Patrons et syndicats se donnent du temps

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Leur mission n’est pas encore impossible. Mais pour augmenter leurs chances d’élaborer un nouveau cadre pour les conditions de travail en 2005 et 2006, patrons et syndicats ont besoin de quelques jours de réflexion supplémentaires. Bonne idée !

Un répit. Les négociateurs patronaux et syndicaux qui tentaient, depuis plusieurs semaines, de conclure un accord interprofessionnel pour les années 2005 et 2006 ont décidé de se donner plus de temps. L’enjeu est, il est vrai, fort important puisque cet accord, qui concerne les quelque 2,3 millions de travailleurs du secteur privé, constitue le cadre dans lequel évolueront leurs conditions de travail au cours des deux années à venir : salaires, prépensions, heures supplémentaires, congé parental et autres formations constituent l’ossature de ce texte négocié pied à pied par un groupe de représentants du camp patronal et du camp syndical. Faute d’accord entre ces négociateurs de pointe, c’est le gouvernement fédéral qui devrait trancher, une perspective qui fait frémir les interlocuteurs sociaux, très jaloux de leurs prérogatives.

Ceux-ci s’offrent donc un ballon d’oxygène, bienvenu dans un contexte social… étouffant. Du côté patronal, certaines fédérations professionnelles sont montées au créneau depuis plusieurs mois avec des revendications extrêmement dures, exigeant notamment, au nom de la compétitivité, une flexibilité accrue de la part des travailleurs, sans contrepartie, et un quasi-gel des salaires. Négocier sur une telle base n’était évidemment pas simple pour les représentants de la FEB (Fédération des entreprises de Belgique) au sein du  » groupe des Dix « . La partie n’était pas facile à jouer non plus du côté syndical, où la  » base  » a manifesté, ces derniers temps, d’évidents signes d’impatience et d’énervement vis-à-vis de ses chefs de file. L’appel lancé aux interlocuteurs sociaux par le Premier ministre, Guy Verhofstadt, pour qu’ils concluent un accord  » modéré  » sur les salaires, a rajouté d’autant plus d’huile sur le feu qu’il annonçait au même moment une croissance de l’économie belge de 2,9 % en 2005. Pour les travailleurs, confrontés à une forte progression du chômage et irrités à l’idée de voir détricoter l’actuel système des prépensions, la couleuvre était difficile à avaler.

Pour canaliser cette colère, tout en mettant discrètement leurs interlocuteurs patronaux et gouvernementaux sous pression dans le cadre de la discussion sur l’accord interprofessionnel, les états-majors syndicaux ont dès lors annoncé, en front commun, l’organisation d’une grande manifestation à Bruxelles, le mardi 21 décembre prochain. Quelque 20 000 personnes y sont attendues. Certaines entreprises, comme les TEC, débraieront pour l’occasion, même s’il ne s’agit pas d’un mot d’ordre de grève générale. Une première : jamais les syndicats n’avaient lancé une mobilisation en pleine discussion sur l’accord interprofessionnel. La FEB a d’ailleurs très mal pris la chose :  » Nous nous demandons si les syndicats ont encore envie de négocier ou s’ils veulent faire sauter la concertation « , avait déclaré Pieter Timmermans, directeur de la fédération patronale.

La question ne se pose plus, désormais, puisqu’au lendemain de cette manifestation patrons et syndicats remettront une énième fois leur ouvrage sur le métier. La formule est d’autant plus à propos que tous souhaitent parvenir à un accord interprofessionnel, fût-il peu ambitieux, et à condition qu’il leur permette de retourner devant leur base sans avoir à rougir. Le fruit de ce travail commun présente toujours l’immense avantage à la fois de garantir la paix sociale et de faire obstacle à d’éventuelles interventions gouvernementales intempestives.

La tâche du  » groupe des Dix  » ne sera pas facile, d’autant que d’autres échéances s’annoncent, qui ont, d’ailleurs, déjà parasité l’actuelle négociation. En janvier, un groupe de travail composé de représentants patronaux, syndicaux et gouvernementaux se penchera en effet sur le lourd dossier des fins de carrière. Objectif : maintenir sur le marché du travail les plus de 55 ans, qui s’y font de plus en plus rares. Actuellement, seuls 28 % des 55-64 ans sont toujours professionnellement actifs en Belgique. Peut mieux faire…

Laurence van Ruymbeke

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