Leurs voix comptent

Marc du Bois, CEO du groupe Spadel

L’homme qui valait cinq millions. Parfois six, selon les années. Tel pourrait être le surnom de Marc du Bois, CEO du groupe Spadel, qui exploite les richesses hydriques du sous-sol de la ville. Et lui verse chaque année de rondelettes taxes, correspondant à environ un quart du budget communal. Sans oublier les 400 emplois générés par l’entreprise.  » L’apport de Spadel est tellement important qu’on ne le voit plus et qu’on s’y habitue « , pointe Luc Peeters, chef de file de l’opposition Osons Spa (CDH).

Malgré cela, le manager de l’année 2013 n’est pas adulé comme le messie. Sa société familiale étant obligée de rester sur le territoire, la commune a compris qu’elle n’était pas toujours obligée de lui faire les yeux doux. Marc du Bois et le bourgmestre Joseph Houssa ne seraient donc pas franchement amis. Ils se sont opposés sur plusieurs dossiers : l’aérodrome de Spa-La Sauvenière, le tracé du Spa Rally, la fin du sponsoring de la marque pour les Francofolies… Si la commune ne se range pas systématiquement derrière l’avis du CEO, ce dernier trouve souvent une oreille attentive auprès des autorités régionales, qui ont tendance à partager son point de vue. Du coup, même indirectement, son avis compte.

Il arrive aussi que la Ville et lui travaillent de concert. Il y a deux ans, ils ont ensemble mis en place un vaste programme de remplacement gratuit des citernes à mazout des habitants, pour éviter les fuites et les pollutions des nappes phréatiques. L’employé qui s’occupe de ce projet (on parle tout de même de 1 600 cuves concernées, pour un peu plus de 200 déjà changées) est rémunéré moitié par la commune, moitié par l’entreprise.

 » Spadel est un acteur très important, en tant que locataire de nos sources, affirme Sophie Delettre, Première échevine. Nous travaillons toujours main dans la main avec notre partenaire.  » Toujours ?

Les commerçants

Spa étant, hormis Spadel, dépourvue de grandes industries, son moteur économique reste son commerce et ses indépendants. Magasins, établissements Horeca et professions libérales reliées représentent environ 300 personnes. Dont 160 font partie de l’ACS, l’Association des commerçants spadois. Un groupement qui, aux dires de sa présidente Catherine Geyr, s’entend assez bien avec les autorités communales.  » Il y a un échevin à chaque réunion « , souligne-t-elle, précisant que tous leurs désirs ne sont pas systématiquement exaucés, mais qu’ils sont au moins discutés.  » On arrive à de meilleurs résultats si l’on entretient de bonnes relations, je mets un point d’honneur à le faire admettre à nos membres.  »  » On est tout de même beaucoup à leurs côtés « , confirme Sophie Delettre. L’influence serait ici exercée globalement par l’association et moins par une personnalité plutôt qu’une autre. Même si les noms de Philippe et Hélène Gaspar, gérants des boutiques de mode Au Fuseau, sont souvent cités parmi les commerçants dont l’avis compte.

Les hôteliers

Avec les commerçants, les hôteliers constituent l’autre face de la médaille touristique si chère aux autorités spadoises qui seraient, par conséquent, assez à l’écoute de leur avis. Notamment via l’Association des hôteliers et restaurateurs, présidée par Jacqueline Maréchal, du restaurant Aux Campinaires, ou encore via le  » convention bureau  » Meet In Spa. A nouveau, le poids du groupe serait plus important que celui d’une personnalité en particulier. Toutefois, certains dirigeants feraient l’objet d’une attention particulière, comme Séverine Philippin, directrice des Thermes de Spa, un élément central pour le redéploiement touristique de la ville.

Le groupe Denys

La petite histoire veut que Johan Van Wassenhove, patron de Denys, ait décidé d’investir dans la rénovation des anciens thermes de Spa parce qu’il serait un amoureux du circuit de Francorchamps. En remportant en 2012, via sa filiale Foremost Immo, le marché lancé par la Ville, le groupe flamand y est de facto devenu incontournable. Ce ne sont pas moins de 25 millions d’euros que l’entreprise (1 000 employés, 211 millions de chiffre d’affaires) basée à Wondelgem, en région gantoise, est prête à sortir de sa poche pour réhabiliter l’édifice, vide depuis 2004.

Les relations du groupe Denys avec les autorités seraient plutôt cordiales, même si le projet a pris du retard. Ces dernières n’ont d’ailleurs pas hésité à lui faire débourser chaque mois, jusqu’à ce que le permis d’urbanisme soit accordé, un dédommagement de 3 000 euros. Ce n’est toutefois pas cela qui aurait récemment crispé les discussions, mais bien le nouveau plan de mobilité communal, qui prévoit de faire passer le trafic au pied de l’édifice classé. Denys n’aurait pas apprécié être mis devant le fait accompli. Du coup, le collège communal tente de ménager la chèvre et le chou.  » Ma position est qu’il ne faut pas indisposer l’investisseur « , glisse Paul Mathy, échevin du Patrimoine.

Paul Jehin, responsable de la revue Réalités

Dans toutes les bouches, quelle que soit leur couleur politique, un même nom revient lorsqu’il s’agit de citer une personnalité d’influence mais de l’ombre : Paul Jehin. L’homme n’a ni mandat public, ni carte de parti, ni désir de gloire.  » D’ailleurs, il est bien trop modeste pour admettre qu’il fait partie des voix qui comptent « , nous glisse-t-on. De fait.  » Je suis juste un responsable d’association, répond-il, lorsque Le Vif/L’Express le contacte. Je ne suis jamais seul, d’autres sont actifs avec moi.  » Il reste toutefois le point commun à différents dossiers qui marquent ou ont marqué la Ville. Il a fait partie de ce groupe de citoyens qui s’était farouchement opposé, au début des années 2000, à la construction d’un rond-point sur la place Royale. L’épisode s’était soldé par l’organisation de la première consultation populaire de Wallonie. Le giratoire de la discorde n’a jamais vu le jour… Cet enseignant à la retraite a aussi fait partie des chevilles ouvrières de la candidature de la Ville au patrimoine mondial de l’Unesco, projet désormais piloté par les autorités communales.

Passionné d’histoire, il est membre du conseil d’administration du Centre culturel et a fondé, en 1993, le Musée de la lessive qui a attiré plus de 100 000 visiteurs. Surtout, il édite le mensuel Réalités. Une revue d’une dizaine de pages agrafées manuellement par une équipe de bénévoles et distribuée à 1 400 exemplaires depuis bientôt 33 ans.  » Il s’agit d’une publication généraliste et pluraliste, détaille Paul Jehin. Nous ne prenons pas position, nous présentons les différents points de vue. On s’intéresse à tout ce qui se passe à Spa, même si la question du patrimoine est souvent évoquée. C’est un sujet auquel les habitants sont fort attachés. Parfois, il est vrai que la revue a joué un rôle de conscientisation.  » En tout cas, aucun édile n’oublie d’en lire le dernier exemplaire.

M.Gs

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