Les caisses sont vides !

Alors que les Belges clament leur désarroi dans la rue, les éminences continuent de s’étriper sur l’institutionnel. Pendant ce temps, les finances publiques plongent dans le rouge.

Mauvaise nouvelle pour les camionneurs, les agriculteurs, les chauffeurs de taxi, les ménagères, les allocataires sociaux, les travailleurs, les pensionnés : les prix ont beau flamber, le pouvoir d’achat diminuer, les marges bénéficiaires rétrécir et les fins de mois difficiles s’allonger, il n’y a pas un sou vaillant, dans les caisses de l’Etat, pour adoucir leurs misères. Yves Leterme l’a timidement laissé entendre, l’autre jour, à la Chambre. Trop timidement. Comme s’il nourrissait l’espoir de ne pas être entendu. Dans le gouvernement, d’ailleurs, certains semblent être atteints de surdité. A commencer par Didier Reynders, vice-Premier ministre libéral, qui rêve toujours d’obtenir rapidement le feu vert de ses  » partenaires  » pour une nouvelle réforme fiscale (coût : 6 milliards d’euros), dont il pourrait engranger les bénéfices électoraux en 2009. Au PS aussi, on menace de quitter le gouvernement si des  » mesures sociales  » ne sont pas décidées d’ici au 15 juillet.  » Il faudrait que quelqu’un prenne sa toute grosse voix et ose dire très haut que, désormais, le Belge devra se serrer la ceinture « , soupire un  » sherpa  » budgétaire.

Budget 2008 : des hypothèses trop optimistes

Certains ont bien tenté de nous tancer. Mais leur ton irrité ne nous parvient qu’à moitié : trop lointains ou trop  » institutionnels « , ces donneurs de leçons. Il n’empêche : pour qui sait les décoder, les  » recommandations  » adressées aux grands argentiers de l’Etat belge par la Commission européenne, le 11 juin, sont d’une limpidité inquiétante. Que disent, en substance, ces chiens de garde internationaux du Pacte de stabilité, garant de l’Union économique et monétaire européenne ? Qu’ils ne sont pas dupes. Ils ont bien compris notre petit manège : le budget de l’Etat pour 2008 repose sur des hypothèses trop optimistes. Pis : le gouvernement est en train de compromettre l’objectif qu’il s’était assigné à moyen terme, à savoir constituer des surplus budgétaires, indispensables pour accuser le choc du vieillissement de la population et la hausse du coût des pensions, dès 2015. Quelques jours plus tard, c’était au tour du Conseil supérieur des Finances, bien belge celui-ci, de faire connaître à son tour son scepticisme. Pour faire bref et traduire en termes clairs les sentiments de ces experts : si le gouvernement ne fait rien pour redresser rapidement la barre, l’Etat belge pourrait bien renouer avec les années noires de la décennie 1980, durant laquelle la dette publique s’envola, plombant durablement les finances publiques.

Donc, il faudrait que  » quelqu’un « , un poids lourd politique (une espèce en voie de disparition), tonne devant les caméras que, si l’on veut faire face au paiement des pensions, demain, il faut se résoudre à une cure d’amaigrissement, aujourd’hui. Mais les dirigeants capables de braver l’  » opinion publique  » sont, aujourd’hui, denrées rares. Terminée, l’époque des Dehaene, Martens, Van Rompuy, Maystadt et autres Gol, qui imposaient la rigueur et des mesures impopulaires. Aujourd’hui, la relève politique est bien pâle. Depuis 1999 (merci Guy Verhofstadt !), les gouvernants ont relâché les efforts. Et la succession des échéances électorales ne facilite évidemment pas le rôle des grands argentiers. Il en faudrait du courage pour parler d’austérité à quelques mois d’un scrutin ! Au lieu de cela, chacun essaie de sauver  » ses  » meubles. Exemple : la Flandre réclame, à présent, une révision de la loi de financement qui détermine les moyens alloués, par l’Etat fédéral, aux entités fédérées. Vu l’état des caisses fédérales, le nord du pays suggère que ces montants soient revus à la baisse. La Flandre, prospère, pourrait assumer la différence (et grappillerait, au passage, quelques compétences supplémentaires). La Communauté française et la Wallonie seraient, elles, en faillite.

Recoupler les scrutins régionaux et fédéral

L’unique espoir de voir revenir les dirigeants à la raison ? Ralentir le rythme des échéances électorales. Faire en sorte que les politiques ne soient plus en campagne de façon permanente. Il n’est un secret pour personne que les périodes préélectorales sont peu propices à une gestion rigoureuse des deniers publics. Or, la Belgique a connu des élections en 2003, en 2004, en 2006 et en 2007. Elle en connaîtra de nouveau en juin 2009. Le désastre aura alors duré six ans. Six ans de trop. Décider de recoupler, à cette date, les scrutins régionaux et fédéral relèvera alors d’une impérieuse nécessité. S’en abstenir serait faire preuve d’une irresponsabilité aveugle. l

Isabelle Philippon

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