© Image Globe

Ukraine: qui est qui dans l’opposition

Le Vif

La mobilisation des Ukrainiens résiste face aux vélléités de remise en ordre du gouvernement en place. Passage en revue des principales forces de l’opposition.

Comme en 2004 au moment de la Révolution orange, les autorités se sont laissé surprendre par la réactivité de la population ukrainienne.

« La mobilisation est d’un point de vue sociologique semblable à celle de 2004″ expliquait à L’Express Alexandra Goujon, spécialiste de l’Ukraine, il y a quelques jours. Elle se fait dans les grandes villes, par des personnes de classe moyenne, plutôt politisées, assez hétéroclites du point de vue de l’âge. La Révolution orange avait montré que la société ukrainienne était plus politisée qu’on ne le pensait. Et c’est toujours le cas, malgré la grande déception vis-à-vis des élites de l’époque. » « Les gens de l’opposition sont éloquents, mais ils ont prouvé, après la « révolution orange » de 2004, qu’ils étaient là, comme les autres, pour défendre leurs intérêts », raconte une Ukrainienne interrogée par Le Monde.
En 2004, « les leaders politiques étaient plus radicaux que la population. Aujourd’hui, c’est l’inverse », observe le politologue Serguei Taran interrogé par La Croix, qui souligne lui aussi la défiance des Ukrainiens envers la classe politique. Les manifestants « s’organisent par eux-mêmes à travers une multitude d’actions spontanées. Beaucoup conduisent aussi des actions dans des villes de province », ajoute-t-il.

Au-delà des manifestants de la place Maïdan, un véritable réseau de solidarité s’est créé, allant des commerçants aux hommes d’Eglise, qui distribuent boisson et nourriture.

Si au début le mouvement dénonçait le rejet de l’accord d’association avec l’Union européenne par le gouvernement, « à partir de fin novembre, nous sommes passés à autre chose, qui dépasse le clivage entre pro-russes et pro-européens », témoigne pour L’Express Nataliia, 29 ans, originaire de Kharkiv, près de la frontière russe. A ses côtés sur la place Maïdan (place de l’Indépendance), elle décrit « des gens ordinaires, très différents, de toutes les régions », réunis par leur seule indignation face à un gouvernement « qui ne les écoute pas ».

Vitali Klitschko

Surnommé « Dr. poings d’acier », le champion du monde de boxe des super lourds a promis de mettre KO le pouvoir actuel. « Nous allons protester tant que ne seront pas satisfaites nos exigences, la démission du gouvernement et la démission du président Ianoukovitch », a-t-il lancé dimanche devant la foule.
Deux mètres de haut, autant de large les bras écartés, et 114 kg de muscle: ce colosse de 42 ans dirige le parti d’opposition Oudar (« coup de poing » en ukrainien).

Né en 1971 au Kirghizstan, une ex-république soviétique d’Asie centrale où son père, officier de l’Armée de l’air était en poste, Vitali Klitschko, polyglotte, a vécu aux quatre coins de l’ex-URSS. Lancé en politique après la Révolution orange de 2004, qu’il avait soutenue, ce « sportif intellectuel » a fondé en 2010 l’Alliance ukrainienne démocratique pour la réforme.

Très engagé dans la lutte contre la corruption généralisée en Ukraine, ce millionnaire bénéficie de la réputation rare d’avoir fait fortune honnêtement, en tirant profit de ses victoires sportives.
Aux dernières législatives de 2012, Oudar a obtenu 13,95% des voix, un score inattendu qui lui permet d’occuper 40 sièges au Parlement, et de devenir la troisième force politique du pays. De quoi balayer, pour Klitschko, les échecs des municipales de Kiev, en 2006 et 2008.

Le spécialiste du KO (41 sur 45 victoires) avait annoncé en octobre qu’il serait candidat à la présidentielle de 2015, surfant sur la déception à l’égard des hommes politiques traditionnels.

Arseni Iatseniouk

L’ascension politique d’ Arseni Iatseniouk, proche de l’ancien Premier ministre Ioulia Timochenko, a été fulgurante.
Né en 1974 à Tchernovtsy dans le sud-ouest, ce juriste et économiste de formation devient en 2005, à la faveur de la Révolution orange, ministre de l’Économie où il négocie avec l’UE et l’OMC. Deux ans plus tard, il prend la tête du ministère des Affaires étrangères affichant ses positions pro-occidentales et un louable souci d’économie: les médias avaient souligné alors qu’il utilisait souvent les avions de ligne pour ses missions officielles.

