Elke Sleurs épargne les diamantaires

Le récent plan anti-fraude de la secrétaire d’Etat N-VA est une réponse évidente à l’évaluation peu favorable du Gafi sur les pratiques anti-blanchiment de la Belgique. Ce plan ne concerne cependant pas les diamantaires. Etonnant ?

Le Groupe d’action financière (Gafi), le principal organe international de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, s’apprête à rendre son évaluation finale sur les pratiques belges en la matière. Le rapport très attendu des évaluateurs qui sont venus en Belgique l’été dernier a déjà fuité dans la presse, début février. On sait que le bulletin n’est pas vraiment rose, surtout en matière de blanchiment. Dans ce document de 200 pages, l’impuissance de la justice est surtout pointée du doigt :  » Le nombre d’enquêtes et de condamnations pénales ne semble pas en adéquation avec le niveau de risque identifié jusqu’à présent.  » Traduction : de nombreux fraudeurs passent entre les mailles du filet judiciaire. Les diamantaires anversois se voient aussi sévèrement crossés, car ils ne disposent pas des mesures nécessaires pour limiter les risques de blanchiment, pourtant élevés dans ce secteur.

Bref, l’évaluation finale officielle fait craindre le pire. Aussi, la délégation belge s’est-elle défendue bec et ongles lors de la séance plénière à Paris, du 25 au 27 février. Le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) s’est déplacé en personne pour prononcer un discours et rencontrer des responsables, autrement dit pour jouer les démineurs. Certains points du rapport seront adoucis. Mais, selon nos informations, la Belgique sera, très vraisemblablement, placée en procédure de suivi renforcé. Soit la procédure la plus rigoureuse du Gafi. Une première pour notre pays. Mais à sa décharge, il faut souligner que cette quatrième évaluation est plus implacable que les précédentes, car elle ne teste pas seulement les structures mises en place mais aussi leur effectivité. D’ailleurs, parmi les quatre premiers Etats à être expertisés – Norvège, Belgique, Australie, Espagne -, seul le dernier cité échapperait à cette procédure spéciale.

Cela dit, ce n’est pas une bonne nouvelle pour le gouvernement Michel. On sait qu’une mauvaise note du Gafi, qui a acquis un poids déterminant depuis les attentats du 11 septembre 2001, peut donner une piètre image de la situation financière d’un pays en termes de risques et donc influencer son rating par les agences de notation. Ce n’est donc pas un hasard si la secrétaire d’Etat à la Lutte contre la fraude fiscale Elke Sleurs (N-VA) a présenté son plan de bataille anti-fraude, mi-février, juste avant les discussions du Gafi à Paris. Dans la dernière version disponible, Sleurs évoque d’ailleurs explicitement l’évaluation du Groupe d’action financière.

Dans son plan en quinze points, on retrouve de nombreux éléments en concordance avec cette évaluation. Le plus spectaculaire est le changement d’avis de la secrétaire d’Etat concernant le plafond autorisé pour les paiements en cash. En décembre dernier, pour plaire aux commerçants et indépendants, elle avait annoncé son intention de relever ce plafond de 3 000 à 7 500 euros, alors que la Belgique s’est vue féliciter par le Gafi pour sa limite de 3 000 euros, appliquée depuis un an, qui permet de mieux lutter contre le blanchiment. Mi- février, Elke Sleurs a brusquement fait machine arrière, au grand dam des associations d’indépendants. Le plafond est maintenu à 3 000 euros. Par contre, dans son plan, aucune mesure ne semble concerner le secteur diamantaire, pourtant mis sous pression par le Gafi et épinglé, une fois encore, dans le dossier HSBC/SwissLeaks. La N-VA, qui tient les rênes d’Anvers, serait-elle gênée aux entournures ?

Thierry Denoël

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