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Baptiste Guillaume, l’expat belge au pays des Bleus

Il vient à peine de souffler ses 14 bougies quand il traverse la frontière pour rallier Lens. En exil en France depuis, entre Lille, Strasbourg, Angers et, à présent, le Nîmes Olympique, Baptiste Guillaume revient sur sa vie d’expat.

À Angers, dernière halte avant de rallier son nouvel employeur olympien, l’expérience du Montois aura été des plus mitigées. Il a peu joué, alternant le plus souvent entre terrain, placard et banc. Il était pourtant arrivé au SCO dans la peau d’un demi-héros, prêté par Lille à Strasbourg, qu’il avait aidé à retrouver l’élite, neuf ans après.

Là-bas, il avait tout, ou presque. Il y a même validé une année de master à l’ISEG, une école de marketing, où il a étudié le management du sport.  » Au moins, quand j’en aurai terminé avec le foot, je ne serai pas sans rien « , déclare celui qui se verrait bien agent, pour la  » belle vie « .

Mais voilà, le destin en veut toujours autrement. Lille avait un accord avec Angers pour le transfert de Nicolas Pepe et Guillaume a dû trimballer son mètre 89 en sens inverse avant de rallier naguère le club azuréen.

Quand on fait le bilan de ta dernière saison en championnat, c’est plutôt maigre : 16 matches, seulement trois fois titulaire et 449 minutes de jeu au total.

Baptiste Guillaume : C’est clair. Ça ne fait que cinq matches plein. Mais, en soi, je suis à deux buts et une passe décisive, c’est encore correct. Quand ils voient 16 matches, les gens vont se dire que j’ai joué l’intégralité des rencontres et que je n’ai marqué que deux fois ( dont une en coupe, ndlr)… Ils ne voient pas la face immergée de l’iceberg. Il faut regarder le fond des choses. J’ai fait des rentrées intéressantes et un bon match, comme titulaire, contre Montpellier. Quand on ne permet pas à un attaquant d’enchaîner, c’est plus délicat. Mais je ne cherche pas d’excuses, j’ai une grosse part de responsabilité.

On ne m’a toujours donné qu’une saison pour prester, pour me juger. Je ne sais pas ce que ça peut donner si je peux avoir plus de temps.  » Baptiste Guillaume

Pourtant, tu es titulaire pour le premier match de la saison, contre Bordeaux, et tu marques. Avant de vite basculer sur le banc. En décembre, tu te blesses aux côtes et à ton retour, tu te retrouves en réserve, jusqu’en février…

Guillaume : Avant le match contre Rennes ( le 20 janvier, ndlr), Stéphane Moulin, le coach, vient me voir et me demande si je peux jouer. Je lui dis honnêtement que je ne le sens pas, que je n’ai plus joué depuis ma blessure et que je ne suis pas prêt physiquement. Il l’a mal pris. J’ai dû m’excuser devant tout le groupe, mais je me suis quand même retrouvé en réserve. C’était difficile, mais je ne voulais pas lâcher. Je suis descendu et j’ai planté à chaque fois pour montrer que j’étais concerné.

Baptiste Guillaume sous ses anciennes couleurs en France : au RC Lens, au LOSC, à Strasbourg et à Angers.
Baptiste Guillaume sous ses anciennes couleurs en France : au RC Lens, au LOSC, à Strasbourg et à Angers.© belgaimage

 » Mon premier but, à Marseille, c’était pour mes grands-parents  »

À Strasbourg, l’environnement semblait parfait pour toi. Tu n’as pas eu l’impression de ne pas être totalement maître de ton destin ?

Guillaume : Il y a un peu de ça. Mais j’ai quand même pu regoûter à la Ligue 1. Pas avec Strasbourg, mais c’est déjà ça. J’ai eu une période où je me le suis dit, mais tu ne peux pas laisser place à la frustration. Tu te dois de vite l’effacer. Angers venait de faire une finale de Coupe de France, il y avait tout pour que j’y réussisse. Je ne suis pas du tout malheureux ou déçu d’avoir signé là-bas. Je voyais ça comme un l’apprentissage.

En 2014, tu te retrouves lancé dans le grand bain de la L1, avec Lens, à 19 ans (27 matches, 2 buts). Le club connaît des difficultés financières et fait jouer les jeunes. Si c’était un accomplissement, tu ne te disais pas que ça pouvait te cramer ?

Guillaume : Ça m’a quand même beaucoup apporté. J’ai appris à vivre avec les attentes du haut niveau. Mais c’est vrai que ça a été tellement vite que j’ai l’impression d’être seulement en train de digérer tout ça. J’étais jeune, mais on me demandait de performer comme un joueur confirmé. Dans le groupe, on avait une insouciance qui nous permettait de ne pas trop penser à la difficulté de la mission ( Lens termine quand même dernier, ndlr). On savait d’entrée que ça allait être délicat, mais l’insouciance nous faisait oublier la pression des résultats et des supporters.

