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Effacer des souvenirs à coups d’électrochocs, c’est possible

Le Vif

Des scientifiques ont réussi à effacer une partie de la mémoire de plusieurs personnes grâce à une « thérapie » par électrochocs. Leur but: éliminer les mauvais souvenirs pour soigner les dépressions.

Effacer les mauvais souvenirs pour mieux soigner les addictions, les dépressions nerveuses et autres traumatismes psychiques. C’est le but d’un groupe de neuroscientifiques de la Radboud University Nijmegen, aux Pays-Bas, qui a mené une expérience sur 42 patients « gravement dépressifs » grâce à un traitement par électrochocs, rapporte le HuffingtonPost.

Les chercheurs, qui ont publié leurs résultats dans la revue scientifique Nature Neuroscience, affirment avoir voulu « effacer un souvenir émotionnel récent ».

Une question de timing

En fait, tout est une question de timing de l’application des électrochocs, expliquent les scientifiques, qui ont déterminé que c’est juste après la « réactivation d’un souvenir » qu’il faut pratiquer les électrochocs. En procédant de cette façon, un souvenir pourrait donc être effacé.

Pour le prouver, les chercheurs ont demandé aux 42 patients de regarder deux diaporamas anxiogènes (un sur un accident mortel, un sur une agression).

Une semaine plus tard, ils ont réuni une nouvelle fois les 42 participants et ont « réactivé » leurs souvenirs en leur montrant seulement un des deux diaporamas. Ils ont ensuite séparé les 42 patients en 3 groupes pour tester leurs souvenirs des deux diaporamas.

Les participants du groupe 1 ont reçu des électrochocs juste après avoir revu un des deux diaporamas. Un jour plus tard, on leur a demandé de se souvenir des deux histoires anxiogènes. Ceux-ci se rappellent bien du diaporama qu’ils n’ont vu qu’une seule fois. Impossible, par contre, de se souvenir de l’histoire qui leur a été montrée une deuxième fois, juste avant de recevoir les électrochocs.

Les participants du groupe 2 ont également reçu des électrochocs, mais les scientifiques leur ont immédiatement demandé de se souvenir des deux histoires. Leur mémoire était intacte. Quant aux participants du groupe 3 qui n’ont pas reçu d’électrochocs, ils ont également pu se rappeler des deux histoires.

Les scientifiques ont ainsi non seulement vérifié leur théorie -il faut que les électrochocs soient appliqués juste après la « réactivation d’un souvenir »-, mais aussi que l’impact des électrochocs n’est pas immédiat. Il faut attendre au moins 24 heures.

Reste maintenant à déterminer si la perte de mémoire est définitive ou temporaire. L’étude, loin d’être complète, ouvre néanmoins de nombreuses pistes de traitements médicaux.

Changer la mémoire, aussi utile que dangereux: l’éthique en question

Elle soulève également des questions éthiques. De telles pistes de recherches peuvent être intéressantes pour la médecine et de nombreux malades. Elles ne sont pas non plus sans rappeler de nombreux scenarios de science-fiction traitant de manipulation mentales.

Hank Greely, directeur du Centre juridique Biosciences de l’Université de Stanford, spécialiste des questions d’éthique dans la neuroscience -non associé à l’étude-, pointe du doigt ces dangers. « Qu’arriverait-il si nous étions capables d’effacer des mémoires l’Holocauste? », s’interroge-t-il. « Ce serait terrible », explique-t-il au Times.

Une autre étude du Massachussets Institute of Technology (MIT) avait déjà soulevé ce type de question en publiant une étude sur l’implantation de faux souvenirs dans la mémoire de souris. « La prochaine étape dans les recherches sur la mémoire se concentrera sur les mécanismes permettant d’effacer de mauvais souvenirs des souris », indiquait à l’époque l’un des chercheurs de l’étude, qui s’empressait d’ajouter que « de telles expériences sur des humains sont éthiquement inconcevables ».

Victor Garcia

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