Obama à marée basse

La popularité du président pâtit des effets de la catastrophe écologique au large de la Louisiane. Malgré les efforts de communication de la Maison-Blanche.

DE NOTRE CORRESPONDANT

A l’entrée de Larose, un village côtier de Louisiane, une affiche de Barack Obama est barrée d’un graffiti :  » Et maintenant ?  » Près de deux ans après l’élection de tous les espoirs, le président est le premier à confier, l’air peiné, que sa fille Malia lui demande certains matins s’il pense  » réussir aujourd’hui à boucher ce trou « à Après cinquante jours de désastre, alors que BP tente de canaliser le geyser sous-marin vers des tankers en surface, le flot de pétrole assombrit aussi les sondages du président. Plus de 6 Américains sur 10 jugent que Barack Obama n’en fait pas assez, et sa cote d’amour s’affaisse à un rythme proche de celui atteint pendant les pires heures de la crise économique.

Le battage médiatique et les images du puits intarissable, diffusées dans un coin d’écran pendant les discours du chef de l’Etat, stigmatisent son impuissance et évoquent, pour ses détracteurs républicains, une catastrophe politique comparable à celle déclenchée par Katrina.

A tort. Après l’ouragan de 2005, l’administration Bush avait failli à une mission de service public : secourir et évacuer les naufragés de La Nouvelle-Orléans. Cette fois, hormis les 11 employés morts sur la plate-forme, les victimes humaines sont en majorité des pêcheurs, réduits au chômage et indemnisés pour la plupart par BP. Les premières images d’oiseaux mazoutés bouleversent l’opinion, certes. Mais le drame, malgré son ampleur historique, reste encore évasif : les millions de litres de pétrole stagnent en pleine mer et, pis, en profondeur, hors de portée des 1 400 bateaux chargés d’écumer les hydrocarbures. La mobilisation de l’armée ou de milliers de volontaires serait inutile sur des côtes inaccessibles et encore relativement épargnées, car la priorité consiste à juguler le puits à 1 500 mètres de profondeur – un travail de dentelle technologique que seuls une poignée d’experts des compagnies pétrolières peuvent accomplir.

Depuis le naufrage de l’ Exxon Valdez en 1989, au large de l’Alaska, la loi oblige la compagnie pétrolière responsable de répondre initialement au sinistre. Pendant un mois environ, la Maison-Blanche a usé de ce prétexte pour éviter de s’exposer et de raviver la polémique sur l’autorisation de nouveaux forages en mer, accordée en mars par l’administration après dix ans d’interruption. Désormais, le président veut démontrer qu’il reste actif, quitte à bouleverser son emploi du temps et à repousser pour la seconde fois une visite officielle en Indonésie. Reste que ses trois voyages en Louisiane n’ont pas permis de convaincre l’opinion.

Le flegme d’Obama et son allergie aux simagrées médiatiques le rendent maladroit quand il s’agit d’ex-primer un message de compassion. Les discours de leader lui conviennent davantage, quitte à faire du commandant des garde-côtes américains, le charismatique Thad Allen, un nouveau général MacArthur,  » chargé d’attaquer sur tous les fronts « . Surtout, le président n’oublie jamais d’évoquer le vrai coupable, BP, et ses revers quotidiens dans la lutte contre la marée noire (lire en page 72). Cette communication délicate devrait durer jusqu’à l’obturation définitive du puits, sans doute à la fin du mois d’août. Soit deux mois avant les prochaines élections au Congrès.

PHILIPPE COSTE

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