Le bon vieux temps

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Certains disent que l’on vivait mieux jadis, que faut-il entendre par là et quel crédit accorder à cette affirmation ?

A. Verdonckt, par e-mailHier, l’idée du vivre mieux était une question pratiquement ignorée. La connaissance des gens était réduite tant en ce qui concerne leur propre histoire qu’en ce qui concerne le mode de vie au-delà de leur horizon. Ils appréciaient mal le temps passé, sauf en répétant :  » C’était mieux jadis  » , comme nous le ressassons encore. Quant à la perception que les gens avaient du vivre ailleurs, elle s’apparentait surtout à des récits merveilleux (ou terrifiants). Au peu d’information û se limitant souvent à un récit légendaire û s’ajoutait, pour l’immense majorité, une sorte d’évidence-résignation à l’ordre existant. Enfin, la quasi-universalité d’une foi religieuse, rendant compte et du destin de chacun et de l’ordre du monde, donnait à chacun non pas tant l’idée du bonheur que celle d’un écoulement naturel vers un destin prévisible et par là consolant, si l’on veut bien admettre ce que l’inattendu a de traumatisant.

Notre époque, disent certains sociologues, est celle du désenchantement du monde. Tant que l’ordre religieux et la marche du temps social se mêlaient étroitement au point d’être indissociables, les événements revêtaient une sorte de naturalité. Comme les saisons se succèdent, ainsi bonheurs et drames familiaux, joies communes et catastrophes se succédaient. Et il y avait toujours la possibilité, par la prière et un regain de piété, de fléchir la juste colère de Dieu.

Nous vivons dans un monde désenchanté et, sans doute, est-ce cela qui provoque comme une insatisfaction craintive. Les informations se déversent en nous tant et plus. Des allégations contradictoires, assénées avec conviction par des experts, créent un sentiment d’insécurité et de désillusion. Le progrès est là, mais ses promesses ne sont pas au rendez-vous. Reste que nous vivons plus longtemps et dans de meilleures conditions. Le monde nous appartient et la connaissance de l’Univers et de la vie recrée peu à peu un nouvel enchantement du monde plus profond et plus consistant.

Le vrai problème, c’est que politiquement nous n’arrivons pas, d’une part, à généraliser les effets du progrès et, d’autre part, à éliminer le décalage entre l’usage que nous faisons de la planète et les moyens à mettre en £uvre pour que nos avancées n’abîment pas cette patrie commune.

Si nous vivons mieux, ce qui est incontestable, notre indigence politique nous fait oublier la justice et la prévoyance dues à tous les vivants et à ceux qui viendront après nous. Le progrès n’est pas en cause.

Jean Nousse

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