Retour de toile

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Depuis la mi-juin, les treize salles de Cinescope remplissent le vide laissé par l’UGC. De quoi donner une bouffée d’air frais à la vie cinématographique de la cité universitaire. Malgré les couacs du démarrage et la vigilance relative à la programmation.

Privé de cinéma pendant plus de deux ans, le Tout- Louvain-la-Neuve peut à nouveau, depuis le 16 juin dernier, s’insinuer dans les salles obscures pour garder le contact avec l’actualité du septième art. Bonne nouvelle, évidemment. Le groupe Euroscoop, déjà implanté dans plusieurs villes flamandes, reprend ainsi le flambeau de l’enseigne UGC, qui avait jeté l’éponge en février 2008, après sept années d’exploitation. Faute de rentabilité.

Chiffré à 13 millions d’euros, l’investissement d’Euroscoop – qui a non seulement repris l’exploitation, mais également le droit de superficie sur le bâtiment, qui appartenait aux Français de Klépierre – table sur quelque 600 000 entrées annuelles comme socle de rentabilité. Et si l’on en croit le directeur de ce projet Cinescope, Jean-Pierre Tilman, les données recueillies cet été placeraient le cinéma au-delà de ces espérances.  » Le démarrage est bon, voire excellent, compte tenu de la période estivale « , souligne Jean-Pierre Tilman, qui dirigeait jadis le Caméo, à Namur. Quand on lui parle des couacs relevés par certains utilisateurs, l’homme ne se défile pas :  » Tout ne va jamais comme on le souhaiterait.  » Air conditionné bancal, problèmes techniques lors des projections, files d’attente importantes en raison du manque de caisses (non automatiques) équipées avec le système Bancontact (sans compter que les films démarrent tous à la même heure) : petit à petit, assure le directeur, tous ces soucis se règlent, apprendre à dompter une telle bête ne prend pas cinq minutes. Et comme le signale un employé :  » Malgré tous les problèmes que l’on a pu connaître, surtout au début, la plupart des gens, me semble-t-il, sont très heureux de pouvoir à nouveau compter sur un cinéma dans la ville. « 

La programmation en question

Et il faudra bien ajuster ces gênants petits détails car, si le public estival est avant tout familial, ce sont les étudiants louvanistes et toute la communauté universitaire que le Cinescope entend séduire cette rentrée. Si les tarifs pratiqués sont on ne peut plus concurrentiels (8 euros la place pleine, 7 euros pour les séniors, les étudiants et les enfants, à ce bémol près qu’à Louvain-la-Neuve les parkings sont toujours payants), la programmation s’élève comme l’un des enjeux clés de cette nouvelle implantation.  » Nous travaillons avec les films qui sont à l’affiche. Ce cinéma est un grand bateau, qui mobilise beaucoup de moyens et de personnel avec ses treize salles. La programmation se veut donc populaire, mais également diversifiée, compte tenu de la clientèle spécifique d’une ville universitaire que nous pouvons attendre ici : l’offre doit être riche, notamment au niveau des films en version originale.  » Versions originales dont sont, a priori, plus friands les véritables amateurs de cinéma et la communauté intellectuelle. A ce niveau pourtant, on ne peut pas dire que la situation soit idéale aujourd’hui : s’il semble plus facile de trouver une VO au Cinescope qu’au Kinepolis Imagibraine, son principal concurrent régional, on doit encore se contenter du doublage pour bon nombre de productions étrangères.  » C’est vrai que nous devons travailler pour améliorer notre offre en VO, reconnaît Jean-Pierre Tilman. On a commencé fort à ce niveau, en proposant les films dans les deux versions. Mais on s’est rendu compte que les films tout public, populaires, marchaient mieux en version française. Ce qui n’est pas le cas pour des longs-métrages plus complexes comme Inception.  »

20 centimes par ticket

La programmation, et plus généralement le cahier des charges, mis en place par les autorités locales et le cinéma feront l’objet d’une sorte de contrôle de la part d’un groupe de travail nommé Incubateur cinématographique, dans lequel on retrouvera notamment des représentants de l’UCL, de Grandes Ecoles comme l’IAD, du centre culturel, des étudiants… Issu d’une  » lame de fond citoyenne, qui nous a relancés avec la question du cinéma d’art et d’essai pendant les deux années d’arrêt d’exploitation « , comme en témoigne l’échevin de la Culture, David da Camara Gomes, ce groupe proposera des animations et se fera le garant du respect des critères suivants : proposition d’un cinéma d’art et d’essai (notion qui reste  » floue « , selon Jean-Pierre Tilman), diffusion de films issus de la Communauté française, de documentaires, soutien au monde associatif, diffusion d’opéras, de sport, mise à disposition d’espace pour des expositions. Un subside compensatoire est en jeu : le cinéma s’acquitte d’une taxe sur les spectacles cinématographiques de 20 centimes par ticket, soit une centaine de milliers d’euros. Celle-ci pourrait être compensée en partie ou en totalité. Même si elles sont bien conscientes que le projet Cinescope se veut commercial et rentable avant d’être philanthropique, les autorités locales ne veulent plus se faire gruger comme elles l’ont été par l’UGC qui, promettant une programmation de qualité en échange d’une suppression de cette taxe, a fini par revenir allègrement au tout  » pop-corn movies « .  » Le groupe Euroscoop a bataillé pour supprimer cette taxe, mais nous avons décidé de la maintenir. Nous octroierons ce subside compensatoire sur la base du rapport annuel remis pas Cinescope et sur la base de l’évaluation réalisée par l’Incubateur cinématographique « , précise encore l’échevin da Camara Gomes.

GUY VERSTRAETEN

La ville ne veut plus se laisser gruger comme elle l’a été par l’UGC

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