Infanticides Les secrets de Virginie

L’affaire d’Albertville relance le débat sur cette forme d’homicide associée au déni de grossesse. Au cour de l’enquête : la personnalité de la jeune mère et ses blessures d’enfance.

A quoi a bien pu penser Virginie Labrosse, en octobre 2006, en apprenant le triple infanticide de Véronique Courjault ? A-t-elle songé à ses propres bébés, conservés eux aussi dans un congélateur ? Près d’un an plus tard, la voici à son tour accusée, contrainte d’expliquer l’inexplicable : les trois petits cadavres retrouvés le 22 août dans sa maison d’Albertville (Savoie).

A l’heure où Mazarine Pingeot publie un livre controversé sur l’infanticide, cette nouvelle affaire ajoute au mystère de ce type d’homicides. Comment cette femme de 36 ans a-t-elle réussi à dissimuler à son compagnon, Philippe Viguet-Poupelloz, trois grossesses entre 2001 et décembre 2006 ? Comment a-t-elle pu accoucher seule, dans la salle de bains ou les toilettes de leurs domiciles successifs d’Albertville ? Les psychiatres chercheront sans doute l’explication dans sa part d’ombre, ses blessures secrètes. Son parcours, lui, est déjà connu.

C’est en janvier 1991, aux Saisies, une station de la région, qu’elle rencontre Philippe. Il est skiman chez Piccard Sport ; elle est serveuse aux Arcades, un café-restaurant. En novembre, ils redescendent dans la vallée et décident de vivre ensemble.

Si Philippe est originaire d’Albertville, Virginie, elle, est née à Lyon, en février 1971. Elle a eu une enfance malheureuse, auprès de parents alcooliques. Délaissée par sa mère à l’âge de 10 ans, elle a par la suite suivi son père, Serge, au gré de son travail. Son avocat, Michel Jugnet, évoque en outre des  » agressions sexuelles de la part d’un de ses proches durant l’enfance « , mais son père ne serait pas en cause.

 » J’ai vu cette malle, j’ai senti une odeur  »

En 2000, Virginie et Philippe habitent un deux-pièces dans un lotissement d’Albertville. Il est plombier chauffagiste ; elle fait des ménages. Ils donnent l’image d’un couple sans histoires, adepte des randonnées en montagne. Virginie apparaît agréable et souriante, très liée à sa voisine de palier, Simone P. Divorcée, celle-ci a deux enfants. Virginie fréquente surtout l’aîné, Frédéric, étudiant en électrotechnique. En 2005, il devient son amant.

La même année, la jeune femme est si affectée par le décès de son père que son comportement change.  » Elle était toujours devant la télé et refusait de travailler « , explique Philippe au Vif/L’Express. Cela n’empêche pas le couple d’emménager, en août 2006, dans une maison qu’il a fait construire sur les hauteurs de la ville. La liaison entre Virginie et le jeune Frédéric ne cesse pas pour autant. Philippe, qui ne se doute de rien, commence d’ailleurs à s’agacer de l’omniprésence de cet étudiant, qu’il considère pourtant comme  » un frère « .

Le couple est sous tension. Virginie reproche à Philippe ses comportements, qui lui ont valu, en 2001, une condamnation à sept mois de prison pour une agression sexuelle sur une auto-stoppeuse. C’est à cette époque, du reste, que Virginie aurait accouché, secrètement, de son premier enfant.

La tension est telle, entre les deux concubins, qu’ils n’ont plus de relations intimes. Selon l’avocat de Virginie, Philippe l’aurait forcée à avoir des rapports. Ce que ce dernier récuse :  » C’est vrai que je voulais avoir des relations sexuelles ; j’ai insisté, mais je ne l’ai jamais forcée, jamais violée.  »

Arrive 2007. L’été de la rupture. Le 14 juillet, ils font chambre à part. Le 2 août, Virginie s’installe chez une amie.  » Elle voulait venir chercher ses affaires toute seule, confie-t-il d’une voix éteinte. Moi je voulais qu’on le fasse ensemble. Je suis donc allé chercher des sacs pour qu’elle y mette ses affaires. Puis j’ai vu cette malle où j’ai senti une odeur. J’ai commencé par voir des petites mains, des petits pieds, puis la tête.  »

Philippe découvre ensuite un deuxième corps. Il alerte la police, qui en trouvera un troisième, dans un carton. Confrontée à ces découvertes, Virginie lâchera juste :  » C’est moi.  » l

Alexandre Le Drollec

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