La justice marocaine rattrape Belliraj

Le démantèlement, au Maroc, d’un réseau dirigé par le Belgo- Marocain Abdelkader Belliraj laisse apparaître des connexions troublantes entre le grand banditisme et l’islamisme.

Installé à Bruxelles dans les années 1980, le Marocain Abdelkader Belliraj militait alors pour la cause palestinienne. De façon radicale, selon des sources fiables. Depuis l’instauration d’un régime théocratique en Iran, il était proche du chiisme politique, mais également, d’après le quotidien Le Maroc aujourd’hui, des Frères musulmans syriens. En 1989, il avait été entendu par l’ex-gendarmerie dans le cadre de deux dossiers criminels jamais élucidés : le double assassinat de la mosquée du Cinquantenaire et celui du Pr Wybran, à Bruxelles.

Ces dossiers sont remontés à la surface, à la faveur du coup de filet opéré au Maroc, le 18 février dernier : plus de 30 personnes arrêtées, dont Belliraj (51 ans), naturalisé belge en 2000 et domicilié à Evergem (Flan-dre orientale) depuis cinq ans. Il est présenté par les autorités marocaines comme le chef d’un réseau criminel et terroriste qui comprendrait une dizaine d’autres Belgo-Marocains.

Historique. Mars 1989 : le recteur de la mosquée du Cinquantenaire, Abdullah El Ahdal, et son bibliothécaire, Salem Bahri, sont assassinés. Par une personne qu’ils connaissaient bien, révélera l’enquête, car ils se sont laissé approcher sans méfiance. Quelques jours plus tard, le chauffeur égyptien de l’ambassade d’Arabie saoudite meurt à son tour sous les balles du même calibre 7.65. Les enquêteurs belges de l’époque penchent alors en faveur de la thèse de l’élimination de témoins gênants d’une vaste escroquerie financière organisée par certains cercles saoudiens. L’enquête n’ira pas plus loin.

Lien avec l’attaque de la Brink’s

Octobre 1989 : le Pr Joseph Wybran (ULB), président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), est retrouvé mort sur le parking de l’hôpital Erasme. On croit à une mauvaise chute. Le lieu du crime n’est donc pas protégé, tous les indices potentiels sont détruits. L’unique balle qui a emporté la victime est découverte à l’autopsie. Les recherches s’orientent vers la vie et les activités paraprofessionnelles du Dr Wybran. Des rumeurs circulent : le médecin aurait été reconnu par un terroriste palestinien soigné clandestinement à Erasme, il aurait été tué par les services israéliens en représailles du rapt d’un chef libanais pro-iranien… Mais rien n’est venu étayer ces soupçons.

Dans les geôles marocaines – où la torture est pratiquée -, Belliraj est accusé, dix-neuf ans après, d’être l’auteur de ces assassinats. La justice belge, qui s’était contentée, en 1989, d’interroger Belliraj sur son emploi du temps, ne se prononce pas

En revanche, la présence, parmi les personnes arrêtées au Maroc en même temps que Belliraj, de deux autres Belgo-Marocains bien connus de la justice, Mustapha Thami et Abdellatif El Bekhti, est jugée intéressante. Elle accrédite l’hypothèse d’un réseau criminel opérant en Belgique et au Maroc, en lien avec une idéologie musulmane extrémiste. A Berchem-Sainte-Agathe, Bekhti n’était connu que pour ses opinions radicales. Il a cependant été condamné par la justice luxembourgeoise à vingt ans de prison pour sa participation au braquage de la Brink’s (17,6 millions d’euros volatilisés), au Grand-Duché, en 2000. Evadé en 2003, il s’était réfugié au Maroc et s’y livrait vraisemblablement à des opérations de blanchiment d’argent dans le secteur touristique. L’arrestation de cette bande organisée va peut-être dévoiler d’autres connexions idéologiques et mafieuses qui, en Belgique, avaient échappé à l’attention des forces de l’ordre.

Marie-Cécile Royen

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