Le Mrax zappe le génocide juif

Dans ses nouveaux statuts, le Mrax ne fait plus référence à la défense de la mémoire des victimes du nazisme pour lequel il avait été créé, après la Seconde Guerre mondiale.

Le rapport de l’assemblée statutaire du Mrax (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie) du 27 juin 2010, déposé au greffe du tribunal de première instance de Bruxelles, le 30 décembre 2010, révèle que son objet social a été modifié. Dans l’ancienne version de l’article 2 de ses statuts, l’association était censée contribuer  » à la défense de la mémoire des victimes de persécutions racistes, commises notamment sous le nazisme « . La nouvelle version indique la volonté du Mrax de défendre  » la mémoire des victimes de persécutions racistes, commises notamment lors d’un génocide « .

Zappée, la Shoah. Qui reste certes implicite dans l’objet social reformulé mais qui oublie le vécu douloureux des anciens du Mrax, des résistants et des communistes de l’après-guerre souvent d’origine juive. Généreusement, ils voulaient fédérer tous ceux  » qui entendent s’opposer aux discriminations, aux haines, aux préjugés fondés sur une prétendue race, la nationalité, la langue, la culture, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la confession ou les convictions philosophiques « . Ils prônaient  » l’amitié et la paix entre les peuples  » et promouvaient  » l’égalité et la fraternité entre les êtres humains « . Ces belles intentions ont été maintenues dans la version 2010 des statuts du Mrax. Sauf la référence à la Shoah.

Cet oubli s’inscrit dans une démarche de concurrence des victimes, qui a percolé jusque dans les Assises de l’interculturalité, lancées par la ministre de l’Egalité des chances, Joëlle Milquet (CDH). Dans leur rapport, déposé en novembre 2010, les Assises recommandaient de modifier la loi de 1995 réprimant le négationnisme du génocide commis par le régime nazi,  » pour y intégrer la lutte contre d’autres formes de négationnisme « . Histoire d’intégrer les génocides arménien et tutsi, historiquement et politiquement reconnus, et peut-être les victimes palestiniennes et les esclaves noirs, considérés par certains comme les victimes d’un génocide. Une man£uvre imaginée par le Mrax. La ficelle était grosse. La ministre Milquet s’est désolidarisée des Assises sur ce point, après sa rencontre avec les plus hauts représentants de la communauté juive de Belgique.

Des subsides réduits de moitié ?

Quelle conséquence aura la dernière envolée du Mrax, déjà discrédité par sa gestion rock’n’roll et les dérapages verbaux de son président démissionnaire, Radouane Bouhlal ? En 2010, la ministre de l’Egalité des chances de la Communauté française, Fadila Laanan (PS), a gelé près d’un tiers (92 000 euros sur 297 000 euros) de la subvention accordée au Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (Mrax), vu son incapacité à justifier une partie de ses subventions à l’emploi. Le Mrax risque, en outre, de subir un déclassement sur l’échelle des associations d’éducation permanente, ce qui entraînerait la perte de la moitié de ses subsides, a révélé, la semaine dernière, Le Père Ubu-Pan. Motif : un volume d’activités insuffisant. Le pouvoir fédéral (Fonds d’impulsion à la politique des immigrés) et le régional (Actiris, Cocof) vont-ils continuer à soutenir ce canard boiteux ? En cinq ans, le Marx aurait touché, en fonds publics, l’équivalent de 3 millions d’euros.

Interpellée sur le fond, Fadila Laanan s’en tient à une approche purement  » quantitative  » et  » rationnelle  » du dossier Mrax, comme le veut le décret sur l’éducation permanente.  » Sur la base du rapport des inspecteurs de l’administration, le Conseil supérieur de l’éducation permanente a rendu un avis qui va être remis à la ministre. Il servira de base à sa décision de rétrograder ou non le Mrax « , explique Serge Bierenbaum, porte-parole de Fadila Laanan. Est-ce une situation définitive ?  » Tout dépendra des nouveaux projets et de la nouvelle direction du Mrax « .

MARIE-CÉCILE ROYEN

 » CET OUBLI S’INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE DE CONCURRENCE DES VICTIMES «