Où est le Hulot belge ?

A sept semaines des élections fédérales, des associations lancent un pacte écologique inspiré par le succès, en France, de celui de Nicolas Hulot. Chez nous, toutefois, pas d’animateur TV baroudeur pour galvaniser les foules.

Il est venu. Il a vu. Et il a vaincu. Pendant près de quatre mois, Nicolas Hulot, l’animateur vedette de l’émission de TF 1 Ushuaïa, a porté le thème de l’écologie au c£ur de la campagne présidentielle française. Profitant de l’effet boule de neige créé par le livre et le film d’Al Gore sur le réchauffement du climat, le télé-aventurier a brandi son propre livre, Pour un pacte écologique, sous le nez des candidats à la succession de Jacques Chirac. Banco ! Le couteau médiatique sous la gorge, la plupart d’entre eux n’ont eu d’autre choix que de signer cette bible verte, censée réconcilier les Français avec leur futur président et les mobiliser autour des grands défis environnementaux de la France et de la planète.

Hulot, qui s’est retiré de la course présidentielle le 22 janvier dernier, fera-t-il des émules en Belgique ? Le 19 avril, une série d’organisations environnementales (1) ont présenté, à leur tour, un pacte écologique  » à la belge « . Leur objectif : pousser les partis démocratiques à signer ce document, centré sur 36 propositions concrètes, voire – on peut toujours rêver – amener la société belge à mettre ses conflits communautaires au frigo et à adopter une pacification inspirée du pacte scolaire, en 1958. Diable !

Que propose ce document ? D’abord, de grands classiques, comme la lutte contre toutes les formes de pollution. Mais il formule aussi des propositions plus concrètes ou originales. Il s’agit, par exemple, de couvrir 25 % des besoins énergétiques du pays, en 2020, par les sources d’énergie renouvelables ; de rédiger un cadastre des émissions polluantes industrielles ; de multiplier les campagnes d’information antigaspillage ; d’orienter la gestion des fonds de pension (dont les montants sont appelés à devenir de plus en plus considérables) vers la promotion d’activités écologiquement soutenables ; de fixer une limite à l’urbanisation galopante du territoire, très chère pour la collectivité en frais d’équipements (eau, électricité, voiries) ; de compenser les déplacements aériens de nos ministres et de nos diplomates par le soutien à des projets économes en carbone, etc.

Ce contrat écologique a le vent en poupe. Grâce (notamment) à la  » tournée  » mondiale d’Al Gore et aux réunions successives des experts du climat à Paris, à Bruxelles et, bientôt, à Bangkok, l’émoi autour de l’état de santé de la planète n’a jamais été aussi important. De là à dire que le débat sera aussi riche en Belgique qu’en France, il y a un pas. Le Pacte écologique made in Belgium concerne, en effet, la seule partie francophone du pays : les ONG basées en Flandre, où Hulot est très peu connu, ne se sont pas montrées intéressées par la démarche. Il n’y a pas – ou peu – de grande figure médiatique, chez nous, pour mettre les préoccupations écologiques en avant. L’explorateur Alain Hubert, dont les qualités pédagogiques aident à rallier les jeunes, se trouve actuellement dans l’Arctique. Certes, quelques experts, chez nous, ne ménagent pas leurs efforts pour sensibiliser les foules aux problèmes climatiques, mais ils sont loin d’égaler le charisme d’un Hulot. Question : les grandes pointures intellectuelles qui ont soutenu l’animateur TV en France (l’astrophysicien Hubert Reeves, le sociologue Edgar Morin…) rayonneront-elles jusqu’en Belgique ?

Ces dernières semaines, beaucoup de nos ministres ont rivalisé d’astuces pour se faire photographier aux côtés de la star française. Ils se sont disputés sur la  » gravissime  » question de savoir si le futur ministre belge de l’Energie sera aussi le ministre du climat, ou s’il aura le rang de vice-premier ministre. Plus sérieuses, des propositions ont été formulées pour accentuer la lutte contre l’effet de serre : plan de bataille climatique en Wallonie, mesures fiscales fédérales, etc. Gadgets préélectoraux ? Distractions post-Al Gore ? Il est trop tôt pour juger. Mais on cherche en vain, à ce stade, un fil conducteur à des initiatives prises en pagaille, sous le coup de l’événement. Deux mois après son retrait de la campagne, Hulot livrait son désappointement de voir l’écologie  » redevenir le chapitre qu’on examine en quelques minutes, vite fait, après les débats sérieux « …

(1) Les Amis de la Terre, Greenpeace, WWF, Natagora, Fondation Nicolas Hulot Belgique, APERe, etc. Info : www.pacte-ecologique.be

Philippe Lamotte

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