Irak : les portes de l’enfer

Le chaos terrifiant qui s’est emparé du pays évoque de plus en plus le Liban des années 1970 et 1980

Colin Powell est décidément l’homme des tâches ingrates et des missions impossibles. Début 2003, son  » boss  » l’envoyait plaider, une fiole à la main, devant les membres perplexes du Conseil de sécurité, le bien-fondé d’une intervention militaire pour renverser le régime de Saddam Hussein. Aujourd’hui, à un mois et demi de l’élection présidentielle américaine, voilà le secrétaire d’Etat de George W. Bush qui remonte vaillamment au créneau pour tenter de convaincre ses compatriotes et l’opinion internationale que la normalisation de la situation en Irak est en bonne voie.  » Lorsque l’insurrection aura été réduite au silence, le monde pourra constater que les Irakiens ont pris en charge leur propre destinée. Ce sera quelque chose dont nous pourrons être fiers « , vient de déclarer, avec le même accent de sincérité que naguère, Colin Powell, sur la chaîne de télévision NBC. Acceptons-en l’augure. Hélas, pour l’heure, c’est plutôt vers son inexorable libanisation que l’Irak de l’après-Saddam fonce à tombeau ouvert. Presque toutes les composantes du chaos dans lequel avait sombré le pays du Cèdre dans les années 1970 et 1980 y sont aujourd’hui réunies : pullulement des milices se substituant à un pouvoir étatique impuissant, confessionnalisation et ethnicisation d’un pays mosaïque, prise en main par le clergé, chiite ou sunnite, de la gestion de certains quartiers ; insécurité chronique due aux bombardements, affrontements armés et attentats quotidiens, mais également agissements croissants de groupuscules mafieux : assassinats, rackets, prises d’otages multiples. Quelques chiffres ? Environ 20 000 Irakiens tués depuis le début de la guerre et plus de 1 000 soldats américains ; une vingtaine d’Occidentaux pris en otage et souvent revendus au plus offrant sur le  » marché  » des terroristes locaux ; enfin une septantaine de morts et plus de 200 blessés, pendant la seule journée du mardi 14 septembre. Certes, liguées ici contre l' » occupant  » américain, les bandes armées ne se livrent pas en Irak à de sanglantes batailles rangées intercommunautaires comme elles le faisaient à Beyrouth. Pour l’instant. Car, déjà, dans ce pays en voie de décomposition, les attentats ou tirs de roquettes contre les églises de la minorité chrétienne se multiplient.  » Les portes de l’enfer se sont ouvertes en Irak « , soupirait ces jours-ci le secrétaire général de la Ligue arabe. Tous les démons libanais d’autrefois semblent en effet s’y être donné rendez-vous.

Alain Louyot

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