90/10 : avantage aux francophones !

A Bruxelles, le poids démographique des Flamands n’excède pas 10 à 15 %. C’est peu en cas de référendum sur l’avenir de la capitale.

A Bruxelles,  » sa  » capitale, la Flandre diffuse un brouillard aussi épais que le smog qui pollue parfois l’air de la ville-Région. Les initiatives sociales, sportives et culturelles du gouvernement flamand sont destinées à un large public de 300 000 personnes. Autant de néerlandophones ? Le monde politique flamand fait comme si… Et cette  » norme bruxelloise  » de 300 000 habitants, adoptée sous l’ère Leterme, fait illusion. Avec ses ministères, sa place des Martyrs, ses écoles très appréciées par les familles francophones, son aéroport national largement flamandisé, ses entreprises emplissant les nouveaux zonings situés à cheval sur la frontière linguistique et ses coûteux efforts de propagande, le Mouvement flamand entend gagner la bataille des chiffres. En marquant les esprits. Et en entretenant la confusion : à la longue, combien de Bruxellois connaissent la juste proportion entre francophones et néerlandophones ? 70/30 ? 80/20 ?

Forcément, il n’y a plus de chiffres officiels ! Le dernier recensement de la population incluant un volet linguistique remonte à… 1947. Le suivant a été purement et simplement annulé sous la pression d’une fronde de bourgmestres flamands, redoutant la francisation de Bruxelles et de sa banlieue. Depuis les années 1960, le sujet est quasi tabou. Aujourd’hui, la communauté flamande préfère s’extasier à propos du rayonnement spectaculaire de la rue Dansaert, en plein centre-ville, où bobos, artistes et couturiers du Nord ont pris leurs quartiers. La Flandre politique vante la  » réalité multiculturelle  » de Bruxelles pour mieux diluer le poids des francophones. Et elle passe au bleu les données officieuses, fondées sur les résultats électoraux des communales de 2006, qui font état d’une baisse de la présence flamande de l’ordre de 5 % à Jette et à Koekelberg, de 7 % à Anderlecht, de 14 % à Woluwe-Saint-Lambert, de 25 % à Etterbeek. Un sombre constat vite évacué par la presse flamande, qu’il est difficile de vérifier, il est vrai.

On naît, on se marie, on paie ses impôts en français

Côté francophone, on s’abrite derrière la seule vérité implacable, celle des urnes. Aux élections communales de 2006, 586 conseillers ont été élus dans les 19 communes bruxelloises sur des listes francophones ; 77 l’ont été sur des listes néerlandophones. Il n’y a pas photo : le rapport est favorable aux francophones, qui occupent 88,2 % des postes de conseillers communaux. Confirmation lors des élections fédérales de juin 2007. Dans les cantons de Bruxelles, 88,5 % des votes ont été émis en faveur de partis francophones, score en hausse par rapport au scrutin de 2003. L’effet d’une  » francisation  » de la population, cumulé au poids croissant des nouveaux Belges ? A lire le récent  » baromètre des langues  » concocté par la VUB (Vrije Universiteit Brussel), le français est parlé par environ 95 % de Bruxellois. Sa connaissance augmente encore. Ce qui n’est pas le cas du néerlandais, désormais moins bien maîtrisé que l’anglais (lire l’encadré p.43).

La démographie pourrait donc compliquer les desseins de  » flamandisation  » de Bruxelles. Selon des informations récoltées par le FDF au cours des dernières années, via des interpellations parlementaires, quelque 90 % des actes de l’état civil dressés à Bruxelles le sont en français. Des mariages et des naissances, surtout. Le ratio diminue pour les décès : la population flamande est plus âgée…

D’autres statistiques confirment le poids démographique des francophones en Région bruxelloise. Le rapport est de 90/10 en ce qui concerne les déclarations fiscales, les dossiers de pensions et les demandes d’immatriculation de voitures. La proportion de francophones est supérieure à 90 % quand on épluche les abonnements gratuits délivrés par la Stib aux moins de 12 ans, les permis d’urbanisme et le registre des débiteurs de la taxe régionale autonome. Enfin, moins de 5 % des chômeurs bruxellois réclameraient leurs allocations en néerlandais.

La messe n’est pas dite pour autant. Au fil des négociations institutionnelles, la Flandre a imposé des conditions de représentation garantie dans la Région centrale. Au parlement bruxellois, le nombre de députés néerlandophones est fixé de manière arbitraire. Quel que soit le nombre de suffrages exprimés pour leurs listes (13,8 % aux élections régionales de 2004), les partis flamands sont assurés d’un quota de 17 députés sur 89 (19,1 % des mandats parlementaires). Quant aux emplois dans la fonction publique, ils sont monopolisés par les candidats néerlandophones, souvent meilleurs bilingues, il est vrai. Dans les bureaux de poste, les services régionaux du ministère des Finances et les greffes de tribunaux, on ne trouve jamais plus de 60 ou 70 % de francophones. Parfois beaucoup moins.

Ph. E.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire