Rodolphe Archibald Reiss. Le théâtre du crime

Au Musée de la Photo, à Charleroi

Un crime vient d’être commis. La police est prévenue. Aussitôt, Rodolphe Archibald Reiss (1875-1929) se rend sur les lieux. Son rôle : photographier sans état d’âme afin que le maximum d’informations puisse aider les enquêteurs. Il entre, évalue les conditions d’éclairage, choisit un premier point de vue. Rien de cette intimité troublante et silencieuse ne doit lui échapper. Les indices sont là. A lui de les révéler. Chaque prise de vue contient d’éventuels indices qu’il s’agira de relier les uns aux autres. L’enquête peut se poursuivre. Dans le cahier d’expertise judiciaire, l’homme note ses premières conclusions :  » Un individu serait donc monté par l’échelle, aurait cassé avec le crochet du contrevent de la fenêtre, aurait passé son bras par l’ouverture ainsi pratiquée pour ouvrir l’espagnolette de la fenêtre.  » Nous sommes en 1907. Cela fait déjà quelques années que ce docteur en chimie, trentenaire passionné par les diverses techniques de la photographie (il est le rédacteur en chef de la revue suisse de photographie) a déjà publié deux ouvrages scientifiques : La photographie judiciaire et Manuel du portrait parlé, directement inspiré de ses travaux avec le célèbre criminologue français Alphonse Bertillon.

Reiss est tellement passionné par son métier qu’il en oublie de se marier et de fonder une famille. On l’appelle sur tous les terrains : un accident de tram, un cycliste renversé, un suicide, un avortement qui a mal tourné, un empoisonnement à l’acide, un incendie criminel, un cambriolage… Tirées en grands formats, les 120 photos sélectionnées parmi toutes celles que possède le musée de l’Elysée de Lausanne, révèlent sans fard divers aspects du génie de Reiss. Certaines, relevant de la typologie, réunissent par exemple les diverses armes perforantes ou les différents modèles de crochets utilisés par les voleurs. D’autres, usant parfois de la microphotographie, visent la graphologie, les empreintes ou l’art des faussaires. Une section plus dérangeante présente un ensemble de visages que Reiss a, pour le temps de la prise de vue, redressé et  » préparé  » en vue d’une identification. Enfin, il y a les scènes elles-mêmes. L’une d’elles, réalisée à partir de flashs au phosphore, évoque par sa texture quasi métallique et l’irréalité des lumières, le procédé de solarisation, cher aux portraits du surréaliste Man Ray. D’autres, d’une netteté parfaite, révèlent une maîtrise absolue des profondeurs de champ. L’exposition n’attire pas que les amateurs de polars ou de belle photographie. Il paraît que le service d’investigation de la police de Charleroi a beaucoup apprécié….

Jusqu’au 7 décembre. www.museephoto.be

G. Gr.

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