L’embellie de Hampton Court

L’Europe a repassé la première. Elle peut encore caler, mais il n’est plus impossible qu’elle parvienne, en décembre, à un compromis sur son budget 2007-2013 et reprenne alors une petite vitesse de croisière, du genre circulation urbaine, prudente, attentive, mais régulière.

Cela n’a rien d’exaltant. On aurait préféré la voir bondir sur les routes de ce nouveau siècle, mais c’est mieux que la désunion dans laquelle elle s’apprêtait à ajouter un pugilat idéologique à la panne institutionnelle provoquée par les non français et néerlandais.

C’est ce qui s’annonçait à l’été. Tablant sur une claire victoire d’Angela Merkel aux élections allemandes, Tony Blair s’était à ce moment-là cru en situation de jouer l’épreuve de force. Il voyait déjà l’Allemagne rompre avec le modèle européen, la nouvelle chancelière se rapprocher de lui, isoler la France et modifier ainsi le rapport de forces entre les partisans du laissez-faire et ceux de l’économie sociale de marché. Aux commandes de l’Union pour ce second semestre, le Premier ministre britannique avait donc convoqué pour le 27 octobre un  » sommet informel « , de débats et non de décisions, qui devait démontrer l’avantage pris par les libéraux dans l’Europe élargie.

L’Union serait sortie en morceaux de cette collision frontale, mais l’Allemagne et la Pologne l’ont évitée. Effrayés par le virage thatchérien de la démocratie chrétienne, les Allemands ont voulu coaliser leur gauche et leur droite ; les Polonais ont confirmé ce rejet européen du laissez-faire en se rangeant, contre les libéraux, derrière leur droite sociale, et Tony Blair a changé de cheval au milieu du gué. Insistant soudain pour que ce sommet se concentre sur des propositions concrètes de relance des politiques communes, il a permis à Jacques Chirac de mettre en avant sa méthode européenne – celle des  » groupes pionniers « , à savoir des regroupements des pays décidés à  » aller plus vite et plus loin  » dans un domaine ou dans un autre afin d’entraîner à terme l’ensemble des 25 par élargissements successifs de ces avant-gardes.

Dès la veille du sommet, le président français et le Premier ministre britannique ont parallèlement défini des priorités d’action pour l’Europe. Comme elles étaient proches, les discussions de Hampton Court ont permis de dégager des consensus sur des  » projets  » qui pourraient être formalisés d’ici au Conseil européen du printemps 2006. Il y a eu unanimité sur le besoin d’augmenter l’effort européen de recherche. Les 25 se sont également entendus sur la nécessité d’£uvrer ensemble sur l’énergie, l’immigration, le réchauffement climatique, le terrorisme, le recul démographique et la solidarité communautaire dans la compensation sociale des restructurations industrielles.

Tout reste à faire, mais une méthode s’est dégagée, celle de l’action et de politiques communes partout où elles sont nécessaires et possibles. Si la question du budget et les négociations sur le commerce mondial ne font pas tout capoter, c’est une Europe politique qui pourrait s’esquisser sur ces bases.

Bernard Guetta

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