Couleurs de guerre

Méconnues du public, les ouvres des artistes soldats de la Première Guerre mondiale sont présentées dans une nouvelle salle  » 14-18  » du Musée de l’armée, à Bruxelles

Le Pinceau au fusil, la guerre 1914-1918 en peinture permet de découvrir 150 £uvres sélectionnées dans le fonds exceptionnel (1 500 pièces) du Musée royal de l’armée. Elles sont présentées dans un décor rappelant le dédale du réseau des tranchées. Ouverte en cette année du 90e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale, l’exposition restera symboliquement en place jusqu’au 11 novembre 2008. Elle est accessible tous les jours, sauf les lundis et jours fériés. Entrée libre, parc du Cinquantenaire 3, 1000 Bruxelles. Informations : 02 737 78 11.

L’image est forte : la guerre peut donner naissance au beau. Le grand affrontement de 1914-1918, conflit d’une brutalité inconnue jusqu’alors, s’est en effet paradoxalement accompagné d’une création artistique exceptionnelle. Au travers de leurs £uvres, les peintres soldats ont trouvé le moyen de s’évader du face-à-face quotidien avec la violence, l’angoisse, la souffrance, le dégoût, la mort. D’où le titre de l’exposition que le Musée royal de l’armée consacre à leur production : Le Pinceau au fusil, jeu de mots inspiré de la  » fleur au fusil  » des pacifistes.

L’armée belge compte, à l’époque, une centaine d’artistes sur le front. Ceux nés aux alentours de 1880 ont été mobilisés et servent dans des unités combattantes. D’autres, dispensés de service en raison de leur âge, s’engagent comme volontaires de guerre.  » Plusieurs vont travailler à la section de camouflage, raconte Sandrine Smets, commissaire de l’exposition : Wagemans et Bastien repeignent des pièces d’artillerie, Thiriar, Houben et Lynen conçoivent des panoramas pour le réglage des tirs… Les artistes obtiennent la permission de dessiner et peindre durant leurs loisirs. Certains d’entre eux sont ou deviendront célèbres : Jean Brusselmans, Armand Massonet, Médar Maertens ou encore Achille Van Sassenbrouck. Les £uvres primées sont exposées dans des hôpitaux, des cantines et des églises, à l’arrière du front.  »

Les autorités flairent rapidement que le talent de ces artistes peut servir la propagande officielle. Le roi Albert 1er encourage alors, en 1916, la création d’une Section artistique de l’armée belge en campagne.  » Ses membres sont déchargés de toute obligation militaire et doivent témoigner des souffrances de la Belgique, indique Sandrine Smets. Mais ils conservent la liberté de choisir leurs sujets et la manière de les traiter.  » Les £uvres des artistes soldats de la Grande Guerre marquent d’ailleurs une rupture totale avec la peinture militaire traditionnelle. Plus question de batailles symboliques, de charges victorieuses. Dans les tranchées de l’Yser ou dans les camps de déportation allemands, ils représentent ce qu’ils vivent, ce qu’ils voient : paysages dévastés, camardes de régiment, détresse des civils… Inspirés par les avant-gardes (fauvisme, expressionnisme, cubisme…), ils osent des synthèses qui surprennent : l’association de couleurs vives à des sujets sombres, parfois macabres, les déformations, les aplats japonisants. Il n’est plus question d’imiter, mais de transcrire et de donner à sentir la violence inhumaine de cette guerre. Olivier Rogeau

Olivier Rogeau

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