchir le peuple indien. Deux nations naissent alors, le Pakistan pour les musulmans (drapeau de droite) et l’Inde pour les hindous.

Dans les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne acquiert la conviction que le temps est venu de renoncer à l’Inde. Lord Mountbatten, le dernier vice-roi, aurait voulu que le pays reste unifié après l’indépendance mais l’opportunité de cette solution ne cadre pas avec les voeux de la majorité des Indiens musulmans. Ceux-ci revendiquent la création de leur propre Etat, le Pakistan, constitué des provinces majoritairement peuplées de musulmans. C’est au fonctionnaire Sir Cyril Radcliffe qu’incombe la tâche ingrate et délicate de scinder les deux plus grandes provinces que sont le Bengale et le Pendjab, où les deux religions sont également représentées, entre une partie hindoue et l’autre musulmane. Le fait que 1500 kilomètres séparent les deux régions très majoritairement musulmanes ajoute une difficulté supplémentaire.

Après la scission de l'Inde en deux Etats distincts en août 1947, ce sont quelque douze millions de musulmans qui prennent la direction du Pakistan. Les tensions avec les hindous atteignent des proportions telles que près d'un million de personnes perdent la vie.
Après la scission de l’Inde en deux Etats distincts en août 1947, ce sont quelque douze millions de musulmans qui prennent la direction du Pakistan. Les tensions avec les hindous atteignent des proportions telles que près d’un million de personnes perdent la vie.

La partition de l’Inde aura des conséquences tragiques. Le 15 août 1947, jour de l’indépendance, les déplacements de population massifs démarrent dans le chaos. Les musulmans se ruent vers le Pakistan et les hindous vers l’Inde. De part et d’autre des nouvelles frontières, les extrémistes mettent le feu aux poudres et les violences raciales explosent un peu partout. Entre quatorze et seize millions d’hindous, de musulmans et de sikhs (qui n’ont pas reçu de territoire national) se sont retrouvés sans domicile dans les neufs mois après l’indépendance, chassés de chez eux par des bandes de fanatiques sanguinaires. L’Inde où Gandhi continue à prêcher la non-violence sombre dans une vague de meurtres, de viols et de pillages sans précédent.

Procès de Nathuram Godse (à droite, derrière la balustrade). Condamné pour l'assassinat du Mahatma Gandhi, il est pendu le 15 novembre 1949.
Procès de Nathuram Godse (à droite, derrière la balustrade). Condamné pour l’assassinat du Mahatma Gandhi, il est pendu le 15 novembre 1949.

Gandhi vit la scission du pays et les violences qui en découlent comme un drame personnel. En septembre 1947, il met tout son charisme dans la balance pour éviter que les graves heurts entre hindous et musulmans à Calcutta ne dégénèrent en un bain de sang. Début janvier 1948, une nouvelle confrontation paraît inéluctable à Delhi. Pour l’empêcher, Gandhi entame une nouvelle fois, le 13 janvier, une ultime grève de la faim. Pendant des jours, il ne consomme rien d’autre que de l’eau tiède coupée au bicarbonate de soude. Pour la dernière fois, le Mahatma parvient à remettre les Indiens sur la bonne voie. Jour après jour, des dizaines de milliers d’admirateurs se pressent devant sa résidence pour soutenir sa cause. Après s’être entendu avec les leaders du Congrès sur la juste conduite à adopter envers les musulmans restés vivre à Delhi, Gandhi interrompt finalement son jeûne.

En 1977, Indira Gandhi, Premier ministre depuis 1966, sombre non seulement dans l'opposition mais également en prison. Après une semaine de protestations et de grèves, elle est finalement libérée.
En 1977, Indira Gandhi, Premier ministre depuis 1966, sombre non seulement dans l’opposition mais également en prison. Après une semaine de protestations et de grèves, elle est finalement libérée.© OLDINDIANPHOTOS.IN

Mais pour nombre d’extrémistes hindous, la voix trop conciliante de Gandhi doit à tout prix être réduite au silence. Ses plus fervents détracteurs sont les militants nationalistes du Hindu Rashtra, qui prônent une Inde exclusivement hindoue. Sept extrémistes se rendent à Delhi et font exploser une grenade légère enveloppée de coton dans les jardins de la résidence de Gandhi. Seules deux personnes sont superficiellement blessées et les fanatiques parviennent à regagner leur base, à Bombay (l’actuelle Mumbai).