En 2007, élu à la tête du Parlement, il devient le second personnage de l’État. Candidat à la présidence, il obtient 7% des voix en 2010 et décline la proposition du vainqueur Viktor Ianoukovitch de rejoindre le gouvernement. Deux ans après, son parti Front pour le changement décide de se dissoudre pour rejoindre le parti de Ioulia Timochenko.

Oleg Tiagnibok

Chef du parti d’opposition Svoboda (Liberté), Oleg Tiagnibok est ultra-nationaliste et antisémite mais il a atténué ses propos outranciers ces dernières années. Né en 1968 à Lviv dans une famille de médecins, Oleg Tiagnibok, chirurgien de formation, adhère au parti Social-national (futur parti Liberté) en 1991. Elu deux fois député entre 1998 et 2006, il a été expulsé de son groupe parlementaire après des déclarations antisémites et ultranationalistes, devenant alors député indépendant.

Candidat à la mairie de Kiev en 2008, il participe également à l’élection présidentielle de 2010 où il recueille à peine plus d’un pour cent des suffrages. mais Svoboda a connu une percée spectaculaire aux législatives de 2012 avec10 % des suffrages.
Ioulia Timochenko Femme d’affaires depuis la fin de l’URSS, Ioulia Timochenko a fait fortune dans l’industrie gazière. Elue députée à la Rada en 1996, l’oligarque fonde en 2001 le Bloc Ioulia Timochenko (BIouT), une coalition de partis politiques de centre-droit. Egérie de la Révolution orange de 2004, elle a été deux fois Premier ministre. Son image a pâti des querelles intestines au sein du camp pro-occidental, et de l’effondrement de l’économie, contribuant à sa défaite à la présidentielle de 2010 contre le président pro-russe Ianoukovitch.

Ioulia Timochenko purge depuis 2011 une peine de prison de sept ans pour abus de pouvoir, un chef d’accusation considéré comme une vengeance politique. Peu avant l’échec de l’accord avec l’union européenne qui a jeté l’opposition dans la rue, sa libération avait été envisagée.

Elle reste assez populaire, malgré les accusations de corruption que les autorités lui imputent. La BBC relève que le train de vie d’Eugenia, la fille et porte-parole de Ioulia, ne semble pas émouvoir les opposants. « Les vêtements coûteux, les gardes du corps et le 4×4 d’Eugenia ne semblent pas les déranger. Rien de surprenant de la part de ceux qui détiennent le pourvoir et l’argent dans une république post-soviétique. Pour beaucoup d’Ukrainiens, les délits du président Ianoukovitch au pouvoir ont été bien pires que ceux de Ioulia Timochenko et l’emprisonnement de l’ancienne chef du gouvernement, a relancé sa fortune politique « .

Les oligarques, pas dans l’opposition, mais…

La plupart des oligarques ukrainiens étaient jusqu’à récemment soudés derrière le « clan » du président Viktor Ianoukovitch et du Parti des régions au pouvoir. Mais ils donnent des signes d’impatience et pourraient devenir embarrassants pour son régime, notamment grâce à leurs médias, estiment les analystes.

Rinat Akhmetov

La chaîne Ukraïna de Rinat Akhmetov, homme le plus riche d’Ukraine, a diffusé les images de violences policières contre des manifestants, tandis que la chaine Inter liée au magnat de la chimie Dmitri Firtach, a donné la parole aux manifestants. Du jamais vu en Ukraine, sur les chaînes de télévision aux mains des oligarques. Tout puissants sous le pouvoir précédent, les oligarques ont vu leurs positions faiblir après l’arrivée au pouvoir en 2010 de Viktor Ianoukovitch et l’émergence d’un nouveau clan politico-financier, surnommé « la famille ».

Petro Poroshenko

Petro Poroshenko fait figure d’exception, bien qu’il ait été brièvement ministre de l’économie du gouvernement Ianoukovitch. Le propriétaire de la marque de confiserie Roshen, qui possède également une chaîne de télévision est depuis longtemps connu pour ses positions pro-européennes. Il l’a payé par un blocus russe contre la marque de chocolats.

Dans un premier temps les oligarques ne se sont pas montrés enthousiastes vis-à-vis du partenariat avec l’UE: « L’accord d’association supposait la mise en place d’un cadre juridique qui leur aurait été défavorable, les empêchant de mener à bien leurs affaires comme ils l’entendent », estime la correspondante du monde à Moscou. Mais une sévère rupture avec l’ouest et un retour dans le giron de Moscou peut présager la mise en place d’un ordre à la biélorusse, selon l’agence Bloomberg, qui pourrait se retourner contre eux à plus long terme, notamment en cas de sanctions occidentales. Mieux vaut ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Par Catherine Gouëset

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire