Lustiger, le grand réconciliateur

Elevé dans le judaïsme, converti au catholicisme, le défunt archevêque de Paris s’était attaché à rapprocher les deux religions.

Tour à tour agaçant et touchant, admirable et redoutable, Jean-Marie Lustiger incarnait à lui seul l’Eglise catholique aux yeux du grand public. Remarquablement intelligent, certes, mais trop  » perso « . Trop atypique. Sa gouaille de titi parisien et son ton imprécateur tranchaient sur le mezza voce des évêques français. Juif d’origine, catholique de c£ur, l’emblème tourmenté et rageur du dialogue interreligieux en France s’est éteint le 5 août à Paris, sa ville lumière. Celle dont il fut l’archevêque pendant vingt-quatre ans. Celle dans laquelle il vit le jour, le 17 septembre 1926, au sein d’une famille d’immigrés polonais.

En 1940, le jeune ashkénaze Aaron embrasse le catholicisme et devient Jean-Marie. La France ploie alors sous les rafles et les coups de talon de la soldatesque nazie. Caché à Orléans avec sa s£ur, Jean-Marie apprend en 1942 que sa mère, dénoncée par une voisine, a été arrêtée puis déportée à Auschwitz, où elle disparaît.

La question des origines – origines familiales, origines du christianisme – a toujours taraudé Jean-Marie Lustiger. De sa double filiation ce prélat compliqué tirait la conviction d’être investi, plus que d’autres, d’une mission de vérité.  » Il avait un peu un statut de prophète, confie le journaliste Gérard Leclerc. Pour lui, l’Evangile devait être brandi haut sur la montagne.  » Et devant les saintes caméras. Médiatique et mondain, il aimait ferrailler à propos de l’actualité. Néoconservateur, il ne ratait jamais une occasion de dépeindre la  » barbarie  » de l’époque, la  » régression  » de nos sociétés sans Dieu,  » incapables de transmettre leurs richesses morales « .

Il eût pu sombrer dans la méditation. Il bâtit sans relâche, créant Radio Notre-Dame et la chaîne de télévision KTO, ouvrant de nouvelles paroisses, instaurant sa propre voie de formation vers la prêtrise – l’école Notre-Dame, £uvre dont il était le plus fier. Sous son  » règne « , 230 prêtres furent ordonnés. Colérique, volontiers railleur, l’archevêque boulimique ne se fit pas que des amis. Avec lui, il fallait agir vite. Ne pas s’apitoyer. Un jour, appelé au chevet d’un prêtre malade qui lui détaillait la liste de ses calamités, Mgr Lustiger répliqua, cinglant :  » Avez-vous seulement pensé aux souffrances du Christ sur la Croix ?  »

Au Vatican non plus, ce cardinal français qui donnait son avis sur tout ne faisait pas l’unanimité. C’est finalement dans son rôle de faiseur de paix entre juifs et chrétiens, les deux peuples de l’Alliance biblique, que Jean-Marie Lustiger réconcilia tout le monde. Un rôle pour lequel il n’eut jamais à composer.

Claire Chartier

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