Votez, éliminez !

Ne plus choisir qui sera au pouvoir, mais qui on ne veut plus y voir : comment un artiste réinvente le bannissement à la grecque antique.

Les gouvernants n’auront qu’à bien se tenir, transformés en fusibles susceptibles de sauter à tout moment, par la seule volonté des mécontents. Ils sont au pouvoir ? Ils ne seront jamais sûrs d’y rester. Bienvenue en ostracratie, univers surgi de l’imagination d’un artiste suisse installé à Bruxelles. Christophe Meierhans est parti d’une page blanche. Il est arrivé à une Constitution de 365 articles qui met le monde démocratique à l’envers.

Aux orties, les élections. Place à la disqualification.  » On ne choisit plus qui sera au pouvoir, mais qui on ne voudra plus voir au pouvoir « , explique le père-fondateur de ce régime d’un nouveau type. Fini de  » voter sur la base de promesses lancées vers le futur « , il s’agira  » d’éliminer sur la base des actes posés par le passé « . Inversion radicale de logique. Sa clé de voûte repose sur un taux disqualificatoire, sorte de baromètre d’impopularité alloué à quinze  » Chargés de bien commun « . Si la manière dont ces  » ministres  » font tourner la boutique déplaît, leur taux disqualificatoire, alimenté en continu par les citoyens au moyen d’un compte électronique nominatif, aura toutes les chances de s’envoler dangereusement. Jusqu’à atteindre la barre fatidique des 100 %, synonyme de culbute. A chaque dirigeant de sauver son poste, en se décarcassant pour faire retomber la pression du baromètre par son action personnelle, et éloigner ainsi le spectre du limogeage. Les mécontents auront toujours le dernier mot.

Christophe Meierhans a tout prévu. Y compris la manière de combler le vide du pouvoir. Le successeur d’un dirigeant dégommé émergera d’un  » pool de qualification « , assemblée de 1 095  » ministrables  » en puissance, tirés au sort pour trois ans et formés pour la cause. Avec possibilité de s’autodisqualifier.  » Le nouveau dirigeant sera le dernier citoyen à s’être autodisqualifié.  » Manège cruel :  » Mon système ne se veut pas nécessairement plus juste, mais aussi convaincant et logique que possible « , justifie Christophe Meierhans. Logique, comme pouvait l’être l’ostracisme, le bannissement en vogue chez les anciens Grecs.  » Chaque année, les citoyens pouvaient décider par un vote anonyme de bannir de la cité quelqu’un considéré comme dangereux en raison de sa popularité ou de sa mauvaise influence sur la politique de la cité.  »

Un brin fumeux ? L’artiste ne prétend pas le contraire.  » Il s’agit d’une pure fiction.  »

Some use for your broken clay pots, par Christophe Meierhans, MER, 356 p.

P. Hx.

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