» Nous voulons déculpabiliser les familles « 

Pierre Amand va gérer le stage parental. Cette mesure judiciaire est destinée à responsabiliser et… à resocialiser les parents de mineurs délinquants. Mais elle reste controversée.

Echelles, pots de peinture et bâches en plastique. Le bâtiment qui accueille le nouveau Service de prestations éducatives (Spep) auprès des familles, à Anderlecht (Bruxel-les), est encore en pleins travaux. Voilà plusieurs mois que la Communauté française avait lancé un appel d’offres aux différents Spep, qui s’occupent de médiations et de prestations d’intérêt général, pour prendre en charge le stage parental. Mais ceux-ci avaient refusé en bloc, jugeant la mesure trop stigmatisante. Malgré la polémique, Pierre Amand, directeur du pensionnat Henri Jaspar (qui est un service d’accueil et d’aide éducative ainsi qu’un centre d’accueil d’urgence) a décidé de relever le défi. Ce thérapeute familial, désormais à la tête d’un nouveau Spep, se veut rassurant sur la méthode qu’il adoptera.

Le Vif/L’Express : Le stage parental n’est pas une mesure populaire. Les Spep l’ont refusé, les magistrats de la jeunesse l’ont condamné. Cela ne vous gêne pas ?

Pierre Amand : Non. Cela dit, je ne souhaite pas entrer en rivalité avec les autres Spep. Je sais que c’est à nous de les apprivoiser. Quant aux magistrats, ils ne sont pas unanimement contre la mesure. J’en connais qui y sont favorables. Je sais que nous devrons faire nos preuves.

Comment envisagez-vous le stage parental ? Comme une sanction ou comme une aide ?

Je ne veux pas nier l’aspect  » sanction  » de la mesure, comme l’a voulu le pouvoir politique. Une sanction constitue un coup de semonce donné par la société. Mais la sanction n’est pas forcément une punition. Elle permet avant tout de prendre conscience d’un problème. Notre rôle sera de donner du contenu à la décision de justice. Et ce contenu est envisagé comme une aide.

Comment allez-vous vous y prendre ?

Par la confiance. Je crois que c’est le mot-clé de notre mission. Notre démarche se déroulera en trois temps. D’abord, bien définir notre  » mandat  » : il y aura une réunion entre le magistrat, les parents et notre service. Cette relation triangulaire nous mettra sur un pied d’égalité avec les parents par rapport au magistrat. Cela nous permettra d’établir une vraie collaboration avec les parents. Ensuite, nous rencontrerons les parents chez eux pour voir comment nous pourrons les aider. Enfin, nous les inviterons dans nos locaux à participer à des discussions de groupe de parents qui se trouvent dans la même situation.

La loi nous demande de sensibiliser les parents concernés sur leur responsabilité éducative, civile et pénale. Nous le ferons via cette animation multifamiliale. Ces entretiens de groupe permettront de déculpabiliser les parents, de leur faire sentir qu’ils ne sont pas seuls à vivre ce qui leur arrive.

La mesure est néanmoins présentée comme une sanction. Ne craignez-vous pas que cela stigmatise des parents qui affrontent déjà des difficultés ?

Je ne crois pas, parce que nous ne les regarderons pas avec des yeux culpabilisateurs. Au contraire. Nous allons essayer de construire des solutions ensemble, de leur faire comprendre qu’ils ont les clés en main pour s’en sortir, mais qu’ils n’ont pas été en mesure de les utiliser. Nous nous posons en interlocuteurs. Une caractéristique de ces familles en difficulté avec leurs enfants est l’isolement. Parmi celles-ci, il y a beaucoup de familles monoparentales. Notre rôle sera de les resocialiser, d’abord en les écoutant.

Que ferez-vous des parents qui résisteront à votre aide ?

A ceux qui nous diront :  » Je n’ai pas de problème !  » nous répondrons :  » D’accord, mais la justice a un problème avec vous… Comment faire pour que ce problème disparaisse ?  » Nous tâcherons de les mettre en position d’acteur de leur propre histoire. Il faut parvenir à se mettre au service de ce qu’eux veulent faire. Alors, ils n’auront plus de raisons de résister. l

Entretien : Thierry Denoël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire