Irak : au-dessus du volcan

Désigné au terme de quatre mois de vaines querelles, le Premier ministre chiite Jawad al-Maliki hérite d’une mission impossible

La bonne nouvelle ? L’Irak a enfin un Premier ministre. La mauvaise ? Le lauréat hérite d’une mission ubuesque, aux commandes d’un pays enlisé dans une guerre civile de basse intensité. Le 22 avril, plus de quatre mois après le scrutin législatif de décembre 2005, le Parlement de Bagdad a intronisé le chiite Jawad al-Maliki, 56 ans. Ce professeur de littérature arabe accède ainsi au fauteuil délaissé à contrec£ur par Ibrahim al-Jaafari, qu’il secondait à la tête du parti Dawa. Honni des Kurdes et des sunnites, récusé par Washington, lâché par les siens et par l’ermite vénéré de Nadjaf Ali al-Sistani, le sortant paie le prix de ses échecs. Jugé trop perméable à l’influence iranienne, Jaafari n’a pas su enrayer l’hécatombe confessionnelle qu’intensifia, dès février, l’attentat fatal au mausolée chiite de Samarra. Ni entraver le noyautage des forces de sécurité par les milices religieuses ou l’essor des  » escadrons de la mort « .

Réputé homme à poigne, le nouveau-venu fera-t-il mieux ? Pas sûr : dès juin 2004, une loi, restée lettre morte, offrait aux 100 000 miliciens recensés le choix entre l’intégration au sein de l’appareil sécuritaire d’Etat et le retour à la vie civile. Tout juste reconduit à la présidence de l’Irak, le Kurde Jalal Talabani s’est empressé de soustraire les combattants peshmerga, membres à ses yeux d’une  » force régulière « , au démantèlement annoncé. Et l’on voit mal le chiite radical Moqtada al-Sadr se priver du pouvoir dissuasif de son Armée du Mahdi. En clair, ça commence bien.

Ça commence d’autant mieux que la présidence du Parlement échoit au sunnite Mahmoud Machhadani, connu pour ses convictions salafistes et sa bienveillance envers la guérilla islamo- baasiste. Censé former dans les trente jours un cabinet  » d’union nationale « , affranchi du poison sectaire, Maliki devra quant à lui faire oublier qu’il fut un avocat radical de la cause chiite et l’un des artisans de la purge anti-Baas menée sous le règne de l’administrateur civil américain Paul Bremer. Au moins ne se berce-t-il pas d’illusions. Pour preuve, la mise en garde adressée à ses frères irakiens dès 2002, par le canal d’un journal libanais :  » Ne vous battez pas pour diriger demain une patrie écrasée sous les dettes, peuplée de veuves et d’orphelins.  »

Vincent Hugeux

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