Le Livre des Questions

Dédié  » à la mémoire d’Aaron Jean-Marie Cardinal Lustiger « , le roman atypique de l’écrivaine Clara Lustiger, assurément une parente du prélat, née en Allemagne et vivant à Paris après un séjour en Israël, est un petit régal. Sous des airs folâtres, il parle de l’enfance et de ses relations au monde adulte avec une pertinence et un humour qui le placent bien au-dessus des bêlements attendris et des confitures que tartine volontiers ce genre difficile. En appui, les dessins signés Emma Tissier sont eux aussi d’une malice parfaitement efficace et qui les rapproche davantage du clan des Peanuts que du Petit Prince. Du reste, il est peu probable que le texte de Clara Lustiger trouve sa place dans les prêches de première communion, de mariage ou de funérailles, alors qu’à sa manière il parle avec une rare lucidité de Dieu, de l’amour ou de la mort.  » Enfantine  » dans sa conception, cette  » histoire un peu désordonnée  » qui  » avance gaiement sans réfléchir  » et qui  » zigzague entre les époques  » met en scène Mr Grindberg, un intellectuel moyen qui a ses habitudes, vit seul avec sa gouvernante et son chien Holstein. Et qui se montre aimable et même serviable avec les enfants sans, pour autant, les remarquer vraiment. Quant aux enfants qui croisent son chemin, ils sont confrontés à d’énormes problèmes. Ceux que tous les enfants rencontrent trois fois par jour dans un monde où, comme dit la petite Mathilda, les soi-disant questions que leur posent les adultes sont en fait  » des ordres dans des gants de velours « . Rien de commun avec les  » vraies  » questions. Celles que posent la mort d’une grand-mère ou les noms que dans sa prière, il faut ajouter à  » Petit Rabbijésusmarieallahbouddhamondieu  » pour être juste envers tous les déguisements que Dieu enfile. D’ailleurs, dans la recherche du bonheur, ce qui importe, pour chacun, c’est de trouver sa question et d’ajouter sa propre histoire au grand Livre des Questions que seuls les enfants peuvent lire. Mais aussi Mr Grinberg, le jour où il découvre l’amour. Truffé de paradoxes talmudiques et de digressions éclairantes, ce roman gaîment philosophique sur les  » choses de la vie  » implique aussi la notion de base incarnée par le mot qu’affectionnait André Malraux et que bien des adultes affectent d’ignorer. Ce mot de l’abbé Mugniez professant que  » la vérité, c’est qu’il n’y a pas d’adultes « .

Un bonheur insoupçonnable, par Clara Lustiger. Dessins d’Emma Tissier. Traduit de l’allemand par Isabelle Liber. Stock, 190 p.

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