Deux de leurs chefs – Nathuram Vinayak Godse et Narayan Dattatraya Apte – refusent de s’en tenir à cette tentative avortée. Le 29 janvier, ils retournent à Delhi et se joignent le lendemain après-midi aux nuées de sympathisants qui rendent quotidiennement visite au Mahatma. Tandis que Godse veut s’approcher de Gandhi, deux nièces de ce dernier le retiennent en expliquant que le grand homme a déjà rencontré trop de monde pour une seule journée. Godse dégaine alors une arme et tire quatre coups de feu. Touché à bout portant, le Mahatma s’éteint quelques instants plus tard.

Immédiatement appréhendés avec un troisième complice, Godse et Apte seront condamnés à mort et finiront sur l’échafaud. Plusieurs groupes extrémistes seront mis hors la loi par les autorités indiennes après le meurtre et des dizaines de milliers de suspects passeront un certain temps en détention. La mort de Gandhi a plongé l’Inde dans un grand deuil. Des millions de gens ont assisté à sa crémation et, dans tout le pays, nombre de villes ont conservé des urnes avec les cendres du Mahatma pour les exhiber lors des nombreuses célébrations organisées à sa mémoire.

LA DYNASTIE NEHRU-GANDHI, UNE DESTINÉE MORTELLE

La fameuse lignée des Gandhi, qui n’a jamais cessé de se perpétuer au plus haut niveau de la politique indienne, ne descend pas du Mahatma, comme on pourrait le croire. Son fondateur fut Jawaharlal Nehru, le premier chef du gouvernement depuis l’indépendance de l’Inde. Indira Nehru, sa fille unique, élue Première ministre après le successeur de son père, a pris le nom de son époux Feroze Gandhi, un homme politique de stature plus modeste. Indira a hérité de la grande force politique de son père. Portée au pouvoir à 53 ans, elle a continué à l’exercer jusqu’à sa mort, en 1984, excepté pendant une courte période.

Le règne d’Indira Gandhi s’étant révélé au fil du temps de plus en plus enclin à des dérives autoritaires, l’opposition a su en profiter pour s’affirmer. A tel point qu’elle sera jugée pour fraude électorale par la Cour suprême et condamnée à n’exercer aucun mandat pendant les six années suivantes. Rejetant le verdict, celle-ci parvient à museler l’opposition et continue à exercer son mandat pendant une assez longue période en s’octroyant les pleins pouvoirs. Mais la population réprouve largement cette façon de faire, ce qui vaut au Congrès une défaite cuisante aux élections de 1977. Une nouvelle chance de former un gouvernement se présentera à Indira Gandhi en 1980, les dissensions au sein de la coalition en place ayant causé la démission du précédent.

En juin 1984, Gandhi ordonne l'attaque de l'édifice le plus sacré du sikhisme, le Temple d'Or d'Amritsar, où étaient rassemblés des centaines de sikhs. A peine quatre mois après ce véritable bain de sang, deux soldats d'élite de sa garde sikhe le crible de balles.
En juin 1984, Gandhi ordonne l’attaque de l’édifice le plus sacré du sikhisme, le Temple d’Or d’Amritsar, où étaient rassemblés des centaines de sikhs. A peine quatre mois après ce véritable bain de sang, deux soldats d’élite de sa garde sikhe le crible de balles.

Dans les dernières années de son mandat, elle se retrouve aux prises avec l’aspiration autonomiste de certains Etats indiens. Au Pendjab, les revendications des sikhs pour plus de souveraineté donnaient lieu à de multiples violences. Inflexible, Gandhi ordonne en juin 1984 l’attaque de l’édifice le plus sacré du sikhisme, le Temple d’or d’Amritsar, où étaient rassemblés des centaines de sikhs autour de leur leader et guide spirituel Jarnail Singh Bhindranwale. Pour mener son opération Blue Star, l’état-major indien a déployé les grands moyens : véhicules blindés, hélicoptères et artillerie. Quelque 500 sikhs ont péri dans ce véritable bain de sang.

Pourquoi Gandhi n’a-t-elle pas congédié les sikhs de sa garde personnelle après l’offensive d’Amritsar ? Cela paraît inexplicable. Il s’agissait évidemment de soldats d’élite, mais il y avait fort à parier que ses gardes du corps sikhs devaient être furieux de la brutalité avec laquelle le gouvernement avait détruit leur lieu sacré. Quatre mois après la chute du temple, Indira Gandhi sera effectivement criblée de balles par deux de ses gardes du corps. Tous deux sikhs, cela va sans dire. A l’autopsie, on a dénombré pas moins de trente impacts sur le cadavre de la Première ministre. Conformément à la tradition hindoue, Gandhi a été brûlée sur un bûcher au cours d’une cérémonie retransmise en direct par les télés du monde entier. Les jours suivant l’assassinat, près de trois mille personnes ont été tuées dans des émeutes visant la communauté sikhe.

