L’an zéro après Marc Vandercammen

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Exaspéré, le conseil d’administration du Crioc a limogé son directeur général. Les audits internes lui étaient très défavorables et la défiance, générale. Un directeur intérimaire est nommé. Le Crioc tourne le dos à ce tumultueux passé…

Adriaan Meirsman connaît les lieux : cet ancien conseiller des ministres Picqué et Magnette était, jusqu’à l’année dernière, le directeur adjoint du Crioc (Centre de recherche et d’information des organisations de consom-mateurs). C’est lui qui, pendant quelques mois, assurera l’intérim après le licenciement du directeur général, Marc Vandercammen.

A l’unanimité, le conseil d’administration a jugé cette rupture de contrat inévitable, dans un climat de défiance généralisé. Sans doute la communication du conseil, soucieux de ne pas polémiquer dans la presse, eut-elle pu être plus limpide. Les médias ont en effet retenu du message envoyé en début de semaine que les audits internes, relatifs à la gestion du personnel et à la méthodologie des enquêtes, blanchissaient Marc Vandercammen. Ce n’était pas le cas.

 » Les deux audits, dont les rapports définitifs n’ont pas encore été rendus, soulèvent d’importants problèmes « , détaille Caroline Jonckheere, vice-présidente du Crioc. Le volet consacré à la méthodologie met en exergue le manque de rigueur des enquêtes, des fautes méthodologiques, scientifiques et statistiques dans le traitement de données, ainsi que des erreurs importantes dans les données de base. Les chercheurs du Crioc n’avaient jamais accès à ces données ni au programme permettant de les traiter, comme l’avait, entre autres dysfonctionnements, révélé l’enquête du Vif/L’Express de février dernier.  » Nous ne souhaitons pas que le Crioc soit assimilé, sur le plan de ses méthodes d’enquête, à un institut de sondage commercial « , insiste la vice-présidente.

L’audit consacré à la gestion du personnel révèle, lui, une totale absence de dialogue en interne, un climat de méfiance et une gestion centralisée à l’excès autour de la personne du directeur général. Ce qui peut expliquer l’étonnante rotation du personnel au Crioc : en cinq ans, 36 salariés l’ont volontairement quitté, sur un cadre d’une bonne trentaine. Le consultant chargé de ce travail n’a pas rencontré d’anciens salariés du Crioc, dont un certain nombre avaient témoigné de faits de harcèlement moral.

Un recours au Tribunal du travail n’est pas exclu

Outre les audits, c’est le communiqué de presse envoyé à titre personnel par Marc Vandercammen, en dépit de la demande qui lui avait été adressée de ne pas s’exposer dans les médias, qui a eu raison de la patience du conseil.  » Le directeur y commentait les audits sans en avoir les résultats et y a glissé des contre-vérités « , a déploré la présidente Ann De Roeck.

L’intéressé quitte donc la maison avec un préavis qui correspond au minimum légal, soit l’équivalent de 9 mois de salaire, ou un peu moins de 200 000 euros brut. Il n’est pas exclu qu’il s’adresse au Tribunal du travail s’il n’obtient pas, par la négociation,  » l’indemnité décente  » à laquelle il estime avoir droit.

Passer à autre chose

Pour les administrateurs du Crioc, le chapitre Vandercammen est clos. Et le travail ne manque pas. Il faut renégocier le contrat de gestion qui la lie au SPF Economie, en échange d’un subventionnement de 1,7 million d’euros par an. Ce contrat, suspendu par le ministre de tutelle en avril, doit être renégocié avant l’échéance du préavis, en septembre. Cette discussion s’appuiera sur les conclusions de deux audits demandés par Johan Vande Lanotte.  » Nous ne recevons pas du Crioc ce que nous sommes en droit d’en attendre, vu ce que nous lui payons « , avait-il dit au Parlement. Les conclusions de ces audits devraient tomber à la mi-juillet.

Différents cabinets ministériels ont également diminué leur subvention au Crioc ces derniers mois (lire ci-dessous) : il s’agira de regagner leur confiance. Et de rétablir enfin la délégation syndicale, dénoncée en 2008 par l’ancien directeur général.

Dans le cadre de ces multiples chantiers, les structures du Crioc seront repensées. Le conseil d’administration pourrait accueillir de nouveaux membres, notamment Test-Achats, qui s’est dit ouvert à la discussion, et la Ligue des familles, qui avait démissionné avec fracas il y a quelques semaines.  » Nous reviendrons si le Crioc redevient une véritable coupole d’organisations de consommateurs qui intègre aussi des acteurs comme Eco-conso ou achACT (Actions Consommateurs Travailleurs) « , a confirmé Denis Lambert, secrétaire général de la Ligue.

Quant au bureau exécutif, aujourd’hui atrophié, il verra également sa composition revue dans les prochains mois. Sur ses quatre membres, Marc Vandercammen, Daniel Van Daele (FGTB), Caroline Jonckheere (CGSLB) et Ann De Roeck (Gezinsbond), certains sont hors-jeu, et d’autres sortent affaiblis de ce combat de cinq mois. Cette instance a en effet validé pendant des années toutes les décisions du directeur général, aujourd’hui vilipendé.

En février dernier, Daniel Van Daele, vice-président du Crioc, avait d’ailleurs envoyé un courriel aux administrateurs, dans lequel il qualifiait l’enquête du Vif/L’Express de  » tempête dans un verre d’eau « . Un grand verre, alors…

LAURENCE VAN RUYMBEKE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire