» Albert Ier a toujours été juste envers l’Allemagne « 

C’est par ces mots que le Führer accueille Léopold III à Berchtesgaden, après la capitulation de 1940. Le successeur d’Albert Ier commet l’erreur fatale de vouloir imiter la conduite de son père en 14-18 : elle va lui coûter le trône.

C’est sous les vivats qu’Albert Ier rentre triomphant à Bruxelles à la tête de ses troupes, le 22 novembre 1918. C’est sous les huées que Léopold III retrouve un pays au bord de la guerre civile, le 22 juillet 1950.

Léopold III est devenu le  » roi des inciviques  » qui a capitulé en rase campagne et tourné le dos à ses ministres. Qui a renoncé à poursuivre la lutte aux côtés des Alliés et préféré chercher à pactiser avec l’ennemi, jusqu’à serrer la main du diable Hitler. Il est le  » roi faussement prisonnier  » qui a cru bon de se remarier sous l’Occupation. Il est, aux yeux de l’opinion déchaînée contre lui, tout le contraire de ce que fut son père adulé.

Rien n’est plus faux. Léopold III est celui qui a voulu se prendre pour le Roi-Chevalier. Le drame qui lui coûte le trône en 1950 commence à se nouer dans les tranchées de 14-18.  » Les événements de 1940 et plus tard la Question royale, ne peuvent se comprendre si l’on ignore les véritables ressorts de la politique du roi Albert au cours de la Grande Guerre. Il serait vain d’opposer la politique du père et celle du fils « , observe Marie-Rose Thielemans (ULB).

Quand la tempête venue d’Allemagne s’abat sur la Belgique en 1940, Léopold III ressort la feuille de route de son père pour s’orienter. Pourquoi changer une formule qui gagne ? Elle a fait ses preuves sous Albert Ier en 14-18.

C’est la même volonté de s’en tenir à garder les mains libres vis-à-vis des Alliés. La même détermination à prendre en main la politique militaire et étrangère. La même certitude que la victoire sera allemande.

1940 n’est pas 1914 : à la capitulation, le roi choisit de rester au pays et de partager le sort de ses soldats. Fidèle là encore à la consigne reçue de son père, lors de la retraite de 1914.  » Tu veilleras sur l’armée, tu ne pourras jamais la quitter.  » Léopold avait alors 12 ans. Il n’a jamais oublié.  » C’est la première fois que mon père m’a parlé en homme « , se souvenait Léopold III.

 » Léopold III n’a-t-il pas désiré, au plus vite, prendre contact avec l’Allemagne pour connaître le sort que le vainqueur réservait à la Belgique ? N’a-t-il pas aussi refusé, comme son père, d’élever une protestation publique contre les déportations ou de cautionner personnellement tout mouvement de résistance intérieure ?  » complète Marie-Rose Thielemans.

Albert Ier – Léopold III, même combat. Seule l’issue a été différente.  » Les copies des élèves Albert et Léopold sont identiques. L’une a été revue au soleil de la victoire, l’autre sous les rancoeurs de l’Occupation « , commente Francis Balace (ULg).  » Léopold III s’est trompé de guerre. Il n’a pas pris la mesure de l’idéologie nazie « , abonde Vincent Dujardin (UCL).

 » Comment aurait agi mon père en de telles circonstances ?  » Cette question qui a obsédé Léopold III est aussi celle qui l’a perdu. Bien après son abdication, c’est encore Albert Ier que le roi appelle à la barre pour justifier sa rencontre tant décriée avec Hitler, en novembre 1940. A l’historien Jacques Willequet (ULB), il confie :  » Mon père était pour une paix de conciliation avec l’Allemagne. Il craignait de susciter là-bas un esprit de revanche, et il avait raison […]. Ce sont les Alliés qui, au traité de Versailles, ont  » fabriqué  » cet être abominable qu’était Adolf Hitler. Et c’est pour cela qu’avec des pieds de plomb, j’ai jugé de mon devoir, en octobre 1940, de faire cette démarche à Berchtesgaden.  »

Les propos du Führer sont restés gravés dans sa mémoire :  » Quand Hitler est venu m’accueillir à ma descente de taxi, il m’a dit textuellement : « J’ai du respect pour vous et votre dynastie, parce que votre père a toujours été juste envers l’Allemagne ».  »

Albert Ier, roi des Belges, par Jacques Willequet, Presse de Belgique, 1979.

P. Hx

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