Rule, India

de CHRISTIAN MAKARIAN

Pour s’être vu refuser l’entrée d’un établissement réservé aux Européens, Jamsetji Tata, fondateur, au xixe siècle, de la dynastie qui portera ensuite son nom, prit une décision radicale : il ordonna la construction du plus bel hôtel de l’Inde, le Taj Mahal de Bombay, inauguré en 1903. Il fut vengé. Cent cinq années plus tard, en 2008, un de ses descendants indirects, Ratan Tata, lance la voiture la moins chère du monde, la Nano (1691,87 euros); et se voit en même temps désigné par Ford comme acheteur privilégié de ses marques de luxe, Jaguar et Rover. Le raccourci historique en dit long sur cette nation de plus de 1 milliard d’habitants, qui vise un taux de croissance de 10 % par an d’ici à 2012 et dont l’émergence symbolise à elle seule le nouvel ordre mondial. On ne s’étonnera pas que la visite de Nicolas Sarkozy à New Delhi fasse immédiatement suite à celle du Premier ministre britannique, Gordon Brown. Par une formule choc, ce dernier a résumé toute l’ampleur du défi, et montré sa bienveillante déférence, en attribuant à l’Inde  » le plus important mouvement de balancier dans l’économie mondiale depuis deux siècles « .

De fait, la France et le Royaume-Uni marchent d’un même pas à la rencontre du géant. Londres, à l’instar de Paris, soutient le projet de hisser l’Inde au rang de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU aux côtés de l’Allemagne, du Japon et du Brésil. Au préalable, Gordon Brown s’était déjà déclaré favorable à la proposition du président français d’élargir le G 8 à la Chine, à l’Inde, à l’Afrique du Sud, au Mexique et au Brésil, afin de former un G 13. Au final, il a ajouté que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale devaient se réformer et faire une vraie place à l’Inde. Aussi opportuniste qu’il paraisse, pareil assaut d’idées et de propositions se justifie. Car l’Inde, à la différence de la Chine, ne se contente pas d’être un monstre économique qu’il est simplement intéressant de courtiser, une puissance qui dispose de la bombe atomique, lance des satellites et lâche ses fonds souverains sur le monde. L’Inde est aussi, et surtout, le plus grand pari jamais effectué sur la démocratie. Pari tenu. Avec 600 millions d’électeurs inscrits et une femme à la présidence de la République, le pays de Shiva, le  » danseur cosmique « , impose le respect aux plus vieilles civilisations. l

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