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Koen Geens, l’homme qui pourrait devenir Premier ministre

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Il a des chances d’occuper le 16, rue de la Loi, en 2014. Aujourd’hui, avec la réforme bancaire, le ministre des Finances joue son va-tout politique. Portrait d’un habitué des cimes, catholique flamand pur jus, confédéraliste positif, à l’humour « british ».

Le fauteuil de Premier ministre l’intéresse-t-il ? Il éclate d’un rire un peu forcé. Puis, ses épais sourcils se froncent. Ses mains se croisent. « Pour le CD&V, ce fauteuil fédéral n’est plus l’essentiel, répond-il d’une voix volontairement calme. C’est le poste de ministre-président flamand qui est primordial. Si celui-ci revient à notre parti, il y aura certainement de meilleurs candidats que moi pour l’assumer. »

En fonction des résultats du scrutin de mai, qui se profile plus que jamais comme une pochette surprise, le sage de 55 ans, six fois grand-père, pourrait bien se révéler un précieux joker. « Ne sous-estimez pas les ambitions personnelles de cet homme », nous souffle-t-on à la N-VA. « C’est indubitablement un candidat Premier ministre, si le CD&V fait un bon score aux élections. Il en a la carrure », analyse le politologue Dave Sinardet. D’une certaine manière, le ministre des Finances a dévoilé ses cartes en acceptant de figurer en tête de liste de son parti pour la Chambre, dans la nouvelle circonscription du Brabant flamand.

Un véritable défi. Il sera opposé à Maggie De Block (Open VLD), la diva des sondages. Au président du SP.A Bruno Tobback, un nom populaire à Louvain. A la N-VA surtout. Mais l’actuel grand argentier est un gagneur. Fils unique d’une maman veuve qui l’a élevé seule à Brasschaat, au nord d’Anvers (son père est mort alors qu’il n’avait pas un an), il a grandi avec cette force de caractère : ne jamais se lancer dans une aventure sans viser le sommet. Docteur en droit, il est devenu l’un des trois ou quatre meilleurs avocats d’affaires de Flandre, en fondant le cabinet international Eubelius. Professeur en droit fiscal et droit des sociétés à la KUL, où il enseigne toujours trois heures par semaine, il jouit, dans le monde universitaire, d’une réputation imposante : il a d’ailleurs raté le rectorat de quelques voix, en 2009.

Entre 2007 et 2009, il a été le chef de cabinet de Peeters qu’il connaît depuis vingt ans. « C’est un CD&V pur jus », souligne Rik Van Cauwelaert, éditorialiste au Tijd. Ce n’est pas un hasard si Koen Geens a été désigné, en mars dernier, pour reprendre les Finances, alors que Steve Vanackere venait de chuter dans le bourbier de l’ACW (autour des relations entre mouvement ouvrier chrétien flamand et Belfius). Il présente un solide CV. Sa maîtrise des matières techniques est hors du commun. En tout cas, il a su finement gérer la transition, malgré quelques couacs de communication au démarrage.

Pour briller aux élections et se tailler un costume de Premier, Geens devra néanmoins aligner des faits d’armes. Or, nommé pour un peu plus d’un an, il aura manqué de temps. « C’est son plus gros handicap », assure Dave Sinardet. Dès lors, la réforme bancaire sera le test crucial de son mandat. « C’est là-dessus qu’il sera jugé politiquement », explique Carl Devos, de l’université de Gand. « Une réforme mammouth qui accouche d’une souris », a déjà critiqué vertement Georges Gilkinet (Ecolo).

Geens devra aussi montrer des qualités d’équilibriste sur le terrain communautaire, pour séduire son électorat tout en donnant des gages aux francophones. « Ik ben geen een belgicist maar een realist », a l’habitude de dire, de manière jésuitique, cet habitant de Loonbeek, une verte bourgade entre Overijse et Louvain. « En réalité, il fait partie de ce qu’on appelle au CD&V les confédéralistes positifs, qui se situent entre le confédéralisme froid de la N-VA et le fédéralisme du SP-A et de l’Open VLD. C’est un Flamand convaincu », observe Carl Devos. On savait que ce parfait bilingue qui pratique la langue de Voltaire quasi sans accent (un atout pour un Premier !) avait animé Vlaanderen in actie, le projet qui vise à faire de la Flandre la meilleure région d’Europe d’ici à 2020. On sait beaucoup moins qu’il a signé, en 2006, aux côtés d’illustres nationalistes (Bart Maddens, Philippe Muyters, Danny Pieters…), le Lente Manifest, le petit frère moins radical du Warande Manifest, qui propose tout de même un fédéralisme poussé à l’extrême. « Je n’ai rien d’un flamingant, assure Koen Geens. Je constate juste que nous fonctionnons mieux avec davantage d’autonomie régionale. »

L’intégralité du portrait dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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