A la mort de sa mère, Rajiv Gandhi, alors pilote chez Air India, reprend le flambeau. Lui-même sera tué dans un attentatsuicide en mai 1991, lors d'un meeting électoral.
A la mort de sa mère, Rajiv Gandhi, alors pilote chez Air India, reprend le flambeau. Lui-même sera tué dans un attentatsuicide en mai 1991, lors d’un meeting électoral.© AFP

Après la réélection d’Indira Gandhi en 1980, son fils cadet Sanjay se préparait à assurer sa succession quand son avion privé s’est écrasé la même année en atterrissant à Delhi. C’est donc à son grand frère Rajiv, qui s’était initialement tourné vers une carrière de pilote de ligne, ironie du sort, chez Air India, que reviendrait la charge de Premier ministre à la mort de sa mère. Rajiv ne s’est guère distingué dans l’exercice de son mandat, régulièrement entaché par des accusations de corruption.

En campagne pour les prochaines élections législatives, Rajiv voyage durant le printemps 1991 dans tout le pays. Le 21 mai, il fait escale à Chennai (l’ancienne Madras), une grande ville du Sud indien. La soirée est déjà avancée lorsque le candidat du Congrès et sa suite arrivent sur les lieux où ses partisans attendent son discours. Rajiv franchit à pied les quelques centaines de mètres qui le séparent de la tribune, fêté par les membres du parti et leurs sympathisants qui lui offrent des guirlandes de laurier. Tandis qu’il va monter sur le podium, une jeune femme fait mine de s’agenouiller pour lui toucher les pieds. Subitement, elle déclenche une ceinture d’explosifs dissimulée sous ses vêtements.

Le Premier ministre pakistanais et ancien président Zulfikar Bhutto en visite auprès du président américain Richard Nixon en 1973. Bhutto sera démis par l'armée en juillet 1977 et, finalement, pendu en mars 1978.
Le Premier ministre pakistanais et ancien président Zulfikar Bhutto en visite auprès du président américain Richard Nixon en 1973. Bhutto sera démis par l’armée en juillet 1977 et, finalement, pendu en mars 1978.

Gandhi a été tué dans l’explosion et, avec lui, une quinzaine d’autres personnes, dont la jeune Thenmozhi Rajaratman, encore mineure, qui aurait perpétré cet attentat-suicide au nom des Tigres tamouls (LTTE). La Cour suprême ayant avalisé la thèse de la responsabilité des Tigres, vingt-six membres du groupe terroriste furent condamnés à mort en première instance. Vingt-deux d’entre eux ont bénéficié par la suite d’une réduction de peine.

LA FAMILLE BHUTTO

Zulfikar Ali est le premier représentant de la richissime famille Bhutto à s’être hissé au sommet du pouvoir. A la fin des années 1960, il fonde le Parti du peuple pakistanais (PPP), à la tête duquel il remporte haut la main les élections suivantes. Suite à la sécession du Pakistan oriental, devenu le Bangladesh en 1971, une pilule amère pour son pays, Bhutto devient le président de la République. En 1973, à la suite de la restauration de la démocratie parlementaire, l’Etat se dote d’une nouvelle Constitution. Bhutto quitte la présidence et est élu Premier ministre.

Le général Mohammed Zia-ul-Haq parvient alors à mobiliser l’opposition croissante contre le nouveau Premier et organise un coup d’Etat. Bhutto est renversé et bientôt condamné à mort pour avoir soi-disant commandité l’assassinat manqué d’un de ses adversaires politiques. Malgré les appels à clémence de nombreux chefs d’Etat, Ali Bhutto sera bel et bien exécuté par pendaison.

Fille du précédent, Benazir Bhutto était initialement restée en retrait de la vie politique pakistanaise, alternant des périodes d’assignation à résidence surveillée et d’exil volontaire. Elle put ensuite rentrer au Pakistan à deux reprises. Installée à la présidence du parti fondé par son père, elle remporta ainsi deux fois les élections et fut nommée Première ministre. En tant que première femme démocratiquement élue à ce poste dans un Etat majoritairement musulman, Benazir Bhutto jouissait d’une grande admiration dans le monde occidental où elle était perçue comme une alliée progressiste et féministe. A maints égards, elle avait hérité des faiblesses de son père et son mandat fut mitigé par des accusations récurrentes de corruption et de mauvaise gestion économique.

