Gérald Papy

Contre le FN, de l’action à la place des incantations

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’édito de Gérald Papy sur la montée du Front National en France.

L’extrême droite et la droite populiste progressent aux quatre coins de l’Europe. Mais c’est en France que la première atteint ses résultats les plus élevés. Force est donc de constater que le Front national de Marine Le Pen fournit l’exemple le plus abouti de « la rencontre entre une offre politique cohérente et une demande sociale autoritaire » à laquelle les spécialistes Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg attribuent le succès de la droite dure dans leur dernier ouvrage (Les droites extrêmes en Europe, éd. du Seuil, lire Le Vif/L’Express du 20 novembre dernier).

Cette singularité s’explique par une présence historique de l’extrême droite en France, par la libération de la parole réactionnaire sur la scène médiatique et par le ravalement de façade du parti opéré par Marine Le Pen. Ces facteurs endogènes se conjuguent à d’autres, exogènes, comme l’impuissance de la gauche de gouvernement à infléchir la courbe du chômage depuis trois ans et demi ou l’incapacité de la présidence précédente, de droite, de prévenir et d’endiguer la crise économico-financière de 2008. Enfin, la crise des migrants et les assauts terroristes des 7 janvier et 13 novembre ont propulsé les thèmes de prédilection de l’extrême droite (immigration, identité, sécurité) au coeur des attentes d’une majorité d’électeurs, dont elle n’a plus eu qu’à récolter les dividendes.

Il serait navrant qu’aux terroristes qui s’en sont pris aux valeurs de la République, les Français répondent par un blanc-seing à ceux qui, par leur politique d’intolérances, de discriminations et de haine, sont les moins enclins à les défendre.

Les Français sont donc habités depuis plusieurs années d’un sentiment d’impéritie supposée des autorités publiques à résoudre un certain nombre de leurs problèmes. Les dirigeants de l’Union européenne subissent le même opprobre, pas illégitime, sur la relance de la croissance, la gestion des migrations et la surveillance des frontières quand ils ne sont pas taxés de déni de démocratie à vouloir imposer aux Grecs des solutions qu’une majorité d’entre eux a rejetées dans les urnes.

Si la Belgique francophone échappe jusqu’à présent au radicalisme d’extrême droite alors qu’elle est confrontée aux mêmes défis, ce n’est pas uniquement grâce à l’absence de personnalité « charismatique » dans l’offre politique. La droite n’y est pas outrancière. La gauche n’y est pas déconnectée de la classe ouvrière, ce vivier du vote FN en France. Tant qu’un Didier Reynders vantera les mérites du « tissu associatif » pour lutter contre la radicalisation, on peut augurer que cette droite sera un rempart contre un « Front national Wallonie-Bruxelles ». L’autorité n’empêche pas le respect des droits de l’homme. La fermeté n’exclut pas la justice et l’humanisme.

Le Parti socialiste français a commencé à le comprendre après les attentats du 13 novembre. Cette prise de conscience n’évitera pas la conquête, un mois plus tard, de l’une ou l’autre région par les lepénistes. Mais il est vraisemblable qu’elle contribuera à barrer la route de sa leader dans la course à la présidence en 2017. Il serait navrant qu’aux terroristes qui s’en sont pris aux valeurs de la République, liberté, égalité et fraternité, les Français répondent par un blanc-seing à ceux qui, par leur politique d’intolérances, de discriminations et de haine, sont les moins enclins à les défendre.

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