Luc Delfosse

Dieudonné : c’en est assez des gargarismes

Luc Delfosse Auteur, journaliste

Quoi à la fin Dieudonné? Quoi la « liberté d’expression »? Il n’y a donc pas de loi pour faire taire l’infâme, pour punir les gestes humainement obscènes et moucher vite et fort les colporteurs de la haine dans votre République comme dans notre royaume en proie à ses propres démons populistes?

Quoi : il serait donc fermé pour cause de travaux de ravalement, le sanctuaire de la « Fraternité »? Eteint comme une bougie de mauvais suif, le « Phare de l’Egalité »?

Tant d’atermoiements peureux, de valse hésitation, de pauses de Tartarin non suivies d’effets sont extraordinairement inquiétants dans un monde où, comme d’habitude, au gré d’une interminable crise, l’odieux, le fanatisme, l’aigreur, le racisme, les amalgames, la trouille et donc la détestation de « l’autre » gagnent faute d’être combattus vite et fort. Il serait bien temps de cesser de se gratter l’occiput, de s’interroger savamment, de peser au milligramme le pour et le contre d’une éventuelle intervention. Pardon pour la brutalité mais ce n’est pas l’étouffement de la parole publique d’un prédicateur insane, d’un imposteur déguisé en humoriste, d’un prétendu apôtre de la soi disant « majorité silencieuse » qui menace la « liberté d’expression » mais l’indécision, voire la réticence à faire taire ce pitoyable gugusse.

Non, Dieudonné ne beugle pas ce que « tout le monde pense tout bas ». Il n’est ni plus ni moins qu’une machine à normaliser l’indicible et à standardiser les attitudes les plus avilissantes. Exactement à la façon du Front National pour ne parler que de ce parti d’extrême droite qui pare ses idées répugnantes de flanelle courtoise .

Mais non: plutôt que de débrancher la prise, on pérore, on s’interroge gravement, on fait savoir que l’on ne tardera pas, sans doute enfin peut-être…, à faire taire ce personnage qui est tout simplement une injure au genre humain. Au point que l’on finirait par soupçonner que ce comique de latrine sert à merveille un monde politique englué dans son incapacité à donner un sens quelconque au quotidien, à mobiliser les énergies, à construire la société du futur. Bref, impuissant autant qu’amnésique .

En attendant, le prétexte est vraiment trop beau, trop salivant pour les polémistes compulsifs de la gauche et de la droite salonardes pour finasser et tresser sans fin leurs couronnes de mots qui ronflent, pour se gargariser de formules ripolinées, pour se faire chauffer les sangs jusqu’à l’ébullition de l’ego. Partant, pour offrir à ce « martyre », pub, renommée et fric.

Mais Dieudonné n’est pas un martyre. Dieudonné est de la veine des ces prédicateurs obscurs, véhéments, fascinants qui, empilant détestation et mensonges, pervertissent les esprits les plus faibles et finissent immanquablement par armer les bourreaux de demain.

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