Le trublion dinantais

Les magistrats ne sont pas au-dessus des lois et leur impartialité doit être au-dessus de tout soupçon. Cas d’école à Dinant

Jusqu’où un magistrat peut-il déroger aux devoirs ou à la dignité de sa charge avant d’en être écarté ? Le cas du juge Luc Monin, à Dinant, pose l’épineux problème de la discipline dans la magistrature. Autrefois, c’était la Cour de cassation qui intervenait lorsqu’un magistrat dérapait. Ce qu’elle faisait très rarement, par manque d’intérêt ou pour ne pas compromettre l’image de la magistrature. Les calamiteux étaient relégués au placard. Les annales récentes retiennent la destitution, en 1999, d’un conseiller suppléant qui avait refusé de signer un arrêt. Mais il était simplement avocat, prestant dans une cour d’appel pour aider à résorber l’arriéré judiciaire. Une loi de 2002, dont l’un des instruments, le Conseil national de discipline, vient à peine d’être installé, prévoit de  » responsabiliser  » les chefs de corps en leur permettant de prononcer des peines mineures. Pour les faits plus graves, le Conseil national de discipline peut proposer une peine allant jusqu’à la destitution. La Cour de cassation, elle, tranche.

L’affaire dinantaise est pénible à plus d’un titre. De 1974 à 2003, le directeur d’un home pour  » enfants du juge « , la Maison de nos enfants, à Beauraing, a abusé de son autorité pour commettre des viols et des attentats à la pudeur sur des garçons confiés à son institution. Devenus adultes, cinq d’entre eux ont déposé plainte. Au bout d’une instruction sous haute tension – le prévenu n’a jamais reconnu les faits et a adopté une attitude méprisante envers ses accusateurs -, l’homme a été reconnu coupable et condamné à huit ans de prison ferme. Soulagement des victimes. Et scandale immédiat, en ce 13 septembre : l’un des juges composant la chambre à trois juges (une garantie supplémentaire dans un dossier de pédophilie) s’est désolidarisé publiquement de la décision de ses collègues.

Mis en minorité, comme cela arrive, le juge Monin aurait dû se sentir tenu par le principe de collégialité et par le caractère secret de la délibération. Mais, en place depuis quatorze ans, Monin mène un combat personnel contre l’ordre établi et, accessoirement, contre ses collègues. Un dossier disciplinaire à sa charge est sur le point d’aboutir à la cour d’appel de Liège. A-t-il soigné sa sortie, en emboîtant le pas à la défense ? L’avocat du pédophile condamné, Me Thierry Delaey, tire, en effet, à boulets rouges sur la proximité entre le juge d’instruction et le président du tribunal de première instance de Dinant, qui est partie civile dans cette affaire en tant que président du conseil d’administration de l’ASBL  » Maison de nos enfants « . Rien ne permet de douter de l’impartialité du juge d’instruction. En revanche, les mandats caritatifs que les juges acceptent parfois d’assumer ne sont pas dépourvus de risques. La preuve.

Marie-Cécile Royen

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire