Les bonnes affaires de Me Sarkozy

Fondateur du cabinet d’avocats qu’il détient avec son ami Arnaud Claude, l’ancien chef de l’Etat français a toujours veillé aux intérêts de sa petite entreprise. Une précieuse source de revenus.

L’adresse est prestigieuse – 52, boulevard Malesherbes, dans le VIIIe arrondissement de Paris, à deux pas de l’église Saint-Augustin. La clientèle des avocats d’affaires Claude & Sarkozy l’est tout autant – le groupe Bouygues, le laboratoire Servier, l’Institut Pasteur, les constructeurs automobiles Toyota, Subaru et Ferrari, les banquiers Rothschild et General Electric Capital Bank. Si le carnet d’adresses de Nicolas Sarkozy fait merveille, lui-même se montre peu dans ce cabinet qu’il a fondé en 1987, quatre ans après son élection à la mairie de Neuilly-sur-Seine, avec ses amis Arnaud Claude et Michel Leibovici (décédé en 1997).  » En vingt ans, je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où je l’ai croisé, indique une ancienne de la maison. Je le voyais davantage aux repas de Noël ou aux anniversaires des associés.  » Pourtant, l’ex-chef de l’Etat n’a jamais coupé les ponts. Ce cabinet, c’est son assurance-vie. La garantie d’engranger des revenus, quels que soient les caprices de la météo politique. Et l’avocat Sarkozy a su profiter au mieux des évolutions de la législation et de la fiscalité afin de préserver ses intérêts.

Numéro de toque R175, le député des Hauts-de-Seine (à l’ouest de Paris), qui a prêté serment le 16 septembre 1981, est nommé ministre de l’Intérieur en mai 2002. Il se fait alors  » omettre  » du barreau de Paris – en clair, il suspend son activité, sans dire adieu à la robe. Le mois précédent, le cabinet Arnaud Claude-Nicolas Sarkozy, dont le nouveau ministre détient 34 % du capital, a adopté le statut de société d’exercice libéral par actions simplifiée (Selas). Avantage de ce type de structure : une disposition de 2001 permet de maintenir, dans la raison sociale, le nom d’un avocat en état d’omission et de continuer à lui verser des dividendes.

Le tandem s’attelle à un drôle de Meccano financier

Une fois installé à l’Elysée, Nicolas Sarkozy se résout à effacer son patronyme de la plaque du cabinet. Celui-ci devient  » Arnaud Claude et associés  » à l’issue de l’assemblée générale extraordinaire du 9 mai 2007, trois jours après le second tour de l’élection présidentielle. Dans ses statuts se glissent quelques lignes supplémentaires, en application d’une loi adoptée en 2005. Désormais, un associé peut  » consentir une location de ses actions « . A la condition expresse que ce soit  » au profit de professionnels salariés ou de collaborateurs libéraux exerçant au sein de la société « . Aussitôt écrit, aussitôt fait. Nicolas Sarkozy confie ses parts à son ami Arnaud Claude contre un  » loyer  » mensuel de 2 000 euros.

Le président ne touche donc plus de dividendes. Pendant ce temps, son fidèle associé prépare l’avenir. En 2007 et 2008, les bénéfices du cabinet ne sont pas distribués, mais vont grossir la cagnotte de la maison. Celle-ci permet, à deux reprises, de gonfler le capital : en février 2009, il passe de 40 000 euros à 900 000 euros, puis, un an plus tard, à 1,1 million d’euros, dont Nicolas Sarkozy détient toujours un gros tiers.

A la fin de 2010, le tandem Claude et Sarkozy s’attelle à un drôle de Meccano financier, appelé Owner Buy Out (OBO) – le rachat de soi-même. Les deux amis créent la holding CSC, associant au passage le fils d’Arnaud Claude, Christofer, lui-même avocat. Leur nouvelle société poursuit un seul objectif : racheter le cabinet Claude et associés. Une excellente affaire pour les actionnaires. Ils acquittent, certes, l’impôt sur les plus-values, mais celui-ci est moins lourd que la taxation des dividendes. En prime, ils gardent le contrôle de leur entreprise, dont les bénéfices permettent de rembourser l’emprunt contracté par la holding pour effectuer le rachat.  » Cette opération leur donne avant tout l’occasion de réaliser leur patrimoine et de dégager des liquidités « , souligne un avocat fiscaliste. La part de Nicolas Sarkozy s’élève à environ 570 000 euros.

Le président français le sait, l’administration fiscale est allergique à ces OBO qui fleurent bon l’optimisation fiscale. Dans le cadre d’un autre dossier, elle a d’ailleurs saisi le Conseil d’Etat. Prudemment, les associés de CSC attendent que celui-ci se prononce avant de faire enregistrer l’acte de naissance de leur holding, fin prêt depuis le 22 décembre 2010. Le 27 janvier 2011, le Conseil d’Etat donne tort au fisc. Vingt-quatre heures plus tôt, les statuts de CSC ont été déposés. Ils sont taillés sur mesure pour Nicolas Sarkozy :  » Un associé pourra consentir une location de ses actions.  » Par ailleurs,  » tout associé exerçant sa profession au sein de la société qui cesse toute activité professionnelle peut rester actionnaire pendant dix ans « .

Un chiffre d’affaires en hausse de 23 % en 2013

 » Le rachat effectif du cabinet par la holding, s’il a eu lieu à la fin de 2010, a permis aux actionnaires, en prime, d’échapper à la hausse des plus-values qui a pris effet l’année suivante « , pointe une spécialiste de la fiscalité. Impossible d’en savoir plus car  » le cabinet Claude & Sarkozy ne répond plus aux journalistes « , comme le répète la standardiste, depuis la mise en examen d’Arnaud Claude pour blanchiment de fraude fiscale dans l’enquête sur le train de vie de Patrick Balkany, le député maire (UMP) de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), et de son épouse Isabelle.

Impossible, également, de connaître l’état des finances de la holding CSC, dont l’ex-chef de l’Etat est directeur général depuis novembre 2012, car elle n’est pas tenue de déposer ses comptes annuels au greffe du tribunal de commerce. Seule certitude, les affaires vont bien, puisque, le 18 octobre 2013, le capital de la holding a été porté de 40 000 euros à 560 000 euros par incorporation de réserves.

Le cabinet d’avocats se porte comme un charme, lui aussi. Les fils des fondateurs – Jean Sarkozy, même s’il n’a pas encore réussi l’examen du barreau, Christofer Claude et Roman Leibovici – préparent la relève. En 2013, Claude & Sarkozy a dégagé un bénéfice de 550 000 euros pour un chiffre d’affaires de 5,1 millions d’euros, en hausse de 23 %. Grâce, précise le rapport de gestion, à  » la réintégration effective d’un associé « . C’est bien sûr de Nicolas Sarkozy qu’il s’agit.

Par Anne Vidalie

Ce cabinet est son assurance-vie. Il a profité au mieux des évolutions de la législation et de la fiscalité pour préserver ses intérêts

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