Joost Devriesere

« Le vieil homme qui a été retrouvé trop vite »

Joost Devriesere Journaliste chez Knack Focus et Knack

Le père du parlementaire Open VLD Vincent Van Quickenborne est à nouveau auprès des siens après avoir disparu des radars durant quelque temps. Une bonne nouvelle non ? Pas selon le tribunal internet qui est chaque jour un peu plus sans pitié.

On est mardi. Il est 14h30 à Courtrai, une ville paisible en bord de Lys. Un homme au crâne dégarni met son chapeau et enfourche son vélo électrique pour une petite promenade. Et pourquoi pas ? Le soleil perce à travers les nuages et se bouger un peu est bon pour son corps et son esprit. Il le sait mieux qu’un autre puisqu’il est médecin depuis toujours. Où il veut aller, il ne le sait pas très bien. Il y a un peu de brume dans son cerveau, et, parfois, certaines choses lui échappent. Les premiers signes d’un alzheimer, qu’ils disent. Un diagnostic qu’il souhaite reléguer tant qu’il le peut dans un coin de son esprit.

Les médecins sont souvent les patients les plus difficiles. Pour lui ce n’est guère plus qu’une mémoire légèrement ankylosée. Il en est persuadé. Parfois, poussé par le vent, il pédale un peu trop loin et il en oublie le chemin du retour. Lorsque tombe le soir, la famille sonne l’alerte. « Papa n’est pas encore rentré. Il a disparu. Qu’est-ce qu’on fait ? ». Il se trouve que le plus âgé de ses trois fils, l’homme a aussi deux filles, a énormément de followers sur Twitter et vraiment beaucoup d’amis sur Facebook. C’est aussi son anniversaire, mais il a bien trop de soucis pour y songer.

Il lance un appel. Si on pouvait le partager un maximum, merci. La réponse va dépasser les attentes. Certains se lancent activement dans la recherche, d’autres se contentent d’un message de soutien, de petits coeurs virtuels. La police locale s’en mêle. Et comme dans chaque disparition inquiétante d’une personne démente, Alain Remue, et son équipe de la cellule des personnes disparues, offre son aide. Un hélicoptère est dépêché sur place, comme le préconise la procédure. Ce n’est que le jour suivant que tombera la bonne nouvelle tant attendue. Le père a été retrouvé. « Vivant et en bonne santé » précise son fils sur Facebook. Ou du moins aussi bien que possible. « Il a pédalé jusqu’en Flandre orientale et était confus. » Tout le monde est content, non ?

He bien, non. Comme si Alzheimer n’était pas assez, l’homme avec son chapeau a encore un autre problème. Son aîné est un politicien. Pire, il est bourgmestre et parlementaire fédéral. La cause de tout le malheur sur terre ou tout du moins d’une partie significative. Son père a été retrouvé un peu trop vite, juge impassible le tribunal internet. « Chez nous, cela se serait passé autrement. Cela aura pris plus de temps. La police nous aurait envoyé paître ou nous aurait conseillé de l’attacher au radiateur. Et, d’ailleurs, qui va payer tout ça ? C’est pour cela que nous payons nos impôts ? Il a la monnaie de sa pièce, car qui mets quelqu’un comme ça au monde ?

Se réjouir qu’un vieil homme ait été retrouvé sain et sauf ne semble plus être la norme. Tout comme nous ne nous réjouissons plus lorsqu’un enfant est sorti hors des flots. « J’emmerde les autres, car dans mon nombril il fait délicieusement chaud. Ou très froid. Qu’on essaye plutôt de faire quelque chose à ça ».

« Ne sommes-nous pas tous un peu Donald Trump ? » Ce sont les mots Vincent Van Quickenborne, partie prenante malgré lui, lorsqu’on lui demande une réaction sur les réactions. Je lui réponds que « probablement que oui. » La vindicte populaire semble lui avoir échappé.  » Je n’ai pas lu les réactions et je ne compte pas le faire. « Vous savez les politiciens sont des hommes comme les autres, mais avec une couche de Kevlar, n’est-ce pas. » Silence. « Ils étaient vraiment si terribles ? » C’est le fils qui parle, pas le politicien. Oui, ils étaient moches, même souvent inhumains. Et très mal écrit aussi, mais ce n’est qu’un détail.

Le plus triste, ce sont tous ces coeurs arides et froids. Toutes ces personnes qui ne pardonnent plus rien à l’autre. Et surtout pas cette petite once de bonheur qui leur manque peut-être tant. Seule éclaircie dans toute cette aigreur, il y a, en Flandre, trois fils et deux filles qui sont très heureux d’avoir retrouvé leur père. Grâce à l’argent des impôts, bien sûr. Et c’est encore heureux.

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