Et le 2 novembre, tu mets ton premier but en L1, au Vélodrome contre l’OM…

Guillaume : C’était un moment magique. Je frappe, elle est déviée, mais il faut être là, faire le crochet et la mettre au fond ( il sourit). Je me rappelle qu’il n’y avait aucun bruit dans le stade puisque c’était l’égalisation ( Lens s’incline finalement 2-1, ndlr). Je vois encore nos supporters célébrer, dans le coin en haut à gauche. C’était immense, parce que c’est ce que recherche tout attaquant. J’avais fait un geste vers le ciel pour mes grands-parents, qui sont décédés. À ce moment-là, tu repenses aussi à tous les sacrifices dont on a parlé. Tu espères aussi que c’est le premier d’une longue série.

Baptiste Guillaume, l'expat belge au pays des Bleus
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 » Quatre millions pour mon passage au LOSC, ce n’est pas rien  »

L’été suivant, tu pars chez le rival lillois, pour quatre millions. Après six mois là-bas, où tu joues très peu, L’Équipe te classe dans son top 5 des flops du mercato. Tu passes même le reste de la saison en réserve. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Guillaume : Déjà, j’avais la pression d’un premier gros transfert. Quatre millions, ce n’est pas rien. Et je n’avais qu’une saison de L1 dans les jambes. À la base, Hervé Renard me voulait comme attaquant numéro un, sauf qu’en novembre, il est remplacé par Frédéric Antonetti. Je n’entrais pas dans ses plans, mais il était clair là-dessus. Lui, au moins, il était franc. Là, c’est le même schéma que la saison passée, je pars en réserve et je reste professionnel. Je mets 12 buts en CFA2.

Lille te prête à Strasbourg, où tu deviens l’un des artisans du titre en Ligue 2, avec 9 buts et 4 assists. Est-ce qu’on peut dire que cette réussite est liée à l’éloignement de chez toi ?

Guillaume : C’est vrai qu’à Lille, je me suis rapproché de Mons, j’avais ma zone de confort, mes potes, ma famille. Je ne jouais pas, mais je me disais :  » ton tour viendra « . Je ne mettais pas tout en oeuvre pour réussir. Et à Strasbourg, j’étais loin, mais je me suis vraiment senti bien. Je descendais en L2, mais c’était reculer pour mieux avancer. En fait, je n’avais que ça à faire. Je me suis dit :  » bouge-toi le cul, bosse, fais du travail supplémentaire…  » J’ai eu un déclic.

À Lille, j’étais vraiment proche de Mons. J’avais ma zone de confort, mes potes, ma famille. Je n’ai pas tout mis en oeuvre pour réussir.  » Baptiste Guillaume

Tu es parti très tôt en France, ce qui fait que tu as toujours été un étranger, un expatrié, tout en étant un  » assimilé « . Comment tu définirais ton identité ?

Guillaume : Je me sens 100 % belge, c’est sûr. J’ai toujours voulu jouer pour les Diables et j’ai été très fier de représenter les Espoirs. C’est mon pays. Mais c’est vrai que je suis toujours entre deux eaux : j’ai ma famille en Belgique et mes amis en France. Je le vis bien comme ça, mais parfois c’est difficile de jongler entre les deux. Au début, à l’internat, j’appelais souvent mes parents pour qu’ils viennent me chercher…

 » Je me suis retrouvé très tôt le garant de ma propre réussite  »

Tu y as connu des moments difficiles ?

Guillaume : Bien sûr, comme beaucoup de gamins dans ce cas. Tu pleures au téléphone, parce que tu n’as aucun repère. Tu es à l’internat, le soir, tu te couches, mais tu te dis que tu es tout seul, que ta famille est loin. Des fois, tu accuses le coup, quand tu as une mauvaise note, que l’entraînement s’est mal passé… Et pourtant, dans mon cas, il n’y avait que 100 kilomètres qui me séparaient d’elle.

Vu de l’extérieur, ça fait très  » usine « . La pression de la réussite, tu l’as sentie à quel âge ?

Guillaume : Plus tard. J’ai eu la chance que ça se passait bien. J’avais des qualités et j’arrivais à les montrer. Je bossais aussi plutôt pas mal à l’école donc comme ça allait sur le terrain et en dehors, les années passaient normalement. Mais c’est vrai que la pression augmente et tu sens que si tu ne passes pas un cap, comme celui des U19 à la CFA, il y a tout un monde qui va s’écrouler.

Quels sacrifices tu as dû faire pour devenir pro ?

Guillaume : Je suis parti à 14 ans de chez moi. J’ai quitté mes parents et ma soeur jumelle, avec qui j’étais tous les jours à l’école. Tu changes de pays, tu changes de vie, littéralement. Tu te dis que le foot, à la base, c’était une passion, mais que là, ça va se professionnaliser. Mes parents me l’ont dit tout de suite :  » Dorénavant, tu dois grandir tout seul « . Il faut avoir conscience de tout ça. Si tu ne veux pas être bon à l’école, c’est ton choix. Si tu ne veux pas bien t’entraîner, c’est ton choix. Mais derrière, il n’y aura plus rien. Pour moi, tout s’est bien passé. J’ai été champion avec les U17 de Lens, je suis passé en CFA, puis chez les pros. À partir de là, je savais que ça allait être ma vie.

