Tous assurés, enfin ?

Bureau de tarification, c/o Fonds commun de garantie automobile, 33 (boîte 1), rue de la Charité, 1210 Bruxelles, 02 287 18 11, www.fcga-gmwf.be

Exclus de l’assurance auto, la mise en quarantaine devrait être bientôt finie ! Dès le 1er novembre, un nouveau système mettra l’assurance de responsabilité civile automobile (obligatoire) à la portée des conducteurs qui ne parviennent plus à s’assurer, sinon à des prix exorbitants. A partir de cette date, en effet, le Bureau de tarification, composé paritairement de représentants des assureurs et de ceux des consommateurs, fixera le montant et les conditions des polices pour ces exclus de l’assurance. Et les assureurs seront tenus de les respecter. Si la gestion du contrat et des éventuels sinistres sera confiée à l’une des quatre compagnies gestionnaires – Axa Belgium, Fortis AG, Ethias (ex-Smap) ou Winterthur -, toutes les entreprises du secteur devront contribuer à combler le déficit éventuel du Bureau de tarification. Objectif du système : permettre aux conducteurs « mauvais ris- ques « , avérés ou présumés, de trouver une assurance à un tarif « raisonnable » et lutter contre la non-assurance. On estime aujourd’hui à 100 000 le nombre de conducteurs qui roulent sans être assurés…

En pratique

Pour bénéficier de ce régime particulier, il faut soit avoir essuyé le refus d’au moins trois assureurs, soit se voir proposer une prime ou une franchise exagérément élevée. Sont considérées comme telles la prime dont le montant est 5 fois plus élevé et la franchise dont le montant est 3 fois plus élevé que le tarif le plus bas pratiqué par l’assureur. Il appartiendra à ce dernier d’avertir son client que le seuil est atteint. En d’autres termes, il devra lui-même le prévenir que ses prix sont trop élevés !

Une fois les conditions d’accès remplies et la demande du conducteur acceptée, le Bureau de tarification déterminera le montant de la prime à payer. Pour ce faire, il se basera sur des critères comme le type et la puissance du véhicule, l’âge du conducteur, son passé d’automobiliste ainsi que les éventuels sinistres à son actif. Et pas question de laxisme en la matière : le Bureau demandera des primes plus élevées aux automobilistes qui présentent des circonstances aggravantes comme la conduite en état d’ivresse ou le délit de fuite. A titre d’exemple, un conducteur de 22 ans roulant avec une petite voiture, comme une Seat Ibiza (40KW), et ayant un degré bonus malus 15 devrait payer une prime annuelle de 1 350 euros.

Délit d’âge

Pour contrer la tendance des assureurs à exclure certains conducteurs trop jeunes, le Bureau de tarification propose une solution sur mesure. Les  » conducteurs débutants « , entre 18 et 25 ans, dont la voiture est de faible puissance (moins de 65 KW, comme une Peugeot 106 par exemple), et qui n’ont jamais provoqué d’accident se verront offrir une prime annuelle aux alentours de 1 000 euros tout compris. Quant aux personnes âgées, autre catégorie d’assurés dans la ligne de mire des compagnies, le Bureau envisage de leur demander de passer un examen d’aptitude si elles sont à l’origine de plusieurs accidents.

Selon Bertrand Leton, président du Bureau de tarification,  » l’objectif est de leur permettre de prendre conscience de leur état. Mais il n’y aurait pas de pénalisation la première année. Quel que soit le résultat de l’examen, on leur proposera une assurance. Par contre, si elles reviennent une deuxième année et que les résultats ne sont pas concluants, il y aura lieu de se poser des questions : la loi impose à ceux qui ne sont plus en état de conduire de rendre leur permis « .

Craintes et critiques

Si la mise en place du Bureau de tarification est attendue depuis longtemps, elle suscite toutefois de nombreuses craintes, voire même certaines critiques. Il faut dire que le sujet met en jeu des intérêts contradictoires : les consommateurs, d’une part, qui veulent payer le moins possible mais qui sont aussi confrontés à la difficulté croissante de s’assurer lorsqu’ils sont jeunes ou âgés ; les assureurs, de l’autre, qui utilisent cette police comme produit d’appel et de fidélisation des clients, mais pour qui le secteur de l’assurance auto est déficitaire.

L’association de consommateurs Test-Achats, qui a refusé de siéger au sein du Bureau, dénonce par exemple l’absence de cadre global permettant d’offrir aux citoyens un droit à l’assurance à un tarif raisonnable :  » Nous sommes pour un Bureau de tarification, mais pas dans les conditions actuelles. Le seuil d’accès est beaucoup trop restrictif. Le système ne permettra pas à un jeune conducteur d’obtenir un contrat à un tarif raisonnable : 1 000 ou 1 300 euros, c’est déjà beaucoup pour certains. Nous déplorons également l’absence de garde-fou pour le calcul de la prime. Il n’y a aucune limitation à l’augmentation de leur montant en raison de critères comme l’âge ou le sexe », affirme Jean-Philippe Ducart, porte-parole.

De son côté, la Ligue des familles refuse d’adopter une position aussi tranchée. Pour son secrétaire général, Philippe Adrianne, « le Bureau de tarification ne va pas résoudre tous les problèmes. D’autres instances, comme la Commission des assurances, ont leur rôle à jouer. » Même son de cloche du côté de la ministre de l’Economie, Fientje Moereman (VLD).  » Ce n’est pas la tâche du Bureau de résoudre le problème des primes trop élevées pour certaines catégories de conducteurs. Il n’a pas à se substituer au marché.  » Pour enrayer cette spirale, la ministre a mis les assureurs au pied du mur. Le message est clair : ils doivent trouver une solution avant la fin de l’année ; à défaut, le pouvoir législatif assumera ses responsabilités.

D’éventuels effets pervers sont aussi dénoncés. Les associations de consommateurs redoutent une augmentation généralisée des tarifs, les compagnies risquant de se calquer sur les prix pratiqués par le Bureau.  » Nous sommes conscients que l’intérêt des assureurs est de pousser les prix à la hausse. Nous devrons donc rester vigilants. Les tarifs déterminés par le Bureau ne sont pas rigides. Il s’agit d’une proposition, qui sera régulièrement évaluée en fonction des statistiques et du marché « , affirme Philippe Adrianne.

Le Bureau de tarification craint, quant à lui, un recours abusif à ses services, comme l’explique Bertrand Leton « Avec la soixantaine de compagnies d’assurances qui existent sur le marché, il n’est pas difficile d’obtenir trois refus. Certaines compagnies n’assurent par exemple pas tous les véhicules. C’est notamment le cas pour les taxis, les camions ou les cyclomoteurs. Le risque est donc que des conducteurs se retournent vers nous, alors qu’en cherchant un peu ils pourraient sans problème trouver une police sur le marché. »

Le Bureau de tarification ne doit donc être utilisé qu’en dernier recours. Il s’agit, comme l’affirme Philippe Adrianne, « d’un filet de sécurité. Il n’est pas là pour faire de l’assurance à la place des compagnies ».

Géraldine Vessière

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