© Reuters

« Mummyrexie », la grossesse poids plume

Le Vif

La photo d’une femme de footballeur norvégienne à la ligne parfaite quatre jours après son accouchement a relancé le débat sur l’anorexie des femmes enceintes, surnommée « mummyrexie ».

« Ca ne sert à rien que tu manges deux fois plus. T’es pas une oie, rien ne sert de te gaver ». « J’ai perdu 6 kilos pendant ma grossesse et mon bébé se porte très bien ». « J’étais complètement obsédée à l’idée de ressortir de la maternité obèse, du coup j’ai vraiment fait très attention à ce que je mangeais pendant 9 mois. Résultat: deux semaines après ma sortie de la maternité, je pouvais de nouveau rentrer dans du 36 ».

Sur les forums dédiés à la grossesse, les témoignages de femmes qui se mettent à la diète en attendant l’accouchement font florès. « Ce trouble alimentaire, s’il reste encore marginal en France, se développe ces dernières années. Je vois de plus en plus de patientes qui refusent de prendre du poids alors même qu’elles sont enceintes. Certaines futures mamans un peu rondes veulent également en profiter pour perdre quelques kilos », confirme le psychiatre Gérard Apfeldorfer. Certaines d’entre elles suivent un régime alimentaire très strict, d’autres multiplient les activités physiques pour pouvoir manger.

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L’influence des stars

Surnommée mummyrexie (contraction de maman et anorexie) ou pregnorexia (de pregnant -enceinte – et anorexie), cette idée d’une maternité quasiment invisible a été médiatisée par des stars comme Cictoria Beckham, Gisèle Bündchen ou même Kate Middelton. Elles sont aujourd’hui accusées d’inciter les femmes enceintes à suivre des régimes et à faire du sport jusqu’au troisième trimestre. Dernier exemple en date: sur Instagram, Caroline Berg Ericksen, la femme d’un footballeur norvégien affiche une silhouette de sylphide quatre jours seulement après avoir donné naissance à une petite fille. La jeune femme de 26 ans, blogueuse fitness, exhibe en sous-vêtement rose bonbon des abdominaux en béton.

« Les stars légitiment cette pratique, mais la mummyrexie s’inscrit dans un contexte plus général d’intolérance social au surpoids, nuance le psychiatre. Ces femmes vivent une sorte de déni de grossesse: elles veulent l’enfant mais pas la grossesse. Or, ce ne sont pas elles qui grossissent mais leur enfant ». Les gynécologues recommandent une prise de poids d’au moins sept kilos. Car à eux seuls, le foetus, le placenta et le liquide amniotique pèsent sept kilos.

Risques pour la santé

En deçà, les risques pour la santé sont importants. Les mères sont les premières victimes de carences : s’il n’y a pas suffisamment de vitamines, fer ou calcium pour deux, le foetus est prioritaire. Mais cela n’empêche pas les retards de développement, les naissances prématurées. Et dans les cas extrêmes les fausses couches. Les carences pendant la grossesse entraînent également une modification génétique qui favorise le développement d’un diabète de type 2 et de l’obésité.

Sans parler de la difficile construction du lien mère-enfant. « On a encore peu de recul sur cette question mais ce n’est pas une relation en totale harmonie. Le nouveau-né est perçu comme celui qui détruit le corps », explique le psychiatre. « A chaque fois que je prenais un kilo, je savais que c’était normal mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser à tout ce que j’allais devoir faire après pour le perdre. Sans compter les heures perdues à traquer la peau d’orange et les vergétures », confie une internaute sur un forum.

Dans cette foire aux conseils minceurs, l’adage selon lequel « il faut neuf mois pour faire un bébé et autant pour s’en défaire » vit-il ses derniers jours? « Heureusement non. La majorité des femmes prennent au moins 12-15 kilos pendant leur grossesse ».

Caroline Politi

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