Baptiste Guillaume, l'expat belge au pays des Bleus
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Ce qui fait aussi que tu as acquis très vite une certaine maturité.

Guillaume : Je pense, oui. En fait, tu deviens très tôt le propre garant de ta réussite. Si tu sors tard, si tu bois, si tu ne manges pas bien, tu seras tout seul pour en payer les conséquences. Alors forcément, quand tu sais tout ça, tu grandis plus vite que les autres.

 » J’aimerais enfin me poser durant un certain temps  »

Beaucoup de footballeurs pros disent ne pas avoir eu de jeunesse. Tu fais le même constat ?

Guillaume : En quelque sorte. À la fin de ta journée d’école, tu as tes potes qui t’invitent chez eux mais tu refuses parce que tu dois rentrer te reposer ou aller à l’entraînement. C’est pareil les week-ends. Tu ne vas jamais partir deux jours avec eux, parce que tu t’entraînes le samedi et tu joues le dimanche. C’est comme ça, c’est un choix. Mais on n’a pas du tout la même jeunesse.

Tu essayes de la rattraper ?

Guillaume : Maintenant que j’ai beaucoup plus de liberté, oui, de différentes façons. Mais c’est difficile parce que j’ai changé quatre fois de club et ils ne sont pas à côté ( il sourit). Donc, à chaque fois, il faut s’adapter rapidement à un nouvel environnement. Quoi qu’il en soit, je ne peux rien regretter. C’était mon rêve de devenir pro. Je suis hyper content de ce qui m’arrive. Tu te prives de beaucoup de choses, mais tu kiffes d’une autre manière. Et tu sais que tu auras tout le temps pour profiter de ces choses-là à la fin de ta carrière.

Tu en es déjà à ton cinquième club, à seulement 23 ans. Tu te verrais t’installer quelque part sur le long terme ?

Guillaume : Je ne me suis jamais posé la question, mais c’est vrai que j’aimerais bien. Ça fait quatre ans que je ne fais que bouger. Je suis toujours en mouvement. Un an, ça passe très vite. En fait, je ne sais pas ce que je peux donner une fois que je serai installé quelque part. On ne m’a toujours donné qu’une saison pour prester, pour me juger. Je ne sais pas ce que ça peut donner si je peux avoir plus de temps. J’espère avoir cette opportunité à Nîmes, à présent.

Tu as besoin d’un équilibre pour performer ?

Guillaume : Je pense franchement que je franchirai un cap quand j’aurai trouvé une certaine stabilité, que ce soit en France ou ailleurs. Cet équilibre, j’aurais peut-être pu le trouver à Strasbourg. C’est vrai que je me sentais strasbourgeois, mais c’est comme ça. Et je pense aussi que je ne suis pas assez égoïste sur le terrain, ça se ressent dans mes statistiques. On me dit souvent d’être moins altruiste, c’est normal pour un attaquant, mais ça viendra avec l’âge. Disons que je suis comme ça par respect pour les anciens. Je serai plus perso quand je serai le  » grand  » dans le vestiaire ( il sourit).

 » Ma vie est en France  »

Tu es très peu connu en Belgique. Ce manque de reconnaissance, ça te dérange ?

Baptiste Guillaume : Un peu, oui. En allant en sélection, je pensais que ça allait me faire connaître un peu plus. Mais vu que c’était sur des laps de temps très courts et que je n’étais pas indiscutable, ça n’a pas été beaucoup plus loin. J’aimerais bien être aussi connu que Praet ou Tielemans. On ne sait jamais, peut-être qu’un jour je serai avec les A et j’aurai cette reconnaissance.

Tu n’as jamais pensé à revenir en Belgique ?

Guillaume : Si. Mais je trouve que tu as beaucoup plus de visibilité en France. Même en Ligue 2. Par exemple, David Pollet, qui était un peu dans le même cas que moi, est revenu en Belgique et j’ai l’impression qu’il ne pourra plus repartir à l’étranger. Pour moi, à part le top 6, c’est moins fort qu’en France. Donc tant que je peux évoluer à un meilleur niveau, je le ferai.

Tu ne ressens pas un besoin de rentrer ?

Guillaume : Non. Je ne pense même pas que je reviendrai vivre en Belgique, plus tard. À part la maison familiale, l’école à Mons, je n’y ai pas connu grand-chose d’autre. Ma vie est en France. Je m’y sens très bien. Hors-foot, en fin de carrière, je me verrais bien m’installer dans le Sud.

A Nîmes, tu es manifestement sur le bon chemin ?

Guillaume : Si je peux m’y installer dans la durée, ce ne serait pas de refus…

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