Des partisans de Benazir Bhutto rendent hommage à l'ex-Première ministre disparue quelques jours plus tôt dans un attentat à la bombe.
Des partisans de Benazir Bhutto rendent hommage à l’ex-Première ministre disparue quelques jours plus tôt dans un attentat à la bombe.

Après une nouvelle période d’exil, à Dubaï, Benazir peut retourner dans son pays en 2007 et se présenter aux élections suivantes. Le 27 décembre 2007, elle est en tournée à Rawalpindi. Après avoir assisté à un meeting de son parti, elle grimpe à bord de son Land Cruiser blindé et se redresse aussitôt pour saluer la foule par le toit ouvert. Plusieurs coups de feu retentissent à l’instant même où démarre la voiture, immédiatement suivis par le fracas tonitruant d’une explosion. La Première ministre s’effondre. Elle succombera une heure après avoir été emmenée à l’hôpital. D’emblée, les conclusions sur la cause exacte du décès ont suscité beaucoup de controverses, mais il paraît tout de même certain que Benazir Bhutto n’ait pas été atteinte par des balles. Il est possible que le souffle provoqué par l’explosion ait violemment projeté la tête de la victime contre la carrosserie du véhicule et qu’elle soit morte des complications liées à une irréductible fracture du crâne.

The Toronto Star rapporte, le 16 février 2011, que l'assassin présumé de Mujibur Rahman, président du Bangladesh, trente-cinq ans plus tôt, se promène en toute liberté au Canada, malgré une sentence de mort, prononcée à son encontre dans son pays natal.
The Toronto Star rapporte, le 16 février 2011, que l’assassin présumé de Mujibur Rahman, président du Bangladesh, trente-cinq ans plus tôt, se promène en toute liberté au Canada, malgré une sentence de mort, prononcée à son encontre dans son pays natal.

De sanglantes émeutes ont éclaté les jours suivants aux quatre coins du Pakistan, faisant des dizaines de morts ainsi que d’énormes dégâts matériels. Il est communément admis que l’assassinat de Bhutto doive être attribué au groupe terroriste Al-Qaïda. Le président pakistanais Pervez Musharraf a été abondamment critiqué pour le manque de protection d’une candidate aussi éminente et notoirement exposée au risque d’attentat contre sa vie. Douze ans après les faits, plusieurs procès menés contre l’ancien président n’ont pas encore livré leurs conclusions définitives.

LE  » BENGALE D’OR  » À FEU ET À SANG

Au Pakistan oriental, la colère atteint son comble lorsque la population bengalie s’insurge contre l’inertie du gouvernement central après le passage d’un cyclone terriblement dévastateur.

La guerre civile qui s’ensuit conduit la province du Pakistan oriental à se séparer du Pakistan. Avec l’aide militaire de l’Inde, elle accède en 1971 à son indépendance et le nouvel Etat prend le nom de Bangladesh, le pays des Bengalis. Sheikh Mujibur Rahman, un des héros de la guerre de libération, devient Premier ministre. Les premières années, les ravages constamment causés par la famine et le manque de moyens rendent le pays ingouvernable. L’opposition ne fait que se renforcer et le Premier ministre se résout à abroger la démocratie parlementaire, instaurer un régime de parti unique sous sa propre présidence et déclarer l’état d’urgence.

Dans un climat de grand chaos et d’insécurité permanente, un groupe d’officiers de l’armée mène un coup d’Etat le 15 août 1975. Marchant sur le palais présidentiel à la tête de leurs troupes, ils arrivent sans grande difficulté à s’emparer du pouvoir. Mais toute l’opération est particulièrement sanglante. Mujibur Rahman et onze autres membres de sa famille sont massacrés, y compris sa femme et ses trois fils. Les principaux collaborateurs du président ne seront pas épargnés.

Après cet épisode, le Bangladesh demeurera en proie à la plus grande instabilité. Les coups et contrecoups d’Etat deviennent monnaie courante et la multiplication des crimes politiques maintient le pays dans un étau. En 1977, le commandant en chef Ziaur Rahman prend le pouvoir et restaure l’ordre dans le pays, dont il sera élu président en 1978. Les putschistes bangladais resteront longtemps impunis, mais cette situation va commencer à changer avec l’arrivée de Sheikh Hasina Wajed, la fille de Sheikh Mujibur Rahman, au poste de Premier ministre. Depuis, douze responsables de coups d’Etat ont été traduits en justice. Cinq condamnés ont été pendus en 2010 et tous les autres sont toujours en fuite. Sheikh Hasina a réhabilité la mémoire de son père et même fait adopter en 2016 une loi qui interdit toute critique à l’encontre du fondateur de la république.

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