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Les doutes du président

Pourquoi le Standard a-t-il autant galéré ces deux dernières années ? Et quelles sont les leçons à tirer d’un passé encore récent ? Analyse d’un peu plus de deux saisons sous le règne de Bruno Venanzi.

Un exploit personnel de Paul-José Mpoku suivi d’une énième parade savonnette de Davino Verhulst ont-ils sauvé la tête de Ricardo Sa Pinto ? Difficile d’y répondre avec certitude même si les derniers échos laissent à penser le contraire. Certes, la situation du coach portugais était de plus en plus intenable mais sa mise à pied aurait, à nouveau, mis en lumière le manque de clairvoyance de la direction. Car depuis le 24 juin 2015, date de la reprise du club par Bruno Venanzi, les déceptions sont bien plus nombreuses que les satisfactions. Cette Coupe de Belgique remportée face au Bruges de Michel Preud’homme ne masque plus la forêt de problèmes.

Dans un milieu de vieux requins, le fondateur de Lampiris reste encore et toujours un novice. Il est d’ailleurs le premier à reconnaître qu’il est compliqué de se familiariser avec les codes d’un milieu où il faut pactiser avec des margoulins de bas-étage. Ses premiers soutiens, que ce soit Olivier Renard (directeur sportif), Alexandre Grosjean (Chief Operating Officer, voir son interview en encadré) ou Pierre Locht (directeur juridique) ne comptent, eux aussi, que peu d’heures de vol dans leur fonction actuelle.

Le public de Sclessin a d’ailleurs longtemps fait preuve d’indulgence, fait rare dans le football, avec le successeur de Roland Duchâtelet. Mais désormais, l’accalmie n’est plus de mise. En tribune, cela gronde de plus en plus fort, même si le soutien vocal reste remarquable malgré les fréquentes gifles d’envergure des derniers mois.

Lucien D’Onofrio, qui restait sur deux titres et une Coupe remportés lors de ses quatre dernières saisons à la tête du Standard, avait prédit la chute du club de Sclessin un lustre après son départ en juillet 2011. Un peu plus de six ans plus tard, le Standard est toujours debout mais il a fortement changé. A l’Académie, la Une du journal Le Soir  » Liège, nouvelle capitale du football belge « , toujours affichée avec fierté, qui avait suivi le deuxième titre de 2009, semble désormais totalement obsolète.

Le Standard ne fait plus peur alors que Sclessin n’est plus, depuis bien trop longtemps, cette no go zone d’où les visiteurs espéraient repartir sans trop de casse. Alors quelles erreurs l’actuelle direction a-t-elle commises ? Quels sont les nombreux dysfonctionnements des deux dernières années ? Et doit-on croire dans le futur du Standard de Venanzi ? Tentative de réponse.

Venanzi, président-supporter

Dans une interview accordée à la Libre Belgique en juillet dernier, deux ans après sa prise de pouvoir, Bruno Venanzi parlait  » d’un bilan sportif mitigé « . Une déclaration que l’on peut juger surprenante après deux saisons de suite en play-offs 2. On est toutefois très loin des sorties malheureuses de ses débuts où le néo-patron du Standard avait clashé Roland Duchâtelet dans Trends-Tendances ou pire encore, avait dévoilé chez Stéphane Pauwels la rumeur (infondée) d’un joueur qui aurait payé son coach pour être dans le onze de base. Depuis ces deux couacs médiatiques, les sorties sont bien plus ciblées, alors que son compte Twitter est à l’arrêt depuis le 22 novembre 2016.

Les sourires et l’enthousiasme de la conférence de presse qui l’officialisait comme le nouveau boss du Standard ont depuis laissé place à davantage de frustration. L’image d’Epinal n’a duré qu’un temps, une rapide lanterne rouge après une défaite à domicile face à Westerlo, en octobre 2015, avait réussi à flinguer l’optimisme un peu béat des premières semaines.

Mais Bruno Venanzi n’est pas devenu président du Standard sur un coup de tête. La reprise avait été réfléchie et préparée. Il en avait d’ailleurs fait part à quelques leaders des tribunes :  » Ils m’ont assuré de leur confidentialité et ils l’ont gardée jusqu’au bout.  »

Cette reprise avait également été encouragée par son (ex-)ami, Christophe Henrotay, qui avait évidemment de la suite dans les idées.  » On se voyait régulièrement, on partait en vacances ensemble. C’est d’ailleurs en vacances, à l’Île Maurice, qu’il m’a dit : je vais racheter le club. Je lui ai alors conseillé, dans un premier temps, d’intégrer le Standard, d’analyser les choses, de voir où il mettait les pieds. En devenant vice-président, il a pu, par après, trouver un accord avec Roland Duchâtelet, ce qui lui avait été refusé jusque-là.  »

L’agent de Thibaut Courtois allait très vite installer son poulain de toujours, Daniel Van Buyten, comme conseiller du président. Dans un premier temps, Venanzi est sous le charme de l’ex-défenseur du Bayern Munich dont l’entregent (et celui d’Henrotay) lui ouvre de nombreuses portes. Venanzi se rend au Bayern, à la Juventus, à l’Olympiacos, à Tottenham, à Chelsea, à Benfica, à l’Atlético Madrid, au PSG, à Lyon, à Saint-Etienne, à Monaco et se retrouve même dans la loge de Jorge Mendes lors d’un match de Ligue des Champions du Real Madrid.

