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Albert II, un faux gentil ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le 3 juillet 2013, Albert II annonçait son abdication. Un an plus tard, que reste-t-il de sa popularité et de son image de roi débonnaire ?

Début juillet 2013. La monarchie, telle une pièce d’argenterie bien nettoyée, retrouve tout son éclat. L’annonce de l’abdication d’Albert II, programmée pour le jour de la fête nationale, fait espérer, dans le royaume, un souffle nouveau. Dissipée l’ambiance de fin de règne qui a marqué les mois précédents. Oubliés les dérapages de la famille royale – une fondation créée par la reine Fabiola à l’insu du Palais, les réactions maladroites d’Astrid et Laurent à propos de leur dotation…- et le manque de coordination entre Maisons. Mis de côté aussi, provisoirement, le débat sur le contrôle des dépenses royales et princières. Bientôt effacés les doutes du monde politique sur les capacités du fils et successeur à assumer son rôle politique après les élections.

L’heure est alors aux réjouissances et aux hommages. « Le règne d’Albert II a été unanimement salué par la classe politique, même si les derniers mois avant l’abdication ont été marqués par des couacs de communication », relève Vincent Dujardin, historien à l’UCL. Le successeur de Baudouin est considéré, jusque dans les milieux républicains, comme le meilleur des rois que la Belgique ait jamais connus. On souligne à l’envi son rôle exemplaire pendant la crise politique de 2010-2011 et le duo bien accordé qu’il a formé avec le Premier ministre Elio Di Rupo. Les éditorialistes flamands, moins élogieux que leurs confrères francophones, saluent néanmoins un roi « consciencieux », « moderne », « resté neutre politiquement ». Le 21 juillet, quand son fils aîné devient, à 53 ans, le septième roi des Belges, Albert envoie un « gros kiss » à Paola, mots qui résument bien, aux yeux de beaucoup, sa simplicité. Il passe le flambeau non pas à Philippe seul, mais, dit-il, à « l’excellent couple au service du pays » qu’il forme avec Mathilde.

« Evoluer avec son temps »

C’est donc un souverain très populaire qui cède son trône, après vingt ans de service. Un chef de l’Etat qui semble même donner des gages à ceux qui, au nord du pays, réclament avec insistance une réduction des pouvoirs constitutionnels du Roi : « L’institution royale doit continuer à évoluer avec son temps », admet ainsi Albert II dans son discours du 3 juillet 2013 annonçant son abdication.
Un an plus tard, force est de constater qu’Albert, qui avait promis de rester discret une fois sa couronne transmise à son fils, peine à prendre en compte la perte de certains privilèges. Si sa voisine Beatrix des Pays-Bas s’astreint à la discrétion depuis qu’elle a laissé son trône à son fils Willem-Alexander, Albert et son entourage, eux, défraient la chronique. Absences remarquées, contacts avec le monde politique par des voies détournées, dialogue de sourds (si dialogue il y a) avec le roi Philippe… : à plusieurs reprises ces derniers mois, l’ex-chef d’Etat a pris le Palais à contrepied. On a découvert alors, derrière le cliché du bon papa chaleureux et débonnaire, un papy râleur, qui « joue perso ». Albert passe outre les consignes du nouveau « chef de famille », ne met pas son successeur au courant de ses projets et ne lui demande pas son autorisation, ce qui est son droit. Mais ses initiatives et récriminations ont brouillé son image.

« La famille royale doit, en toutes circonstances, donner l’exemple », estimait Albert II en janvier 2013, lors de son dernier discours de Nouvel An devant les autorités de l’Etat. Une allusion aux « affaires » qui éclaboussaient à l’époque sa famille. Mais la personnalité de l’ex-souverain est plus complexe qu’il n’y paraît. Albert lui-même reconnaît, dans l’entretien fleuve accordé à Pascal Vrebos, qu’il est soupe-au-lait, voire colérique : « J’ai le sang près du chapeau, comme les Liégeois » (l’expression exacte est « avoir la tête – ou le bonnet – près du chapeau »). L’eurodéputé Louis Michel, qui le fréquente de longue date, confirme que l’ex-chef de l’Etat a une double personnalité : « Sous des dehors gentil, amical, affectueux, c’est un homme de caractère. » Décrit par plusieurs de ses proches comme un anxieux, Albert avoue s’être demandé s’il serait « le dernier Roi des Belges ». « De temps en temps, je suis insupportable de pessimisme, lâche-t-il dans l’interview. Alors, elle (Paola) me secoue un bon coup. » Il signale au passage que pendant son règne, il ne s’est vraiment confié qu’à son chef de cabinet, Jacques van Ypersele, et à sa femme, Paola. Et à son fils et héritier ? Il n’est pas cité.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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