Egypte : le cauchemar du  » pharaon « 

Les attentats de Dahab mettent en lumière l’incapacité du président Moubarak à vaincre les nouveaux djihadistes

Pour l’Egypte, le sanglant feuilleton n’en finit plus. Le triple attentat à la bombe commis le 24 avril à Dahab, station balnéaire du Sinaï (18 morts au moins et une soixantaine de blessés, parmi lesquels on ne compte aucun Belge), n’en est que le énième épisode. Et sans doute pas le dernier. A l’évidence, les terroristes s’ingénient à tarir le pactole touristique et à jouer avec le calendrier. Ils ont choisi cette fois de frapper à la veille des célébrations de l’évacuation, en 1982, de la péninsule par l’occupant israélien. Déjà, le carnage de Charm el-Cheikh, en juillet 2005 (plus de 70 tués), marquait le 53e anniversaire du coup d’Etat nassérien fatal à la monarchie. Quant au massacre de Taba (34 morts), en octobre 2004, il survint à l’heure où l’on commémorait le déclenchement de la guerre israélo-arabe de 1973.

Cette maîtrise du facteur temps suppose, tout comme le modus operandi des tueurs – l’explosion quasi simultanée de charges explosives, sans doute déclenchée à Dahab par des kamikazes – une logistique sophistiquée. Autant dire que la thèse des gangs isolés de Bédouins, longtemps défendue au Caire, ne tient pas. Certes, les rafles massives et brutales opérées au lendemain de l’attentat de Taba ont dopé la haine des nomades du Sinaï envers un pouvoir jugé lointain et méprisant. Mais nul doute que les djihadistes locaux bénéficient de l’expertise de  » cerveaux  » familiers de la nébuleuse Al-Qaeda. Tenu pour responsable des deux attentats antérieurs, le groupe Al-Tawhid wal-Djihad revendique d’ailleurs cette filiation.

Le régime de Hosni Moubarak a su anéantir au prix fort, dans les années 1990, les mouvements islamistes armés qui, tel le Gamaat al-Islamiyya, s’étaient juré de renverser un  » pharaon  » impie, suppôt de l’Amérique et en paix avec Israël, pour instaurer un Etat théocratique. Mais il ne parvient pas à neutraliser ce néo-djihadisme sans frontières, aux contours plus flous, connu pour recruter ses volontaires sur internet. Le fiasco des services de sécurité égyptiens, incapables de prévenir les attentats, est patent.  » Leurs membres semblent plus enclins à infiltrer l’opposition démocratique ou à tabasser des magistrats contestataires qu’à traquer les terroristes, déplore Amr al-Choubaki, directeur de recherche au Centre d’études politiques et stratégiques al-Ahram. Cette hostilité envers la société civile, voilà ce qui fragilise vraiment Moubarak.  »

Vincent Hugeux

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