A Chelsea, où il se rend avec Big Dan, c’est José Mourinho en personne qui vient les saluer avant de se retrouver attablés avec Willian, Ivanovic, ou Diego Costa. Ce passionné de foot international vit une sorte de rêve éveillé. En très peu de temps, il côtoie les plus hautes sphères du foot européen. Mais tout ça a un prix. Le conseiller  » Big Dan  » devient administrateur du club début octobre 2015 et perçoit un salaire délirant de près de 500.000 euros. Henrotay fait quant à lui marcher son réseau (Dossevi, Yatabaré ou Laifis arrivent en droite ligne de l’Olympiacos où officie son ami, le directeur général Ioannis Vrentzos) et tire les ficelles en coulisses.

Le directeur général de l’époque, Bob Claes, jugé quelque peu psychorigide, se heurte rapidement au duo Van Buyten-Henrotay : il prévient son président de leurs agissements mais est congédié une saison plus tard. Le directeur sportif, Axel Lawarée, dont l’action est plus que limitée, fait long feu également.  » Bruno (Venanzi) est un homme qui fuit les conflits « , nous expliquera par après Lawarée.

La prise en main

Longtemps, Venanzi est aveuglé par les  » conseils  » de Van Buyten et accepte, par exemple, les caprices des  » vedettes françaises « . La femme de Trebel reçoit notamment un boulot chez Lampiris, alors que Matthieu Dossevi touche une prime de victoire en Coupe de 80.000 euros (celle des autres joueurs était de 8.000).

Lors de sa première année de présidence, Venanzi est occupé par la vente de Lampiris, il reconnaît laisser un peu faire les choses. Lors de sa deuxième saison à la tête du club, après le licenciement de Bob Claes, Venanzi est nommé président exécutif. Son implication est totale, et il tente déjà de ramener plusieurs figures historiques du club. Des premiers contacts sont entrepris avec Mpoku et Pocognoli, il se renseigne aussi pour Dieumerci Mbokani mais son salaire est trop important, et est même assez proche de faire revenir William Vainqueur, qui signera finalement à Marseille.

Il finit par se ranger du côté de Renard et Van Buyten qui veulent se débarrasser de Yannick Ferrera alors qu’il est son dernier soutien. Il reconnaîtra d’ailleurs avoir commis une erreur en se rangeant de leur côté. La suite, on la connaît : le Standard va connaître un hiver particulièrement mouvementé avec le départ de Trebel vers Anderlecht, l’affaire Belfodil et l’imbroglio autour de son transfert vers Everton qui plombera le stage et polluera toute la deuxième partie de saison. Daniel Van Buyten est, lui, licencié début février après une sortie médiatique en forme de clash. Aujourd’hui encore, on se demande du côté de Sclessin comment l’ex-international a pu rester aussi longtemps en place tant son apport fut inexistant. Henrotay va finalement se tirer une balle dans le pied en encourageant la venue au Standard d’Olivier Renard, avec qui il discute lors d’un match à Bucarest.

Plus d’excuse

 » Quand il y a de l’instabilité partout, ça a inévitablement une incidence sur le sportif « , reconnaît d’ailleurs, JeanFrançois de Sart, ancien directeur sportif du club.  » Si les choses ne sont pas claires, rien n’est clair pour personne ! Les joueurs, le staff sportif, les agents, les supporters, tout le monde se pose des questions. À partir du moment où tu fais cohabiter un conseiller du président et un directeur sportif, c’est condamné à exploser. Et ça a explosé. On le savait. C’était une conclusion logique.  »

Aujourd’hui, Venanzi n’a plus d’excuse. Il ne peut plus se ranger derrière le lourd héritage laissé par Duchâtelet. La masse salariale a fortement diminué, la balance financière est positive. On dit l’Académie mieux structurée, le club n’a pas hésité à dépenser pas mal d’argent pour garder ses meilleurs jeunes au bercail.  » Aujourd’hui, on voit vers où l’on va « , clame Venanzi. Les supporters, eux, commencent à trouver le temps long. Très long.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS BELGAIMAGE

En très peu de temps, Venanzi côtoie les plus hautes sphères du foot européen grâce à Van Buyten et Henrotay.

Dossevi touche une prime de victoire en Coupe de 80.000 euros, contre 8.000 pour le reste du noyau.

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