Le rythme d’abord !

Tir groupé de quatre spectacles décapants au Manège de Namur : un festival pour Leporello, formidable ensemble flamand et bilingue, qui joue, chante et danse sur les terres classiques

Au Manège de Namur, du 12 au 23 octobre (tél. : 081 226 026). Au théâtre 140, à Bruxelles, du 22 au 26 novembre (tél. : 02 733 97 08). Et en tournée à Ciney, Huy, Saint-Ghislain…

Une famille, une tribu. C’est ainsi que Dirk Opstaele appelle ses  » Leporelli « , ses 30 compagnons d’une épopée théâtrale qui a pris son envol en 1986, et qui en est à la 3e année de son premier contrat-programme.  » Avant, nous fonctionnions aux aides par projet « , précise le directeur de Leporello, compagnie flamande de souche, mais parfaitement bilingue.  » Nous avons débuté en langue néerlandaise et, quand on nous a demandé de jouer en Wallonie, nous nous sommes mis au français. C’est normal, dans un pays bilingue, non ? Il est essentiel de se faire comprendre par le public.  » La réciprocité n’est certes pas (encore) de mise… Et c’est donc dans la langue de Molière qu’ils joueront à Namur quatre de leurs spectacles parmi les dix qu’ils maintiennent aujourd’hui  » sur le feu  » en tournée, tout en mijotant de nouveaux travaux à l’horizon (de Beckett à Offenbach !).  » Je fais un plaidoyer pour le théâtre de répertoire, clame Dirk Opstaele. Le vieillissement d’un spectacle est une bénédiction, comme un bon vin. Plus on la joue, plus une pièce s’améliore. Jamais l’inverse. Nous restons en formation et en création permanente, et les idées de tous fertilisent le travail. Mais l’heure de vérité d’un spectacle, c’est sa rencontre avec le public.  »

S’il voyage aussi beaucoup en France et en Suisse, Leporello n’amoncelle pas les valises.  » Nous n’avons pas de décors, pas d’accessoires, pas de moyens extra-scéniques. Si û rare ûmachinerie il y a, les comédiens la manipulent eux-mêmes. Il n’y a même pas de jeu lumineux. Le seul effet, c’est le noir quand le spectacle se termine !  » Ce jansénisme de la scène ne signifie pas pour autant austérité. Les corps, les voix de ces comédiens-là sont des joyaux patiemment affinés : ils chantent, ils dansent, ils miment, et ils ont un sens de l’humour inégalable, une conscience du clin d’£il ludique, et le tout s’impose avec la plus belle évidence.  » L’essentiel, c’est le rythme, la musique, le tempo, la respiration du spectacle, aussi importants que la phrase verbale. Tout est signification. Où s’arrête le contenu d’une £uvre et où commence la forme ? Selon moi, il n’ y a pas de distinction possible.  »

Un Tartuffe et non tout Molière, un Britannis, frère inventé du Britannicus de Racine, Boulevard de l’adultère ou des histoires de Guitry remixées, Isma, tout proche de Nathalie Sarraute… Leur menu à Namur avoue l’irrévérence, mais pas la trahison. Le tourbillon scénique est calibré à la seconde près, ce n’est pas le chaos et c’est aussi décapant que drôle ! Décidément, nos voisins du Nord n’ont pas leur pareil pour donner un savoureux coup de boutoir à la tradition sacrée du texte !

Michèle Friche

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